Plus de 60 ans après sa sortie, le célèbre « Psychose » d’Alfred Hitchcock reste un chef-d’œuvre de suspense. Un monument qui continue à traumatiser des générations entières et à inspirer d’innombrables cinéastes. De son inoubliable scène de douche à son twist final, on vous explique pourquoi c’est culte.
Le néon grésillant du Bates Motel, une maison gothique oppressante surplombant une route déserte et quelques notes de violon, stridentes et inoubliables, qui déchirent le silence d’une douche… En 1960, Alfred Hitchcock, maître incontesté du septième art, ne signe pas seulement un film : il orchestre un traumatisme collectif.
Psychose, tel un uppercut, dynamite les codes du thriller et de l’horreur avec une perversité jubilatoire. Plus qu’un chef-d’œuvre de suspense, c’est une leçon de cinéma qui nous est offerte par le réalisateur britannique. Alors, que l’influence de ce long-métrage demeure intacte (en témoignent les multiples hommages que lui rend la série Netflix Monstre : L’Histoire d’Ed Gein), on vous explique pourquoi c’est culte.
Un coup de maître narratif
Les Enchaînés, Fenêtre sur cour, Sueurs froides, La Mort aux trousses, Les Oiseaux… On ne présente plus les chefs-d’oeuvres du maître du suspense : Alfred Hitchcock.
Guidé par un désir de réinvention, le cinéaste anglais prend, avec Psychose, le contre-pied de ses dernières productions en s’inspirant des films de série B à petit budget. Un pari risqué qui sera le théâtre de son plus grand tour de passe-passe.
Durant la première moitié du long-métrage, nous suivons l’actrice Janet Leigh (véritable star de l’époque) incarnant Marion Crane dans un pur film noir. L’histoire semble toute simple : une femme vole de l’argent pour refaire sa vie avec son amant et se réfugie dans un motel lugubre. C’est alors qu’elle prend une douche…
Dans cette séquence-choc, Hitchcock ne se contente pas de tuer un personnage : il réalise la mort la plus iconique du cinéma en exécutant son héroïne, point d’ancrage central avec le public. Le cinéaste instaure ainsi un suspense inédit et absolu : si la star peut mourir, alors tout peut arriver.
Brutalement, le récit bascule et le spectateur comprend. L’intrigue initiale n’était en réalité qu’un « MacGuffin » (prétexte pour le développement d’un scénario). Commence alors la véritable histoire : celle du gérant du motel, l’énigmatique Norman Bates, campé par l’excellent Anthony Perkins.
Une mise en scène à la précision chirurgicale
Psychose est un véritable cas d’école en matière de mise en scène. La caméra, nous plaçant dans la peau d’un observateur indiscret, devient voyeuriste. La composition des plans, agrémentée de lignes verticales, est d’une rigueur glaçante. L’architecture même du manoir de Norman Bates est forte de symbolique, représentant le ça (la cave, les secrets), le moi (le rez-de-chaussée, la façade sociale) et le surmoi (la chambre de la mère, l’autorité écrasante) freudien.
Quant à la scène de la douche – qui nécessita pas moins de sept jours de tournages et plus de 70 prises pour 45 secondes d’écran –, elle demeure un modèle en termes de montage, notamment grâce à son assourdissant « show, don’t tell cher » à la Tchekhov (ne pas dire ce qu’il se passe mais le faire ressentir).
Ajoutons à cela la fameuse bande-son signée Bernard Herrmann qui inscrit définitivement Psychose dans la légende. En n’utilisant qu’un orchestre à cordes, le compositeur signe lui aussi un coup de maître. Ses violons, semblables à des cris d’oiseaux, ou à des coups de couteau, fusionnent avec l’image et créent une angoisse viscérale inoubliable.
Quant au choix du noir et blanc ? Celui-ci est loin d’être anodin. Énième coup de génie d’Hitchcock, il confère au film une esthétique de thriller poisseux, inspirée du cinéma expressionniste allemand, tout en lui permettant de contourner la censure du code Hays qui aurait mis à mal la mythique scène de la douche.
L’invention du monstre moderne
Enfin, il y a bien sûr ce twist final, devenu culte. Jusqu’alors, les monstres gothiques comme Dracula ou Frankenstein dominaient le cinéma d’horreur. La menace était identifiable, surnaturelle et finalement lointaine. Avec Psychose, Alfred Hitchcock a radicalement transformé le genre, délaissant les créatures au profit d’une terreur plus intime et ordinaire.
Norman Bates se présente comme le voisin timide, un jeune homme poli et mal dans sa peau, le fameux « monsieur tout le monde ». Et c’est précisément ce qui le rend si effrayant. Le monstre n’est plus sous le lit, il est dans le miroir. L’horreur devient ainsi psychologique et se niche dans les traumatismes d’un esprit malade.
En faisant de Norman le prototype du tueur au couteau à la psychologie trouble et aux pulsions meurtrières, Psychose a posé les bases d’un genre entier : le slasher. Hitchcock instaure les fondations d’un meurtrier repris et codifiés à l’extrême : arme blanche du quotidien, vision subjective nous plaçant dans la peau du tueur, traumatisme psychologique souvent lié à la figure maternelle… De Michael Myers (Halloween) à Ghostface (Scream), tous sont, d’une certaine manière, les dignes héritiers de Norman Bates.
En somme, plus qu’un simple film d’horreur, Psychose est une fracture dans l’histoire du cinéma. Son héritage réside en sa capacité, plus de 60 ans après, à nous confronter à nos propres angoisses. En explorant la dualité de l’âme humaine, Alfred Hitchcock n’a pas seulement créé le thriller psychologique moderne : il a changé notre façon de frissonner à jamais.