Nouvelle étape pour Fortnite. Après une sortie sur iOS couronnée de succès, c’est en effet au tour d’Android de recevoir le titre en bêta. L’occasion pour les développeurs d’Epic Games de confirmer leur domination sur la tendance ultra-concurrentielle qu’est le Battle Royale, et pour nous de revenir sur ce que l’on peut qualifier de véritable phénomène.
Fortnite a beau être sorti il y a un peu plus d’un an, il est beaucoup plus ancien qu’il n’y paraît. Il faut dire qu’Epic Games a annoncé son développement il y a plus de six ans. Le jeu n’incarnait pas alors la vogue du Battle Royale que l’on connaît aujourd’hui. Tel qu’il était présenté et qu’il est d’ailleurs initialement sorti, il ne ressemblait en rien au mode de jeu Fortnite Battle Royale désormais très populaire. Il a fallu attendre PlayerUnknown’s Battlegrounds et son raz-de-marée pour qu’Epic embrasse la tendance et produise sa propre version du genre.
Sa vision casse les codes établis par le mod d’Arma III, un des pères fondateurs du sous-genre, puis repris par PUBG. Car Fortnite Battle Royale, s’il reprend bien les grands principes de ces deux autres titres, ajoute la construction et un aspect très arcade au mélange. Et si Fortnite Battle Royale a pu décoller, c’est indéniablement grâce à son modèle économique très agressif, puisqu’il est free-to-play, alors que PUBG est facturé 29,99 euros. On peut également relever, parmi les ingrédients de son succès, une direction artistique plus attrayante et des mises à jour plus régulières que celles de PlayerUnknown’s Battlegrounds.
Il ne faut pas sous-estimer l’impact des démonstrations publiques sur la notoriété de jeu. Le plus célèbre ambassadeur volontaire du titre n’est autre que le footballeur Antoine Griezmann, dont la passion pour Fortnite et sa PlayStation 4 ont carrément été citées en conférence de presse avant la finale de la Coupe du Monde 2018. Ses célébrations d’après buts reprennent également les postures du jeu. De plus, de plateformes en ligne affichent le jeu quasiment en permanence. C’est le cas de YouTube, où le titre est l’un des plus populaires. Le mois de février dernier a ainsi marqué un record pour la plateforme, celui du plus grand nombre de vidéos mises en ligne sur un même jeu : Fortnite, donc. Toujours au rayon des records, Tyler “Ninja” Blevins, personnalité reconnue du streaming de Fortnite sur Twitch, a quant à lui dépassé les 10 millions de followers sur sa chaîne.
Mais c’est aussi une bonne manière d’illustrer le cercle vertueux autour du jeu à l’heure actuelle. Pour un streamer comme Ninja qui dispose d’une base impressionnante de suiveurs, chaque diffusion est évidemment mise en avant sur Twitch. Ce qui attire naturellement des spectateurs qui ne le connaissent pas ou ne sont pas abonnés à sa chaîne, et sont susceptibles ensuite d’accroître la base de joueurs.
Fortnite aujourd’hui, en quelques chiffres
Fortnite et son mode Battle Royale sont le succès du moment. Le nombre total de joueurs qui l’ont déjà essayé ou qui y jouent régulièrement a en effet de quoi impressionner. Le 14 juin dernier, Epic Games indiquait avoir fédéré plus de 125 millions d’utilisateurs depuis son lancement. Fortnite n’était alors pas encore disponible sur Switch – console sur laquelle il compte désormais plus de deux millions de joueurs -, et encore moins sur Android.
La folie des chiffres ne s’arrête pourtant pas là, et on a pu constater, via les estimations de spécialistes tels que Sensor Tower, l’ascension inexorable de sa mouture iOS. Fraîchement lancé au milieu du mois de mars dernier, Fortnite s’est ainsi octroyé la première place des téléchargements dans 47 pays du monde alors qu’il n’était encore accessible que sur invitation. Pour son premier jour, il a généré un chiffre d’affaires de 1,8 million de dollars, et de 6,4 millions de dollars pour sa première semaine. En vingt jours, Epic Games a empoché la bagatelle de 15 millions de dollars. Trois mois après la sortie de l’app, Epic Games passait le cap des 100 millions de dollars, ce qui en a fait l’un des jeux vidéo les plus rentables de tout l’App Store. Avec un chiffre d’affaires de 2 millions de dollars par jour, cela ne surprend guère.
Toutes plateformes confondues, Fortnite permet à Epic Games d’afficher des finances au beau fixe. Au mois d’avril, le développeur a ainsi encaissé 296 millions de dollars. Mi-juillet, le jeu aurait même dépassé la barre du milliard de dollars générés grâce aux microtransactions.
Et afin de créer une véritable dynamique autour de son titre, qu’il s’imbrique dans un écosystème plus global où sont impliqués des diffuseurs, des sponsors et d’autres acteurs, pour brasser pêle-mêle argent et image, Epic Games table sur l’e-sport. Il a ainsi exprimé sa volonté d’investir 100 millions de dollars dans la saison compétitive 2018-2019. Une somme qui aidera vraisemblablement le titre à décoller rapidement sur la scène e-sportive, à condition bien sûr que les couacs de serveurs essuyés lors du Summer Skirmish ne se reproduisent pas à l’avenir.
Un vrai jeu grand public
Mais sous la popularité du phénomène se cachent aussi un jeu et des mécaniques. Pour accueillir et garder autant de joueurs en son sein, il faut évidemment redoubler d’accessibilité et d’instantanéité. Pourquoi donc Fortnite est-il aussi populaire et addictif ?
Dans un premier temps, le but est particulièrement simple à comprendre. Le joueur est parachuté sur le terrain et il lui faut rester le dernier en vie. Les premières parties lui enseignent les règles du jeu à la dure, tant certains adversaires sont maintenant rodés à l’exercice. Notez également que la durée des parties est variable selon que l’on se fait éliminer rapidement ou parmi les derniers. Dans le premier cas, il est possible d’en relancer instantanément de nouvelles. Dans l’autre, il y a cette sensation grisante d’avoir réussi à tenir plus longtemps que nombre de ses comparses.
La gestion de l’adrénaline, inhérente à la formule, constitue une bonne partie de l’intérêt des parties de Battle Royale. Plus le joueur s’approche du but, plus il se sent oppressé, multipliant les coups d’œil pour débusquer des ennemis cachés. La réduction graduelle de la map en cours de partie y est évidemment pour beaucoup. S’ajoute à la formule le loot. Fouiller les recoins du terrain afin d’y trouver des pépites qui l’aideront à survivre est primordial. Il pourra trouver une arme épique ou même légendaire, ayant des propriétés naturellement plus intéressantes que les autres, de piètre qualité. Résultat ? Un titre simple, parfois trop. La visée avec les armes demande un peu d’expérience, mais n’est pas particulièrement technique. Les mouvements sont assez patauds par moments, ce qui peut frustrer les joueurs les plus expérimentés.
Et la courbe de progression est visible. Le joueur apprend quels endroits il est sage de privilégier en sautant de son véhicule en début de partie, comment se cacher, quelles armes privilégier, mais aussi la façon d’utiliser la construction à son avantage pour s’assurer une supériorité stratégique sur les groupes ennemis. Certains joueurs expérimentés parviennent d’ailleurs assez bien à jouer avec les planches de bois pendant les combats, et cela fait généralement la différence avec les débutants. Un mélange qui peut rebuter les joueurs en recherche de grande technicité, mais qui a de quoi séduire le plus grand nombre.
Et Android dans tout cela ?
Pour la sortie du jeu sur Android, Epic Games peut espérer gros. Comme le rappelle la dernière étude du cabinet IDC publiée en décembre 2017, Android représentait plus de 85 % des parts de marché l’an dernier, alors qu’iOS n’en représente que 14,8 %. Le système d’exploitation de Google représente donc une manne potentielle pour Epic Games, surtout si son jeu suscite la même ferveur que sur l’OS d’Apple. Il faut toutefois relativiser d’emblée : marques nombreuses et très variées obligent, des paramètres matériels sont à prendre en compte. Comme nous l’indiquions il y a peu dans cet article, les smartphones et tablettes devront disposer de caractéristiques minimales limitant nettement le nombre de produits compatibles. En voici d’ailleurs la liste :
– Samsung Galaxy : S7 / S7 Edge , S8 / S8+, S9 / S9+, Note 8, Note 9, Tab S3, Tab S4
– Google : Pixel / Pixel XL, Pixel 2 / Pixel 2 XL
– Asus : ROG Phone, Zenfone 4 Pro, 5Z, V
– Essential : PH-1
– Huawei : Honor 10, Honor Play, Mate 10 / Pro, Mate RS, Nova 3, P20 / Pro, V10
– LG : G5, G6, G7 ThinQ, V20, V30 / V30+
– Nokia : 8
– OnePlus : 5 / 5T, 6
– Razer : Phone
– Xiaomi : Blackshark, Mi 5 / 5S / 5S Plus, 6 / 6 Plus, Mi 8 / 8 Explorer / 8SE, Mi Mix, Mi Mix 2, Mi Mix 2S, Mi Note 2
– ZTE : Axon 7 / 7s, Axon M, Nubia / Z17 / Z17s, Nubia Z11
Même si le potentiel de Fortnite pour Android est limité à un nombre réduit de smartphones que les sorties de l’an prochain accroîtront rapidement, le développeur semble décidé à exploiter au mieux le filon. Il a opté pour une stratégie très agressive pour tirer un maximum de bénéfices de cette nouvelle publication, qui n’interviendra pas sur le Play Store. Fortnite pour Android sera directement distribué sur son site Internet, ce qui permettra à Epic Games de s’affranchir de la commission de 30 % que prélève Google sur les transactions réalisées via son portail. Tim Sweeney, son patron, la juge la taxe démesurée par rapport aux services proposés en contrepartie. Le procédé qui n’a rien de surprenant quand on sait qu’Epic Games a snobé Steam sur PC et Mac pour les mêmes raisons.
Afin d’engranger davantage de revenus, Epic Games a en outre noué un partenariat avec Samsung dans le cadre du lancement de son Galaxy Note 9. Fortnite sortira en effet cette semaine en bêta sur Android, mais les détenteurs d’un appareil estampillé Galaxy recevront en priorité leur invitation, envoyée par email. En bonus pour les détenteurs d’un Galaxy Note 9 ou d’une Galaxy Tab S4, une tenue « Galaxy », à récupérer gratuitement dans la boutique in-game, sera offerte. Un coup de pub supplémentaire pour Fortnite, et un moyen pour Samsung d’ancrer son Note 9 dans l’univers du gaming mobile, la gamme visant habituellement davantage les professionnels. De quoi satisfaire tout le monde, sauf peut-être les joueurs équipés de terminaux Android plus anciens…