Entretien

O’Keltia de Sébastien Monteil : Rencontre avec l’auteur

23 juin 2023
Par Christelle F.
O'Keltia de Sébastien Monteil : Rencontre avec l'auteur

Tous les contes ne commencent pas par « il était une fois »…Toutes les histoires inspirées des légendes régionales ne sentent pas la naphtaline…Et en ce qui concerne O’Keltia de Sébastien Monteil paru chez Skol Vreiz, nul besoin d’être Breton bretonnant pour se laisser tenter.

A l’occasion de la sortie de son tome 3, Sébastien Monteil a bien voulu répondre à quelques questions. Nous l’avions déjà accueilli à Quimper, et ce fût l’occasion d’exposer quelques jours ses planches. Le 17 Juin il était de nouveau parmis nous. 

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Christelle, libraire Fnac Quimper : « Lorsque l’on a parlé de ton métier d’illustrateur, tu as évoqué une signature graphique qui différencie le dessinateur du photographe. Comment définirais-tu ta signature graphique et as-tu des références chez les dessinateurs de BD ? 

Sébastien Monteil : Le dessin est finalement le prolongement d’une écriture, ce qui fait que chaque auteur a son style (plus ou moins marqué). Je dirais que j’ai une base assez classique, ligne clair, avec des emprunts, surtout dans la mise en page, au comics américain. Pour les mouvements des personnages, je m’inspire un peu du manga (qui est une culture que je découvre tout juste). 

Mon objectif serait de réussir à avoir un dessin lâché, fluide, tout en gardant le côté ligne clair.  

Mes références sont nombreuses, mais je m’intéresse de prêt au travail du trio à l’origine de Lastman (Vivès, Salanville, Balak), et de la fluidité de leurs dessins. En dehors de la BD, je suis aussi beaucoup imprégné du travail des peintres graveurs qui ont travaillé sur la Bretagne : Mathurin Meheut, Henri Rivière, Géo-Fourrier, Xavier de Langlais…

Christelle, libraire Fnac Quimper : Le dessin c’est un vrai sujet qui inspire beaucoup de critique chez les lecteurs. Beaucoup regrettent que des auteurs optent pour le dessin assisté par ordinateur. Ce sont malgré tout des dessinateurs qui utilisent une technique particulière. Envisages-tu ou as-tu déjà utilisé d’autres techniques que celle d’O’Keltia

Sébastien Monteil : Je ne connais pas de dessin assisté par ordinateur comme peut l’être le vocodeur pour la musique. Le numérique n’est pas très différent du dessin traditionnel, hormis peut-être pour la couleur (et encore, l’application est différente, mais les notions sont les mêmes). Quand on dessine sur l’écran, la sensation n’est pas si éloignée du dessin sur la feuille.  L’avantage du numérique, c’est qu’il offre de nombreuses possibilités et permet de corriger son travail à l’infini. Mais il a ses « dangers » aussi.  

Jusqu’à présent, je travaillais principalement en traditionnel pour l’encrage. Ô keltia est la première BD que je réalise avec un encrage et une mise en couleurs entièrement numérique. Pour moi, c’est l’histoire qui fait qu’on opte pour tel ou tel technique. Ô Keltia est une BD qui évolue dans un cadre fantastique, magique. Je trouvais que le numérique se prêtait bien à cette histoire. Mais si mon prochain projet abordait le voyage, la quête initiatique à travers un road trip, probablement que j’utiliserai de l’aquarelle pour la mise en couleurs.

Christelle, libraire Fnac Quimper : Te souviens-tu gamin de ta première BD ou de celle qui t’as marqué ? Et plus tard adulte un album de référence ? 

Sébastien Monteil : Je crois que Tintin est ma première lecture BD, suivi par tout un tas de BD franco-belge que l’on ne présente plus. Mais c’est à 7 ans que j’ai eu le coup de foudre pour le graphisme d’Hugo Pratt. Corto Maltese, Les Scorpions du désert, Ernie Pike, etc… j’ai dévoré une grande partie de la bibliographie de l’italien.  

Adulte, en tant que lecteur j’ai rencontré plusieurs ouvrages qui m’ont marqué comme Le cri du peuple de Tardi, Silence de Comes, (en vérité une grande partie du catalogue Casterman que l’on pouvait lire dans le magazine À Suivre), Sergio Toppi, et beaucoup d’auteurs sud-américains (argentins principalement). Dans les auteurs plus récents, j’ai beaucoup aimé Lastman de Vives, Salanville et Balak. Il y a aussi Brüno avec son travail sur Nemo et le western Junk. Et j’ai une grande tendresse pour le travail du regretté Bruno Le Floc’h.

Christelle, libraire Fnac Quimper : La culture bretonne est-elle indissociable de ton travail ? D’autres sujets t’inspirent ils ? La légende Arthurienne et la culture Bretonne, sur le papier ça parait simple mais en fait le mariage n’est pas si évident que cela. Comment as-tu fait pour unir les deux univers ? 

Sébastien Monteil : La culture bretonne a une grande place dans mon travail, mais elle n’est pas le seul sujet que j’ai traité. Dans « Le temps des colonies », bien que le personnage principal parte de Bretagne, j’aborde la situation historique et politique dans les royaumes Peul à l’époque de l’expansion coloniale.  

L’histoire est mon autre passion, et mes prochains projets seront sûrement à nouveau sur des périodes historiques qui me passionnent (de la révolution française à la guerre froide). 

Pour en revenir à Ô Keltia, et le mariage de la Matière de Bretagne (Arthur, Merlin …) avec le reste de la culture bretonne (Korrigans, fées, ki du ect…), j’ai cherché à créer des ponts entre les différentes légendes. C’est justement la partie « inventée » de l’univers d’Ô Keltia. Comment unir les différentes légendes, de Broceliande aux Monts d’arree, de la côte des légendes jusqu’à Carnac ? En leur créant un monde, avec ses règles, son histoire, ses lieux emblématiques…

Christelle, libraire Fnac Quimper : Comment t’es venue l’idée de cette histoire ? 

Sébastien Monteil : L’idée est née suite à un atelier BD donné à des adolescents en 2010. On m’avait demandé, en plus de les aider à réaliser une planche de BD, d’aborder une légende bretonne. Et ça été assez difficile de plonger les élèves dans une histoire collectée fin XIXe, où les personnages vivaient dans une quotidienneté qui a bien changé. En discutant avec eux, je voyais bien que ce n’était pas le côté fantastique qui les gênait. Au contraire, beaucoup étaient lecteurs d’Harry Potter, du Seigneur des anneaux et de fantasy (anglo-saxonne principalement). Je me suis alors dit qu’il était dommage que certains thèmes des légendes bretonnes soient un frein à la découverte de ce patrimoine exceptionnel. Qu’il y avait tout chez nous pour faire rêver. J’ai alors décidé de lire et relire beaucoup de recueils de légendes et de chercher une nouvelle façon de les raconter. Et quoi de plus simple que de créer un univers avec ses légendes, mais qui nous serait contemporain !

Christelle, libraire Fnac Quimper : Peux-tu nous parler de ta BD comme si nous ne l’avions pas encore lue ? 

Sébastien Montiel : Azilis est une adolescente qui vit dans une ferme, proche de la forêt de Broceliande. Elle a la particularité d’avoir déjà un orteil dans le monde des légendes, car dans la ferme vit un taureau qui a le don de parole, secret qu’elle est la seule à posséder. Mais voilà qu’un soir, elle entend chez elle que le taureau est trop âgé, et qu’il doit partir à l’abattoir. Elle décide de s’enfuir avec lui, de nuit, dans la forêt magique.  

C’est sur ces chemins fantastiques mais aussi terriblement dangereux qu’elle croisera la route de Yaouank, le gardien des légendes et de son fidèle acolyte Marmouz, un korril gaffeur. Avec eux, elle fera la découverte d’un monde qu’elle ne soupçonnait pas, peuplé de Korrigans, de chevaliers descendants de la table ronde, de tout un tas de créatures magiques et d’une menace grandissante qui assombrit Keltia, le monde des légendes bretonnes. »

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Il y a, dans les aventures de la petite Azilis, un je ne sais quoi de modernité et d’universalité qui rendent cette BD populaire. Dans le sens noble du terme en ce sens qu’elle s’adresse au plus grand nombre. 

Le dessin tout d’abord. Des lignes claires, des personnages tout en rondeur et parfois d’inspiration steampunk. La palette de couleurs nous plonge tantôt par ses violets dans les bruyères des landes des monts d’Arrée, tantôt par ses verts dans les forêts mystérieuses propres aux terres de Bretagne. 

Le scénario ensuite. Reprennant les licences propres à la culture bretonne, Sébastien Monteil y ajoute une dynamique qui bouscule le genre : une audacieuse rencontre entre le korrigan et le chevalier arthurien. Il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité…Et le pari est gagné ! J’attends avec impatience la suite des aventures d’Azilis.

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