Dossier

Thronebreaker: The Witcher Tales dégaine son atout Switch

01 mars 2020
Par Valérie Précigout (Romendil)

Quoi qu’on en dise, la récente adaptation Netflix de l’univers du Sorceleur a clairement relancé la popularité de The Witcher en donnant un coup de fouet aux ventes des romans et des jeux vidéo. Né de la plume d’Andrzej Sapkowski, le lore de The Witcher avait également eu l’occasion d’inspirer la création d’un jeu de cartes compétitif, le Gwent, pour finalement aboutir à une aventure solo de qualité baptisée Thronebreaker. Son arrivée sur Switch nous permet de revenir sur ce titre encore trop méconnu du grand public.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker : The Witcher Tales / CD Projekt RED

Entre les débats entourant la série Netflix et la sortie en fin d’année dernière de The Witcher 3: Complete Edition sur Switch, l’œuvre de Sapkowski n’en finit pas de faire parler d’elle. Son actualité la plus récente concerne l’arrivée inattendue et inespérée de Thronebreaker: The Witcher Tales sur la console de Nintendo. Il semble bien que l’équipe de CD Projekt Red ait fini par céder aux sirènes de la Switch, support qui avait pourtant été cruellement évincé au moment du lancement du jeu sur PC, PS4 et Xbox One fin 2018. Voilà en tout cas une bonne opportunité de se rattraper pour ceux qui seraient passés à côté, et nous vous expliquons pourquoi.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

L’évolution du Gwent

Imaginé au départ comme un simple divertissement annexe proposé en marge de la quête principale de The Witcher 3: Wild Hunt, le Gwent est un jeu de cartes stratégique dans la veine des jeux tactiques post-Magic The Gathering ou Hearthstone. Mais son potentiel et sa consistance ont rapidement poussé les membres de CD Projekt Red à lui dédier un véritable stand alone free-to-play, Gwent: The Witcher Card Game, destiné à la compétition entre joueurs. Ses bases stratégiques, ses liens directs avec l’univers du Sorceleur et son aspect collection de cartes constituent alors déjà les trois piliers fondamentaux de ce qui conduira à la création de Thronebreaker: The Witcher Tales. L’objectif avoué de ce dernier revêt pourtant un caractère fondamentalement inédit. Il s’agit en effet d’explorer pour la première fois la facette solo du Gwent au travers d’une gigantesque campagne combinant duels de cartes, exploration du lore de la franchise et choix moraux influant sur le déroulement du scénario.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Le jeu de cartes au service d’une aventure solo

Parmi ses multiples singularités, le Gwent – et par extension le jeu de cartes simulant les duels dans Thronebreaker – mise sur une approche très personnelle, faisant fi des règles les plus incontournables habituellement employées dans la plupart des jeux de cartes. Le joueur qui s’attendrait à alimenter sa main à chaque tour en piochant une nouvelle carte dans son deck ou à voir ses unités prendre régulièrement part aux phases de combat risque d’être fortement déstabilisé. Ici, l’importance de la préparation des cartes en amont est à ce point primordiale qu’il faut faire au mieux avec ce qui nous tombe entre les mains, à quelques ajustements près. Sachant que la victoire s’obtient au meilleur des trois manches sans possibilité de re-mélanger l’intégralité de son deck, il faut également être capable d’anticiper suffisamment ses chances de victoire ou de défaite en sacrifiant un round, le cas échéant, afin de conserver ses meilleures cartes pour une éventuelle troisième manche.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Dans leur déroulement aussi, les parties surprennent le néophyte tant il est important de connaître à l’avance la manière dont les cartes peuvent se combiner entre elles pour tenir la distance face aux stratégies adverses. L’ordre dans lequel on va jouer ses cartes ne doit pas simplement viser à détruire ou affaiblir les unités ennemies, mais aussi à préserver ou accroître le quota de force qui leur est propre. C’est véritablement dans le détail des possibilités de chaque carte que l’on prend conscience du potentiel tactique du système de jeu qui favorise les retournements de situation. Comprendre comment réactiver le plus souvent possible les ordres de certaines unités et provoquer des réactions en chaîne capables de piéger l’ennemi pour le prendre de vitesse. Voilà un exemple des situations qui font tout le sel de ces parties où il n’est pas rare de se retrouver cerné par des hordes de monstres se reproduisant à l’infini ou de voir son camp infiltré par des espions. En cela, le choix du jeu de cartes comme seul moyen de résolution des batailles dans Thronebreaker: The Witcher Tales se justifie totalement, le tour par tour ne retirant rien à l’efficacité du titre en termes d’ambiance putride et sournoise chère à l’univers du Sorceleur !

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Au-delà des cartes

Fort de ses multiples ajustements par rapport aux règles du Gwent original purement compétitif, Thronebreaker affiche des mécaniques plus adaptées à un jeu de cartes destiné à servir le cadre d’une aventure solo ne tournant plus uniquement autour des combats. Avec Thronebreaker: The Witcher Tales, le studio polonais cherche surtout à s’attirer les faveurs d’un public plus large, pas forcément familier des jeux de cartes stratégiques, mais tenté par une campagne entièrement scénarisée. Si dans Gwent : The Witcher Card Game, l’aspect narratif était encore embryonnaire, un cap a véritablement été franchi avec Thronebreaker, même s’il ne s’agit pas pour autant d’un RPG. Dans le rôle de la reine des deux royaumes de Lyrie et de Riv, luttant pour préserver ce qui peut encore l’être, le joueur évolue librement sur des maps joliment crayonnées à la main. Fort d’une direction artistique qui cadre tout à fait à l’idée que l’on peut se faire des environnements sinistres de The Witcher, le titre développe sa propre histoire sur une poignée de maps de grande taille propices aux rencontres en tous genres.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Assez régulièrement, des choix moraux nous sont imposés afin d’orienter le profil de notre protagoniste en nous forçant à assumer nos décisions de manière concrète. La plupart du temps, ce sont ainsi nos ressources (or, bois, recrues) qui sont directement affectées, voire le moral de nos troupes. La recherche de trésors et autres éléments permettant de développer les capacités de notre QG confère au titre une dimension gestion bienvenue qui a le mérite d’accorder au joueur une marge de manœuvre assez confortable.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Libre à nous de privilégier tel ou tel aspect stratégique au détriment des autres en fonction de notre manière de jouer, la progression dans la campagne donnant accès à toutes sortes d’avantages concrets (optimisation de cartes, bonus de ressources, deck étendu, etc.). Solide sans être pour autant chronophage, l’aspect gestion rejoint de manière logique la construction du deck, même s’il faut reconnaître que ce dernier ne se diversifie pas suffisamment vite pour inciter à renouveler fréquemment ses stratégies en combat.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

L’art du conteur

Bien qu’intégralement doublé en anglais ou en français (via un pack de téléchargement gratuit), Thronebreaker: The Witcher Tales n’affiche évidemment pas les mêmes ambitions que The Witcher 3 sur le plan de sa réalisation, mais il serait dommage de s’arrêter à cela. Certes, le titre prend délibérément le parti de nous noyer sous une quantité importante de textes dans le but de consolider au maximum son efficacité narrative. Et ce qui constituera aux yeux de certains un point fort considérable pourra paraître rédhibitoire à d’autres. Mais la manière dont les prises de décision interviennent n’implique jamais une connaissance parfaite du contexte, rien ne permettant de toute façon d’anticiper les conséquences réelles de nos choix sur le long terme. On pourra cependant regretter que notre ami Geralt ne fasse que de la figuration dans le contexte des événements de Thronebreaker, même si le personnage de Meve – qui est à la base un personnage secondaire des romans – ne manque pas de charisme. Quant aux musiques, elles se révèlent incroyablement efficaces et garantissent une immersion instantanée dans l’univers du jeu.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Le rythme reste, lui, étonnamment digeste grâce à une conception abrégée des batailles qui revisite très souvent les conditions de victoire pour nous forcer à résoudre les duels en une seule manche gagnante. Cela se justifie pleinement dans le sens où il s’agissait sans doute du meilleur moyen d’incorporer la formule du jeu de cartes dans une campagne aussi développée sur le plan narratif. Ainsi, non seulement les combats ne s’éternisent pas, mais ils prennent régulièrement la forme de « puzzles », dans le sens où il faut trouver comment remporter la victoire en tenant compte des règles spéciales énoncées. Les duels s’en trouvent habilement renouvelés et les récompenses sont à la hauteur des défis proposés.

Thronebreaker: The Witcher Tales

© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

Touriste ou briseur d’os

Ceux qui hésiteraient à se lancer, de peur de se retrouver bloqués, doivent être prévenus que la version Switch comporte toujours son mode Explorateur dans lequel il est possible de zapper une bataille en cas d’échec. Cette aide facultative élargit ainsi la cible de Thronebreaker: The Witcher Tales à tous les types de joueurs sans compromettre aucunement l’équilibre du système de jeu, le mode Briseur d’Os étant à l’inverse destiné aux fins connaisseurs.

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© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

De par sa nature d’alternative 100 % solo au Gwent classique, le titre ne comprend pas de mode multijoueur et doit être vu comme un complément à l’approche purement compétitive de Gwent: The Witcher Card Game. Destiné à un public friand de grandes histoires et de récits épiques grouillants d’abominations, Thronebreaker nous offre une trentaine d’heures pour explorer la face cachée de l’univers du Sorceleur, en dock ou en nomade sur Switch.

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© Thronebreaker: The Witcher Tales / CD Projekt RED

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