
Si Quincy Jones nous a quittés en novembre 2024, les disques du producteur de légende restent. Et on est ravi de voir ressurgir « Smackwater Jack » et « You’ve Got It Bad Girl », deux pépites aux confins du jazz, du funk et de la soul, initialement publiées en 1971 et 1973. Les voici aujourd’hui rééditées en vinyle et en exclusivité pour la Fnac après avoir été (trop) longtemps indisponibles.
Souvent associé aux succès intergalactiques de Michael Jackson période Off The Wall, Thriller et Bad, on ne peut définitivement pas résumer l’immense Quincy Jones à ces trois albums pivots de la pop music mondiale tant son parcours de musicien, arrangeur, compositeur, producteur, réalisateur artistique semble surréaliste.
Un talent prodigieux qui, du tout début des années jusqu’aux années 2020, aura révélé des dizaines d’interprètes, donné naissance à des centaines d’albums, employé des milliers de musiciens.
Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont ces deux albums plus ou moins oubliés au milieu de l’oeuvre prolifique de Quincy Jones, disparu le 3 novembre 2024.
Le virage Smackwater Jack
En ce début des 70’s, après deux décennies à officier dans les sphères du jazz, Quincy est devenu un cador de la production et de l’industrie musicale. Tout le monde le veut à ses côtés. Il a ses entrées dans tous les studios d’enregistrements qui comptent, est sollicité par toutes les grandes firmes du disque. Un détail qui a son importance : il a une connaissance presque intime des musiciens avec qui il aime ou veut travailler, toutes générations confondues. Plus qu’un carnet d’adresses, une force.
Le virage amorcé avec son album Gula Matari (1970) se confirme donc avec Smackwater Jack un an plus tard. Quincy Jones convoque non pas une équipe de sidemen, mais une armée entière. A ses côtés, on retrouve donc Hubert Laws, Bob James, Carole Kaye, Paul Humphries, Arthur Adams, Graddy Tate, Toots Thielman, Ray Brown, Jackie Biard, Chuck Rainey et beaucoup d’autres, qu’il va mettre au service d’un répertoire que les purs et dur du jazz n’apprécieront guère. Et pourtant, du jazz, il en est bien question dans Smackwater Jack.
Impro, big band, grooves… Mais cette fois joués avec les textures et les vibrations de l’époque. Break et basse funk, voix soul, morceaux à rallonge, compositions et arrangements maisons empruntées au monde du cinéma (notamment la vague Blaxploitation), de la télévision, de la pop music comme cette somptueuse reprise du tube de Marvin Gaye aux oscillations soul-jazz. Le clou de l’album restant peut-être cet imparable générique de la série Bill Cosby Show (Hikky-Burr). Un truc qui, depuis des années, aiguise l’appétit des diggers de rare groove et des beatmakers.
La pépite You’ve Got It Bad Girl
Sur la deuxième réédition d’exception, l’album You’ve Got It Bad Girl (1973), la proximité avec Stevie Wonder est sans équivoque bien que ce dernier ne soit mentionné nulle part dans les crédits. C’est pourtant bien lui et son harmonica (avec le claviériste Billy Preston et le chanteur de génie Bill Withers) que l’on entend son tubesque Superstition, repris ici avec une magistrale approche dont seul Quincy a le secret.
Ici encore, on fait le plein de grooves charnus, samplés à foison par le monde hip-hop et du trip hop (Summer In The City notamment), un line-up de dingue, des arrangements inattendus et une façon de revisiter un vaste répertoire (Aretha Franklin, Stevie Wonder, Lovin’ Spoonful, Dizzy Gillespie, Chano Pozo…) qui encore une fois nous embarque bien loin.
Deux albums où Quincy Jones s’empare avec brio des accents de la pop culture qu’il régurgite avec cette luminescence que le jazz, dans toutes ses formes, permet. Plus de 50 ans après leur publication, Smackwater Jack et You’ve Got It Bad Girl n’ont pas pris une ride.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Retrouvez Smackwater Jack et You’ve Got It Bad Girl de Quincy Jones dans la sélection DIGGERS CORNER du mois.