Pour célébrer les 70 ans de la Fnac, nous vous invitons à un petit voyage à travers l’histoire de l’enseigne et de ses différentes spécificités. L’occasion de revenir sur les grandes évolutions technologiques de ces 7 décennies, pour les principales catégories vendues dans nos magasins. Dans cet article, place à l’histoire de la photographie !
Fixer le monde, et ses habitants, au sein d’une petite boîte puis d’un instantané sur papier glacé à garder avec soi. Longtemps rêvé, ce « superpouvoir » n’est d’ailleurs pas si ancien, et nous renvoie simplement un siècle et demi plus tôt.
Si l’invention de la photographie prédate celle des appareils photo de quelques siècles, la discipline a pris une tout autre dimension au crépuscule du XIXᵉ siècle. Dans le sillage de Louis Daguerre et son daguerréotype, un appareil encore assez encombrant et onéreux, des inventeurs se sont succédé pour démocratiser « l’écriture par la lumière », comme on pourrait traduire si poétiquement le terme photographie.
La démocratisation de la photographie
Après le coup d’éclat de l’ingénieur Louis Daguerre en 1839, les choses s’accélèrent à un rythme effréné. Si son invention impressionne et entraîne ce que la presse de l’époque appelle carrément « daguerréotypomanie », elle n’est certainement pas à la portée de toutes et tous. Il faudra patienter quelques décennies, jusqu’en 1888, pour qu’un certain George Eastman change la donne.
Un nom qui évoque moins de références que l’entreprise qu’il a créée : Kodak. L’apport de l’inventeur américain n’est pas à sous-estimer, puisqu’il est le premier à concevoir les films en celluloïd, permettant ainsi d’emmagasiner plusieurs images simultanément au sein d’une pellicule. La photo argentique était née.*
Kodak a démocratisé l’accès aux appareils photographiques dès la fin du 19e siècle.
Plus pratique, plus compact, le Kodak (c’est son nom, un terme qui claque tellement qu’il inspirera un certain Max Théret pour nommer son entreprise en 1954… la Fnac !) facilite la pratique de la photographie. Mais il ne résout pas encore tout à fait l’intégralité du processus. En effet, chaque appareil photo doit ensuite être envoyé au siège de l’entreprise, dans l’État de New York aux États-Unis, qui renvoie ensuite les photographies développées à ses clients.
Un processus fastidieux, qui donne cependant tout son sens à un slogan resté historique : « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste ». Un véritable succès pour Kodak, qui transforme l’essai à l’orée des années 1900 avec le Brownie, un appareil photo vendu un dollar seulement.
Le tournant de l’argentique
Tout au long du 20e siècle, les innovations s’enchaînent et des entreprises spécialisées toujours reconnues aujourd’hui émergent. L’une en particulier reste dans les mémoires : Leitz. Désormais connue sous le nom de Leica, elle commercialise en 1925 le Leica 1, qui s’impose auprès des photoreporteurs grâce à sa compacité et un négatif de taille 24 x 36 mm — aujourd’hui encore utilisé par les appareils photo à capteur plein format. C’est également lui qui démocratise la focale de 35 mm, considérée comme reine par de nombreux photographes de légende, comme Robert Capa.
L’entreprise Leitz commercialise le Leica 1 dès 1925. Il devient vite l’appareil photo préféré des photoreporters, une profession en plein essor grâce à ce type d’appareils.
En 1929, c’est une autre entreprise allemande qui bouleverse tout. Avec le Rolleiflex, Franke & Heidecke propose le tout premier appareil photo doté de deux objectifs. Un modèle qui a la particularité de permettre de viser précisément son sujet, et qui a immédiatement trouvé preneur auprès des photographes de rue comme Robert Doisneau.
La décennie suivante est aussi marquée par une avancée de taille : la couleur ! Jusqu’alors, les photographies étaient développées en noir et blanc. En 1935, Kodak refait parler de lui grâce à ses premières diapositives couleur, puis une nouvelle fois en 1942 avec Kodakolor, la toute première pellicule couleur qui, vous l’imaginez, bouscule toutes les lignes de la photographie.
La France revient dans la course !
Près d’un siècle après la révolution de Daguerre, une entreprise française revient au centre des attentions des photographes : Foca. Avec le PF2, sorti en 1945, la marque propose un appareil photo télémétrique 35 mm à objectif interchangeable. Très bien conçu, à la fois robuste tout en gardant un format compact, il reste aujourd’hui un modèle très recherché par les collectionneurs.
Des collectionneurs qui gardent également dans leur viseur un certain Polaroid 95, conçu quelques années plus tard, en 1948, par Edwin Land. Ce n’est rien d’autre qu’une révolution, en cela qu’il élimine totalement la phase de développement. Le Polaroid est le premier appareil instantané, capable de fournir au photographe le résultat de son labeur en quelques secondes seulement.
Le Polaroid 95, premier appareil instantané sorti en 1948.
La révolution reflex
La même année, le suédois Hasselblad pose des bases fondatrices avec le 1600F : le premier appareil photo reflex à objectif unique. Une révolution dans le confort de la prise de vue car, contrairement à un appareil photo télémétrique, l’appareil « voit » exactement ce que le photographe voit. La visée est plus précise, et les artistes peuvent commencer à s’amuser avec la profondeur de champ ou le positionnement du point focal.
L’Hasselblad 1600F, considéré comme le premier appareil photo Reflex.
Ce n’est toutefois que neuf ans plus tard, en 1957, qu’une entreprise japonaise (Asahi Optical Co) entre dans la course et donne un nouveau cap au développement de la photographie grâce à son pentaprisme fixe. Contrairement au Hasselblad 1600F, le Pentax offre aux photographes une visée à hauteur d’œil, et non plus déportée sur le haut. En d’autres termes, l’appareil photo gagne en instantanéité et en confort d’utilisation. Plus jamais l’industrie ne regardera en arrière.
Dans le même temps, deux passionnés de photographie, trotskystes dans leur jeunesse, estiment que le consommateur est lésé dans de nombreux domaines, notamment les appareils photo, inaccessibles au grand public à cause des marges effrayantes que s’accordent les fabricants. Max Théret et André Essel réussissent à convaincre plusieurs marques de commercialiser leurs produits à prix réduits, en échange de carnets d’achats fournis à des adhérents : la Fnac est née. Ils développent d’abord leur enseigne autour de la photographie, organisant même des rencontres artistiques (les séances du Photo-Ciné-Club) avec leurs clients pour donner de précieux conseils en matière de prises de vue.
La course au numérique
Alors qu’un premier homme s’apprête à poser un pied sur la Lune, la photographie poursuit son odyssée. En 1963, Polaroid refait parler de lui en introduisant, à son tour, la couleur sur ses films instantanés. Une innovation toujours d’actualité, à en juger par la popularité des derniers modèles de la marque.
Mais, puisqu’on parle de notre satellite, retournons en Suède un instant. Hasselblad développe en effet le premier appareil photo reflex à quitter la Terre. Le modèle 500 EF est embarqué par les astronautes de la mission Apollo 11 en 1969 pour nous offrir les premiers clichés de la Lune. On a connu moment moins historique.
Pas une décennie ne passe sans qu’elle apporte avec elle son lot de révolutions. Aussi, en 1975, Kodak revient sur le devant de la scène grâce à des prototypes qui changeront à jamais la face de la photographie. On veut bien entendu parler du premier capteur numérique offrant, à l’époque, 10 000 pixels.
Ce prototype d’appareil photo numérique conçu par Kodak en 1975 ne sera jamais commercialisé.
À compter de ce moment, c’est une véritable course qui s’engage. Et presque tous les participants sont désormais japonais. Sony impressionne, en 1981, avec le Mavica. Son tout premier modèle numérique embarque un capteur CCD de, déjà, 279 300 pixels et permet de capturer des photos en 570 x 490 pixels directement sur une disquette d’une capacité de 50 prises.
Le système Mavica de Sony a changé la donne dans la photographie numérique.
À contrecourant, le concurrent Fujifilm ne s’engage pas immédiatement dans cette voie, mais fait date pour un produit très cavalier : le Quicksnap. Vous l’avez deviné, il s’agit du premier appareil photo jetable du marché ! Déjà chargé avec un film que chacun peut aller faire développer en boutique spécialisée, il offre 24 vues.
Retour au numérique en 1986 avec le Canon RC-701. Le Nippon marque l’histoire en commercialisant le premier reflex numérique du marché, disposant d’un capteur de 380 000 pixels. Inspiré, ou piqué dans son ego, Fujifilm riposte un an plus tard avec le DS-1P et son capteur de 400 000 pixels. Son originalité est d’embarquer une carte mémoire permettant de stocker jusqu’à 2 Mb de photos. Kodak fait quant à lui un pas de côté avec la commercialisation d’un accessoire, le PhotoCD qui, en 1991, profite de l’émergence du CD-ROM pour permettre à tout un chacun d’enregistrer ses clichés sur ce support afin de les consulter et les partager.
Le Canon RC-701.
La naissance du selfie ?
En 1995, une marque dont nous n’avions pas encore parlé jusqu’alors fait date. Il s’agit de Casio qui, cette année-là, lance le QV-10. Il s’agit, pour certains, de l’appareil qui a favorisé l’émergence des « selfies » qui, bien sûr, ne s’appelaient pas encore comme cela à l’époque. Grâce à l’écran pivotable de son boîtier, Casio permettait à toutes et tous de se prendre en photo facilement, simplement en retournant l’appareil.
Pourtant, l’argentique fait de la résistance. La même année, un consortium regroupant Kodak, Fujifilm, Minolta, Nikon, Canon et d’autres inaugure le format de pellicule APS (Advanced Photo System). Innovantes, ces pellicules d’un nouveau genre permettaient d’enregistrer des informations (aujourd’hui, on dirait des « métadonnées », telles que la date, le lieu) sur une bande magnétique, mais aussi de sélectionner plusieurs formats d’image (Panorama, Classique, Haute-définition pour les agrandissements). Néanmoins, ce dernier sursaut ne fait pas florès en raison du prix élevé des appareils compatibles et des pellicules. Par ailleurs, même si la qualité d’image était bonne, elle ne pouvait tout simplement pas rivaliser avec les modèles numériques qui inondent désormais le marché.
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Pour autant, la nomenclature et certaines fonctionnalités sont recyclées par Canon qui, en 2001, commercialise le EOS-1D : son premier reflex numérique au format APS-H. Autorisant la capture de photos plus grandes, avec sa résolution atteignant désormais 4,1 mégapixels (c’est 10 fois plus qu’en 86), il est vite adopté par les photographes professionnels, lesquels sont de plus en plus nombreux à abandonner l’argentique.
Mais Canon ne boude pas le grand public, et lance en 2003 le EOS 300D au prix attractif (toute proportion gardée) de 1300€ environ. Une barrière à l’entrée abaissée, qui permet à de nombreux photographes amateurs de se perfectionner et de découvrir les dernières innovations du marché.
Au fil de la décennie, les innovations s’enchaînent avec, pêle-mêle, le premier reflex numérique stabilisé (le Konica Minolta Maxxum 7D), le premier appareil photo compact étanche (Pentax Optio WPi) ou encore le premier appareil offrant un ratio d’images 4/3 (le Lumix DMC-G1).
La nouveauté qui change tout
Mais le monde s’arrête une nouvelle fois en 2009 lorsque Nikon inaugure le D90. Il s’agit du premier reflex numérique à proposer de l’enregistrement vidéo. Marquant par la même l’irrémédiable déclin des caméscopes, cet appareil de Nikon opère un mariage qui semble évident aujourd’hui : celui de la photo et de la vidéo. Depuis, l’un ne va plus sans l’autre. Les caméscopes les plus vendus à ce jour sont, sans surprise, des appareils photo.
Il faut dire que les appareils photo doivent désormais rivaliser avec les smartphones, qui viennent d’arriver sur le marché et remettent pour beaucoup en question l’intérêt d’acquérir un véritable appareil photo. C’est d’ailleurs en réponse à cette problématique que Nikon lancera le Coolpix S800c. Un appareil photo ? Un smartphone ? Un peu des deux, en fait ! Tout comme le Samsung Galaxy Camera la même année, les constructeurs donnent l’impression de se chercher pour trouver la meilleure formule… et pour garder la tête hors de l’eau.
Le Coolpix S800c commercialisé par Nikon en 2013 est un bon exemple de l’époque des appareils photo numériques compact à la mode dans la période où le smartphone commençait à se démocratiser.
C’est sûr, les années 2010 sont redoutables pour les ventes d’appareils photo. Mais un sursaut se crée en 2013 dans le sillage du Sony Alpha 7. La marque japonaise commercialise le tout premier appareil photo hybride au format 24×36 mm. Jusqu’alors, le plein format était réservé aux reflex. Des appareils lourds, onéreux, encombrants. Un pari gagnant pour Sony, qui a réussi à redynamiser tout un marché en recherche de sens.
L’année suivante, en 2014, Sony transforme l’essai en lançant le Alpha 7S, suivi de près par le Lumix DMC-GH4. Les premiers de leur catégorie à pouvoir filmer en 4K — à une époque où la résolution est loin d’être autant démocratisée qu’aujourd’hui.
Où en est-on aujourd’hui ?
Depuis 10 ans, les choses ont finalement peu changé. Si ce n’est que les reflex ont presque totalement cédé leur place aux hybrides (et cela aussi bien chez Canon, Fujifilm et Panasonic). Un marché porté à bout de bras par les professionnels, mais également par les nombreux vidéastes qui sont attirés par les capacités vidéo avancées des modèles les plus récents.
Par ailleurs, les fabricants historiques ont fait la paix avec les smartphones. Il n’est pas rare qu’un constructeur de téléphone annonce un nouveau modèle conçu en partenariat avec Leica, Hasselblad ou encore Zeiss. Une façon pour ces marques de rester dans le coup, et pour les fabricants de smartphones de revendiquer une certaine expertise en photographie.
« Entre tradition et modernité », bien qu’un peu bateau, serait peut-être la meilleure façon de définir l’état du marché actuel. On a, d’un côté, des appareils photo dernier cri, proposant désormais des capteurs dépassant les 60 millions de pixels et, de l’autre, un regain d’intérêt pour les appareils instantanés au look vintage — voire carrément un attrait pour la photo argentique !
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Aussi, dissocier appareils photo et smartphones paraît futile, tant ceux-là sont la parfaite continuité de ce que l’histoire de la photographie nous enseigne depuis plus d’un siècle. Les smartphones ne représentent rien d’autre que le pinacle de la miniaturisation après laquelle ont toujours couru les ingénieurs. De la même manière que le Kodak a apporté la compacité au daguerréotype, l’iPhone est aujourd’hui aussi polyvalent qu’un hybride et de trois objectifs réunis. Difficile de ne pas être impressionné.