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On y était avec nos adhérents : en studio avec JB Dunckel

12 janvier 2024
Par Marina Viguier
On y était avec nos adhérents : en studio avec JB Dunckel

Pour célébrer la sortie de “Paranormal Musicality“, le projet solo de JB Dunckel, “L’Éclaireur“ a profité d’une séance d’écoute intimiste.

C’est une trentaine de privilégiés, de tous les âges, adhérents FNAC, ou auditeurs de la plateforme d’écoute française Qobuz, qui ont été invités ce mardi 9 janvier 2024 à une écoute et rencontre intimiste avec le compositeur, JB Dunckel. Le studio est grand, on est accueilli dans un premier espace, une pièce de vie sobre, presque froide, avec un meuble rétro et une tapisserie romanesque qui dénote, mais qui s’y intègre bien. Deux Vasarely au mur se font échos, l’un froid, l’autre chaud, mais symétriques et en rondeur.

Nous cheminons vers l’autre espace, totalement différent, confortable et chaleureux, le cœur du réacteur : la salle de contrôle du studio. La console est entourée d’authentiques synthétiseurs, mais « ceux d’avant 1982. Les générations d’après, ce n’est pas la même chose, ils ne sont pas facilement réparables. Les vieux synthés, c’est comme les vieilles voitures, on peut changer les pièces”, précise-t-il. On s’y installe, l’atmosphère est feutrée, tous les bruits, froissements de vêtements, chuchotements, s’entendent, tant l’acoustique est parfaite. Ce faux silence en devient presque intimidant.

Le moment est inédit pour tout le monde, y compris pour lui. Certains ne connaissaient pas les univers de JB Dunckel, ils sont venus par curiosité, par mélomanie, ou même par « pianomanie ». D’emblée, il nous parle de son disque, Paranormal Musicality, à paraître le 19 janvier 2024. Ce dernier est l’aboutissement de trois ans de travail, parfois d’errance, et de plus de 200 ébauches et morceaux. On le sent ému de nous présenter, en avant-première, quelques pièces de piano qu’il a sélectionnées. 

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Le public face à JB Dunckel

Le groupe témoin est silencieux, presque timide, mais notre hôte l’est tout autant, confiera-t-il plus tard. Il explique que malgré le virage très différent qu’il a pris, ses titres gardent une structuration très pop avec couplets et refrains. Bien sûr, impossible d’ignorer le projet l’ayant propulsé sur la scène mondiale : le groupe AIR. D’une musique pop ambiante, électronique à aujourd’hui, avec un disque néo-classique de piano nu, JB Dunckel nous dévoile son intention de surprendre. 

Un retour aux sources

Le retour à cet instrument répond au besoin pour lui de se dépasser, de s’astreindre à un mode de vie rigoureux et sain, afin d’être le plus performant possible. Il explique d’ailleurs avoir « arrêté de boire, dormir mieux, car le piano, c’est le reflet de mon humeur. Le matin, dès mes premières notes, je sais comment va être ma journée, si j’ai mal dormi, que je suis contrarié, si je suis crispé, je vais mal jouer. Il faut atteindre un lâcher-prise ; mon rapport au piano, c’est comme la pratique d’un sport. » 

Comme il nous le répète, « tout est dans l’interprétation ». C’est l’interprète qui colore et donne une impulsion ; sans cette rigueur, il n’atteint pas le niveau d’exigence qu’il recherche et qu’il s’impose. De revenir à son premier instrument, le piano, c’est aussi un défi personnel, prendre le risque de réveiller ses angoisses juvéniles, le stress des concours de piano, l’intransigeance et la rudesse de l’exercice. Or, c’est aussi une façon pour lui de s’explorer artistiquement dans un projet, finalement, très introspectif. 

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JB Dunckel et son public intimiste

Le choix du piano, rien que du piano pour ce disque, est surprenant pour les auditeurs fidèles, ceux du début, de JB Dunckel, référence mondiale de la pop-électronique. Lorsque je sonde l’audience après les écoutes, pour eux, cela fonctionne et fait sens. Il y a une cohérence, comme une suite logique qui ne désarçonne pas. Notre hôte ne cache pas sa volonté d’aller chercher un autre public et de surprendre l’ancien. L’idée n’est pas de faire du AIR, ni de rechercher l’esthétique de ses projets solo précédents. « Ce disque, c’est prendre le risque de se planter, mais aussi de surprendre. Mieux vaut surprendre et peut-être décevoir, plutôt que d’ennuyer.« 

Parmi les quelques morceaux qu’on découvre ce soir, on écoute Égérie. Il s’agit d’une improvisation, comme de multiples pièces de l’œuvre, et l’artiste se souvient de l’inspiration, qui lui vient d’un ancien western « sous la neige, façon Santa Fé » dont Bob Dylan a composé la bande originale. Il se souvient de flûtes qui l’ont marqué et qu’il a voulu reproduire, à sa façon. Il nous décrit sa manière de composer : « j’écoute de loin des musiques d’ambiance, des atmosphères, je les mémorise, puis je retranscris plus tard sur le piano. À l’étape de la retranscription, des informations se sont perdues, et voilà que naît un morceau. »

Il recourt volontiers à l’improvisation, qui est la plus grande qualité d’un musicien, nous confie-t-il: « c’est à la fois une qualité d’écoute et un sens de l’imagination ». Mais ce sont également des hésitations, presque des souffles que les oreilles les plus fines percevront à l’écoute. Ces détails qui font le charme de l’organique. 

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Les univers de JB Dunckel

JB Dunckel nous fait découvrir la part néo-classique de son univers, empreint de chaleur et de rondeur, presque minimaliste à l’instar d’artistes tels que Max Richter et Philippe Glass, qu’il évoque fréquemment lors des échanges avec l’auditoire, toujours aussi captivé. Évidemment, ses références sont celles d’un amoureux du cinéma. Mais il ne regarde pas les films, il les écoute. C’est au cinéma, estime-t-il, que « la musique est aujourd’hui la plus alternative, que la recherche sonore est plus audacieuse »… Il cite ainsi Virgin Suicides (1999), Lost in Translation (2002) de Sofia Coppola, Été 85 de François Ozon, Pulse d’Aino Suni… Composer de la musique de film est pour lui une zone de confort puisque le cadre, l’image et le temps sont contraints. Une vision est donnée qui pose des jalons, contrairement au vertige que peut procurer le vide d’une création à soi.

Une main se lève du public : « Qu’est-ce que ça fait de se présenter comme ça, presque chez vous, devant un auditoire de fans ? » JB Dunckel avoue qu’il est intimidé, c’est la première fois qu’il se plie à l’exercice. Habituellement, il évoque un tempérament plutôt froid, contrairement à la chaleur et la rondeur de ses compositions. L’auditoire est tout aussi intimidé, les regards sont brillants, les réactions aux écoutes, aux explications sont dissimulées, mais encore une fois l’acoustique des studios est traître, tout se perçoit. JB Dunckel en a bien conscience ; de toute évidence, quelques-uns sont présents ce soir, car fans assumés et inconditionnels de AIR. Il trouve l’exercice intéressant, se confronter aux réactions directes de personnes qui viennent pour la musique, rien que pour la musique.

Après le succès de AIR qu’il décrit comme démesuré, il s’est retrouvé comme au sommet de « la Montagne Sacrée de Jodorowsky », face au vide, déçu de ce qu’apporte la fulgurance du « grand succès ». Pour lui, le succès doit être la fierté qui découle de sa musique, de la création de son art, en étant toujours dans l’expectative et l’exploration. Pour lui, « le succès, ce n’est pas les gros prime times télé où l’on te demande juste ta marque de fringue préférée. » Il appartient à cette classe d’artistes qui ont besoin d’un rapport direct et émotionnel avec le public. La musique, c’est ressentir. Il pourrait en parler pendant des heures. « On ne se rend pas toujours compte de ce que sa musique fait aux gens, là on a une proximité qui nous permet d’en parler et qui donne sens à ma musique. » 

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J’interroge Fabrice, car je remarque ses yeux étincelants ; il traîne à la sortie, il fait partie des heureux privilégiés de cette écoute. Il en sort enchanté. Pour lui, « la recherche de respiration et de rupture pour reprendre le flot se fait sentir, il préfigure par ce rebond quelque chose de fort ». Il a particulièrement aimé ce rapport simple à l’instrument, « comme si l’artiste livrait son âme en allant à l’essentiel. » Je m’approche ensuite d’une dame, Isabelle, au bras de son mari, d’une soixantaine d’années. Tous deux sont amateurs de musique classique, mais ne connaissaient ni JB Dunckel, ni AIR avant d’accepter l’invitation. « Je suis agréablement surprise, je retrouve du Philippe Glass, de la rondeur, des danses très arrondies qui me plaisent, je ne connaissais pas l’artiste. J’ai écouté tout ce qu’il fait et j’ai découvert un superbe artiste, qui a un univers très cohérent. »

La soirée se termine, on sort de l’écrin de velours du studio pour affronter le froid mordant d’un soir de janvier, la tête prise d’une mélancolie joyeuse. 

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