Après un siècle d’existence, Zorro cavale toujours au top : le justicier masqué est à l’honneur avec deux séries télévisées, l’une espagnole et l’autre française. Cette dernière met en scène Jean Dujardin dans le rôle-titre, et fait l’actualité de la rentrée télé. Retour sur les origines et les différentes adaptations de ce personnage mythique.
Zorro, renard à la pulpe
Dans les années 1910, en Amérique, la mode est au « pulp », des périodiques contenant divers feuilletons livresques d’aventure – Tarantino s’en souviendra pour intituler son film culte Pulp Fiction. Parmi les histoires, à deux sous, publiées dans ce genre de publication, certains héros célèbres font leur début, comme Tarzan, ou en 1919, Zorro.
Ce dernier, inspiré de quelques héros masqués de fiction ou de bandits au grand cœur par son créateur, Johnston McCulley, préfigure les futures duplicités très usitées dans les comic books, façon Bruce Wayne/Batman ou Clark Kent/Superman. Don Diego Vega (plus tard nommé Don Diego de la Vega) est le héros des premiers romans Zorro, et cache son identité de justicier masqué la nuit en se faisant passer pour un aristocrate oisif et pleutre le jour. Rapidement, en luttant contre le pouvoir militaire qui domine la Californie du XIXe siècle, il devient le protecteur du pauvre, de la veuve et de l’orphelin.
Il a suffi d’un an à Zorro pour apparaître comme l’un des premiers héros « multi-médias » de l’Histoire. En 1920, sous les traits de Douglas Fairbanks, le « renard » (signification de « zorro ») brille par son astuce et son charisme dans un film muet intitulé Le Signe de Zorro. Un succès colossal qui permet au personnage d’entrer dans l’imaginaire collectif, et de développer son univers, à la fois littéraire – McCulley reprend l’écriture du pulp d’origine et contribuera à la légende du personnage jusqu’en 1959 – et audiovisuel, avec la sortie d’un deuxième film (Don X, fils de Zorro) en 1925 puis la réalisation de plusieurs longs métrages parlants dans les années 1930.
Zorro chez Disney
Les traits caractéristiques de Zorro sont nés dans les années 1920 : un jeune adolescent de noble extraction se construit une double identité, en passant pour un couard la tête dans les livres, ne se préoccupant ni de la dictature en Californie ni de la compagnie des dames, alors que la nuit, il se masque pour combattre l’oppression incarnée par des militaires corrompus.
« Un cavalier qui surgit hors de la nuit, court vers l’aventure au galop »… Pour beaucoup de téléspectateurs français, la (re)découverte de ce personnage se fait au travers d’une série Zorro produite par les studios Disney et diffusée à partir de 1965. Juché sur le fidèle Tornado, avec comme complice un aide muet, Bernardo (qui se fait passer pour sourd), Don Diego de la Vega est ici incarné par Guy Williams, qui sera le visage de Zorro pour plusieurs générations, au gré des rediffusions.
Les personnages secondaires s’insèrent également dans l’inconscient collectif : le fameux sergent Garcia, personnage de sous-fifre à l’embonpoint inversement proportionnel à sa perspicacité, en est le meilleur exemple, tout comme le père de Zorro, Don Alejandro de la Vega, un homme qui ignore tout des aptitudes de son fils. Par rapport aux œuvres précédentes, Don Diego de la Vega se fait passer pour un aristocrate velléitaire, pétri de justice et de grands idéaux, tout en se révélant incapable des mêmes exploits à l’escrime que Zorro. Une manière de se dissimuler qui fait tout le charme de ce feuilleton véritablement emblématique de la télévision de l’époque, entre action, personnages attachants, humour et valeurs morales conçues pour plaire à toute la famille.
Sous le signe du Z
Depuis les années 1940, c’est notamment en bande dessinée que le justicier masqué a trouvé un second souffle. Ainsi, quand Henri Salvador chante Zorro est arrivé quelques mois avant l’arrivée de la série Disney à l’écran, nombreux sont les Français à connaître, par le cinéma ou la BD, l’allure du personnage et son côté aventurier.
En marge de la série télévisée Disney, le personnage fait florès dans le cinéma bis voire Z des années 1960-1970, à l’époque bénie des westerns spaghetti et autre péplum à l’italienne. Outre des films mexicains mettant en scène Luis Aguilar ou Demetrio Gonzalez dans le rôle principal, Zorro devient l’un des emblèmes des productions italo-espagnoles de l’époque, tournées en Andalousie par des acteurs transalpins renommés avec des pseudonymes américains. Maciste contre Zorro, Zorro l’intrépide, Zorro marquis de Navarre ou encore Zorro et les Trois Mousquetaires sont ainsi tournés en suivant la même logique que les nombreux westerns qui imitent leurs épigones américains. L’apogée de cette version européenne du justicier masqué a lieu en 1975, lorsqu’Alain Delon himself chausse les bottes et endosse la cape dans le film Zorro, réalisé en Espagne par une équipe italienne.
Une modernisation de Zorro très attendue
En 1990, avec une nouvelle série télévisée, dans les années suivantes, par des comics, et à la fin de la décennie, au cinéma, Zorro entre dans une aire moderne. L’exemple le plus emblématique en est Le Masque de Zorro, réalisé par Martin Campbell, et narrant la passation de « pouvoir » entre un Don Diego de la Vega en fin de carrière (Anthony Hopkins) et un successeur désigné, incarné par Antonio Banderas, sous les yeux de la belle Elena (Catherine Zeta-Jones). Accompagné d’une suite en 2005 (La Légende de Zorro), ce film demeure la dernière grande incarnation de Zorro dans les salles obscures.
En revanche, à la télévision, le héros masqué n’en finit pas de faire tourner les têtes. Déjà l’anime La Légende de Zorro avait permis la découverte du héros par les fans de shônen. Mais c’était sans compter sur le retour du héros en prise de vue réelle. Pas moins de deux séries avec le personnage masqué sont à l’écran en 2024 : la première en lice, Zorro, d’origine espagnole, tournée aux Canaries, voit Miguel Bernardeau reprendre le rôle dans une version sérieuse, narrant la genèse du personnage.
En France, après avoir brillé en OSS117 et en Lucky Luke, Jean Dujardin endosse un nouveau costume : la série Zorro, produite pour Paramount+, et prochainement disponible en vidéo, s’attache à dépeindre un héros sur le retour. Plus ironique et humoristique que son équivalent espagnol, le programme promet néanmoins de belles séquences d’action… Il faut dire que le genre de la cape & d’épée se porte à nouveau bien en France, après le succès de l’adaptation récente des Trois Mousquetaires… On n’en a donc pas fini avec le Z et les chapeaux noirs ces prochains mois !