En donnant une suite, baptisée Pink Friday 2, à l’album qui l’a fait connaître, la rappeuse Nicki Minaj fait un retour remarqué dans le rap game. Quatre ans en effet que celle qui a tant fait pour l’essor du rap au féminin contemporain n’avait sorti de disque. L’occasion de revenir sur le parcours exemplaire d’une authentique star.
Nicki Minaj : une jeunesse laborieuse
Née au pays du Calypso, à Trinidad-et-Tobago, Nicki Minaj déménage dans le Queens lorsqu’elle a cinq ans. Personnalité extravertie, elle commence à s’intéresser aux professions artistiques dès le lycée, d’abord comme comédienne, puis comme musicienne. Enchaînant les petits boulots, elle se découvre finalement une vocation pour le rap au début des années 2000. C’est via la plateforme MySpace que la future star dévoile au monde ses tout premiers morceaux. Déjà affleurent un caractère conquérant, une féminité exacerbée, une verve évoquant les grandes rappeuses des années 1990, Lauryn Hill et Missy Elliott en tête.
Il va falloir du temps pour que la mayonnaise monte. Après avoir été licenciée d’environ quinze jobs, elle signe un contrat musical en 2004, troquant son vrai nom (Onika Tanya Maraj-Petty) pour son pseudonyme. C’est en enregistrant coup sur coup deux mixtapes, en 2007 et 2008, qu’elle parvient à se faire connaître du milieu rap et du public des aficionados. Elle signe alors sur le label de La Nouvelle-Orléans qui va changer la face du rap de ce troisième millénaire, Young Money.
En route vers la gloire
Fondé par Lil Wayne, Young Money capitalise sur le succès de son créateur au milieu des années 2000, une période durant laquelle le rap américain lorgne de plus en plus le sud des États-Unis pour se renouveler. De fait, deux signatures du label vont profondément marquer les années 2010 : Drake, d’abord, qui popularise un rap mâtiné de pop très efficace, et Nicki Minaj, par qui le retour du rap au féminin s’amorce.
En featuring avec Lil Wayne, Nicki Minaj se distinguait dès 2009 avec son single I Get Crazy. Son flow précis, tonique, son personnage hypersexualisé, ses thèmes bad ass qui n’avaient rien à envier aux MC masculins, ont contribué au rentre-dedans auditif et ont imposée la belle dans le paysage rapologique. Des apparitions remarquées, comme son featuring sur Monster de Kanye West, ses duos avec Christina Aguilera sur Woohoo, Rihanna pour Raining Men ou Katy Perry le temps d’une reprise de Girls Just Wanna Have Fun, démontrent également son goût pour le grand écart entre pop et hip-hop stricto sensu.
Son premier véritable album, Pink Friday, s’avère d’ailleurs un pur exercice de style : le single Your Love, à l’été 2010, s’appuie sur des parties chantées mélodieuses puis diverge vers un couplet scandé. Son flow rapide s’accorde également avec des arrangements plus club, comme l’atteste Super Bass, son premier gros tube international.
Mélange improbable de Lady Gaga et de Lil’ Kim, alternant fun et sérieux, salacerie et romantisme, Nicki Minaj donne un beau coup de fouet au paysage rap américain, où les voix féminines s’étaient éteintes depuis longtemps. Entre 2010 et 2014, et la sortie du deuxième album de Nicki Minaj, Pinkrpint, l’ascension de rappeuses comme Iggy Azalea, Azealia Banks ou Dej Loaf se remarque.
L’ère des rivalités
A l’époque de Pinkprint, et ses tubes comme Anaconda, Pills n Potions, ou Only (en featuring avec Drake, Lil Wayne et Chris Brown), Nicki Minaj est au faîte de sa gloire. Damant le pion à ses homologues masculins, la jeune femme impose un style vestimentaire, rapologique et sociétal qui fait fureur sur les réseaux sociaux : la « doll ». Pour celle qui participera à la B.O. de Barbie (avec Aqua pour Barbie World) huit ans plus tard, la poupée est en effet une sorte d’emblème. Égérie d’une poupée Mattel dès 2011, Nicki Minaj s’affirme en effet comme une femme-poupée dans son esthétique, usant et abusant de l’artificialité pour mieux délivrer un message d’empowerment.
Sa grande rivale de la fin des années 2010, Cardi B, s’inscrira dans un créneau quelque peu similaire en affirmant sur son album Invasion of Privacy qu’elle est une « Real Bitch, only thing fake is the boobs » (« une meuf authentique, mon seul truc faux c’est mes seins »). Faux ongles, coiffures extravagantes, recours au maquillage outrancier et à la chirurgie esthétique : les émules de Nicki Minaj ne reculent devant aucune manière de s’affirmer. En 2018, Nicki et Cardi s’affrontent de manière directe, en diverses occasions : la seconde semble détrôner la première au titre de rappeuse la plus populaire, dans un marché qui s’est enfin ouvert aux femmes artistes.
Le retour d’une incontournable
Depuis l’album Queen en 2018, Nicki Minaj est entré dans la légende de la musique, en collaborant avec le groupe K-pop BTS, en battant bien des records de vente et en inspirant toute une génération d’artistes féminines qui font l’actualité du hip-hop. De Megan Thee Stallion à Lizzo, en passant par Dreezy, la formule de Nicki Minaj fait florès depuis la fin de la dernière décennie. Et celle qu’on disait inspirée de Lil Kim peut désormais s’affirmer comme une source pour tout le rap mondial, qu’il soit féminin ou masculin.
Après la naissance de son premier fils en 2020, Nicki Minaj, la rappeuse la plus suivie au monde, a repris les chemins du studio et dévoilé à l’été 2022, Super Freaky Girl. Son style si particulier semble intact : avec Last Time I Saw You, elle revient à un titre plus chanté que rappé, continuant son exercice d’équilibriste. Pink Friday 2, à paraître début décembre, marque une deuxième décennie d’audace musicale de « the Queen of Rap ».
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