De Poitiers aux States, il n’y a qu’un pas pour Oklou. Après avoir séduit le site américain très pointu Pitchfork avec son premier album « choke enough » – qui s’offrira une réédition deluxe ce 30 octobre – et remporté le prix Joséphine 2025, la Française de 32 ans s’apprête à franchir un nouveau cap : celui de la scène américaine. Tournée déjà sold out, passage annoncé à Coachella en 2026… Son hyperpop planante et audacieuse n’a pas fini de faire parler d’elle. Et on pense savoir pourquoi.
La musique classique ? Elle l’ennuie profondément. Pourtant, c’est au piano et au violoncelle qu’Oklou, de son vrai nom Marylou Mayniel, fait ses débuts. Enfant, elle suit un enseignement classique au conservatoire – un univers auquel elle est loin de s’identifier, comme elle le mentionne tendrement sur son compte Instagram.
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Mais à ses 19 ans, coup de théâtre : son violoncelle disparaît, volé. Signe du destin ? C’est ainsi que l’interprète la jeune femme qui, sans son instrument, décide d’explorer de nouveaux horizons où claviers, synthétiseurs et boîtes à rythmes font partie du paysage.
« Je ne fais pas la différence entre un instrument classique dans sa forme acoustique, et un ordinateur. Ils ont les mêmes capacités de véhiculer. Ce n’est pas le son, mais comment tu le travailles. », confie-t-elle à la radio FIP.
Parce qu’elle a réinventé l’univers de la French pop
Lors d’un passage à Londres, Oklou tombe sous le charme de l’hyperpop, un mouvement post-Internet né dans les marges queer britanniques, et dont la Britannique et très branchée Charli XCX est la figure de proue. Avec ses sonorités saturées, ses structures éclatées et son esthétique instable, ce genre déstructuré, expérimental et sensible la séduit immédiatement.
Ainsi naît sa signature : en puisant dans les mélodies classiques de sa jeunesse, Oklou y injecte des sonorités electro qui lui collent davantage à son style. Ses influences vont de Frank Ocean à SZA, en passant par James Blake – savant mélange entre vulnérabilité et modernité.
Résultat ? Des compositions à la fois vaporeuses, planantes et entêtantes, sublimées par l’autotune – dont elle défend fièrement l’usage – qui magnifie sa voix délicate et envoûtante.
Inspiré des films colorés de Disney et des chefs-d’œuvre d’animation de Myazaki, son univers visuel joue avec les codes de l’esthétique gaming-pop : « Travailler autour des thèmes qui évoquent l’univers du gaming, c’est ce que je préfère au monde […] Ce que j’aime par-dessus tout, c’est écrire ces mélodies qu’on pourrait entendre dans une Game Boy », explique-t-elle à Redbull.
Considérée comme une pionnière de l’hyperpop en France, Oklou a su y apporter une touche singulière et créative, pour un rendu audacieux et résolument novateur.
Parce qu’elle privilégie l’indépendance au star-système
Fidèle à elle-même, Oklou est de ces artistes qui préfèrent rester aligné⸱es à leurs valeurs plutôt que de jouer au jeu – parfois dangereux – de l’industrie musicale. Avant même la sortie de sa première mixtape Galore (2020), la jeune femme reçoit plusieurs propositions de gros labels étrangers qu’elle refuse, car elles ne correspondaient pas à sa vision de la musique.
Quitte à passer à côté de certaines opportunités, la chanteuse a choisi de nourrir son propre univers, notamment en façonnant des espaces qui lui ressemblent. Dès 2015, elle co-crée TGAF (These Girls Are on Fiyah), une émission de radio en ligne pensée comme un crew féminin dédié à la musique hybride et expérimentale. Trois ans plus tard, lors son passage à Londres, elle cofonde avec trois artistes NUXXE, un collectif dédié à la création libre, sans pression commerciale derrière – sur lequel paraîtra son second EP, The Rite of May (2018).
L’intégrité ? Elle en a fait sa ligne de conduite. Sans chercher à jouer un rôle, Oklou assume pleinement qui elle est, et ce à quoi elle aspire. Si elle aime monter sur scène, c’est pourtant au cœur de son studio qu’elle se sent le plus à sa place, comme elle livrait au magazine GQ. :
« Je me sens vraiment au bon endroit quand il s’agit de créer de la musique et de la perfectionner. Je suis contente de faire de la scène depuis des années, je m’y sens à l’aise et je n’ai pas peur d’être face à un public, mais j’ai encore du mal à y trouver un sens. En vérité, j’ai plutôt l’impression que ce que je peux vraiment mettre sur la table, artistiquement, c’est ma musique. Me représenter en tant qu’artiste, monter sur scène, ça invoque psychologiquement d’autres choses avec lesquelles je suis moins à l’aise. Le fait de devoir “l’Artiste”. C’est un principe auquel il n’est pas toujours simple d’adhérer. » Oklou
Pour elle, la création prime sur la représentation, la musique sur l’image. C’est là que réside la force de son œuvre : libre, sincère et authentique, à l’image de son interprète – et qui, pour cette raison, touche véritablement.
Une singularité que la chanteuse Pomme – avec qui elle a collaboré sur le sublime titre galore – résume à la perfection pour Le Point : « Elle tisse son projet comme une toile d’araignée, là où d’autres veulent grimper le plus vite possible à l’échelle du succès. » Insaisissable, innovante, et définitivement inspirante.
Parce qu’elle a séduit les stars internationales
Si l’artiste avance en toute discrétion, ce n’est pas le cas de sa musique qui, elle, rayonne bien au-delà des frontières. Outre-Atlantique, son hyperpop électrisante s’est rapidement imposée – et cela n’étonne personne.
Acclamé en France comme à l’étranger, son premier album choke enough s’est vu décerner l’excellente note de 8/10 par le très influent média américain PitchFork. Un opus épuré, hypnotique et audacieux, qui lui a également valu le prix Joséphine 2025, confirmant sa place dans le paysage musical contemporain.
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Avec une tournée américaine sold out aux côtés de la reine de la pop avant-gardiste Caroline Polachek, Oklou poursuit son ascension vers un succès international. La voilà déjà adoubée par une certaine Billie Eilish qui, pour Vogue UK, avait confié : « Oklou me fait trop kiffer. Honnêtement, c’est la première à m’enthousiasmer comme ça depuis longtemps. » Ça, c’est ce qu’on appelle de la validation.
Pour couronner le tout, en septembre 2025, l’artiste de 32 ans a surpris tout le monde avec une collaboration prestigieuse aux côtés de la très hype FKA Twigs sur le titre Viscus. Inspirées par leurs douleurs abdominales chroniques, les deux femmes y explorent le rapport au corps et à l’intime, signant un morceau à la fois fragile et puissant, qui s’impose comme l’un des titres phares de cette fin d’année.
Premier extrait de l’édition deluxe de choke enough, attendue pour le 30 octobre (et le 28 novembre en version physique), Viscus confirme qu’avec son identité unique, la Frenchie a toutes les cartes en main pour s’imposer brillamment – et durablement – sur la scène pop. Seule artiste française à l’affiche du célèbre festival Coachella en avril 2026, nul doute qu’elle représentera dignement cette hyperpop qui lui sied décidément à ravir.