Quand on pense à la littérature irlandaise, un nom revient toujours, James Joyce et ses Gens de Dublin ou son titanesque Ulysse. Mais le pays de la Guinness a plus d’un écrivain dans son sac et la Saint Patrick est une bonne occasion pour les redécouvrir. Plus qu’une nationalité, ils ont de nombreux thèmes et un ton en commun : humour caustique, cynisme, critique du puritanisme protestant et de la société bien-pensante… Voici cinq figures majeures de la littérature irlandaise.
Samuel Beckett
Irlandais, un brin français (sa langue d’expression mais aussi son pays d’accueil), Samuel Beckett, Prix Nobel de littérature en 1969, est principalement connu pour son œuvre théâtrale construite autour d’un courant : l’absurde.
Oubliez tout ce que vous savez sur le théâtre, les pièces de Corneille, Racine ou Molière : Samuel Beckett est un auteur à part, célébré pour son renouvellement de la dramaturgie, son minimalisme, son style épuré et son humour cynique, très cynique.
En attendant Godot, sa pièce la plus connue, représente à elle seule le théâtre de l’absurde façon Beckett, à la manière du Rhinocéros de Ionesco. De Beckett, on retient des pièces sans intrigue, des actes sans raison, des personnages – selon Robbe-Grillet « seuls en scène, debout, inutiles, sans avenir ni passé, irrémédiablement présents ». Comment résumer une pièce de Beckett ? Tâche impossible, ou presque. « Je n’ai pas d’idées sur le théâtre. Je n’y connais rien. Je n’y vais pas. C’est admissible. Ce qui l’est sans doute moins, c’est d’abord, dans ces conditions, d’écrire une pièce, et ensuite, l’ayant fait, de ne pas avoir d’idées sur elle non plus. C’est malheureusement mon cas. », avouait Samuel Beckett dans une lettre à Michel Polac.
Expérience scénique avant tout, l’œuvre de Samuel Beckett s’éprouve et se vit dans un théâtre.
William Butler Yeats
Dramaturge également, mais surtout connu pour sa poésie, William Butler Yeats est l’un des fers de lance du renouveau de la littérature irlandaise, auteur d’une réflexion riche autour des masques, tant physiques que spirituels. Initialement pourfendeur du courant romantique avec la publication en 1893 du Crépuscule celtique, William Butler Yeats s’est illustré dans sa jeunesse pour son goût du folklore, des mythes et légendes irlandais. Il s’est plus tard converti et initié à des formes littéraires plus modernes, accompagné notamment du poète Ezra Pound. Plus réalistes, moins lyriques, les derniers recueils de Yeats sont dénués de ses croyances transcendentalistes mais ont toujours pour intérêt les différents cycles de la vie.
Plus irlandais que Saint Patrick, William Butler Yeats est également populaire pour son nationalisme et a occupé un poste de sénateur pendant deux mandats. Il créa notamment l’Abbey Théâtre, le théâtre national irlandais.
Elizabeth Bowen
Orpheline de mère à douze ans, Elizabeth Bowen s’est très tôt occupée de son éducation dans le Dublin du début du XXème siècle. Indépendante de son père remarié, elle se tourne vers l’écriture pour augmenter ses revenus, elle qui rêvait de devenir peintre. Grand bien lui a pris ! C’est à vingt-quatre ans seulement qu’elle publie son premier recueil de nouvelles, Encounters (1923), genre dans lequel elle excellera par la suite. Quatre ans plus tard, elle devient romancière : Dernier Automne (1929), Emmeline (1932), La Maison à Paris (1935), Les Cœurs détruits (1938) et La Chaleur du jour font partie de ses romans majeurs. Parfois comparée à Jane Austen et Virginia Woolf, Elizabeth Bowen s’est distinguée par son ironie, son humour caustique et son attention envers les bassesses humaines. Une œuvre riche et pénétrante.
George Bernard Shaw
Il faut croire que les écrivains irlandais se font remarquer par leur sens de l’humour, toujours un brin cynique ! Provocateur et anticonformiste, George Bernard Shaw est à la fois essayiste, critique d’art, de musique et de théâtre, mais aussi fervent militant politique, engagé dans le socialisme et les courants pacifistes nés en opposition aux guerres mondiales. Révolutionnaire, réformateur, il cherche à détruire le capitalisme et aime tourner en ridicule tout conformisme social. Issu d’une famille protestante, il aime à se moquer de la religion et à exposer ses griefs contre le puritanisme.
Pygmalion (1914) est souvent considéré comme son chef-d’œuvre. La pièce vise à tourner en dérision la classe moyenne dite respectable. La comédie musicale My Fair Lady, avec Audrey Hepburn, est inspirée de la pièce, la fin cynique en moins.
Edna O’Brien
Edna O’Brien, plus jeune auteure de cette sélection à 87 ans, se distingue elle aussi par sa critique virulente de la société irlandaise bien-pensante. Ses romans et nouvelles s’opposent ouvertement aux injonctions morales et religieuses qui prévalent en Irlande, notamment à l’égard des femmes. Née elle-même au cœur de ce milieu qu’elle décrit comme catastrophique, elle cherche à le fuir et se lance dans une carrière littéraire après avoir lu Le Portrait de l’artiste en jeune homme de James Joyce. Pour avoir donné la parole aux femmes et décrit de manière explicite leur sexualité dans sa trilogie Country Girls (1960-1964), Edna O’Brien fut interdite en Irlande et certains de ses livres brûlés. Son œuvre, centrée sur l’intimité des femmes, leurs relations aux hommes et leur place dans la société, fut réhabilitée dans les années 1980. En 2006, l’Université de Dublin la nomme professeur de littérature anglaise et lui remet le Bob Hughes Lifetime Achievement Award.