Cette artiste originaire de Roubaix offre un rap à fleur de peau. Des textes conscients, réfléchis, preuves d’une grande maturité. Yasuke parle de ce qu’elle connait, d’une vie heurtée, instable, de déceptions, sa vie. Dense, intense, brut, le style Eesah Yasuke ne vous laissera pas indifférent.
Le rap pour vous, c’était comme une évidence pour exprimer ce que vous aviez à l’intérieur ?
Eesah Yasuke : Totalement, l’écriture de poème d’abord et le rap par la suite se sont illustrés dans ma vie comme une véritable catharsis. C’est toujours né d’un besoin, d’une volonté urgente d’exprimer ou de témoigner sur un sujet précis. Si je dois qualifier ma musique, je dirais qu’elle se veut introspective, authentique, cherchant toujours l’équilibre entre le constat sombre et la lumière que l’on suit au bout du tunnel. La phrase « L’ange de quelqu’un le démon de l’autre » dans le morceau Mangeurs d’hommes rend bien compte de cela.
Il me semble que vous êtes dans ce que l’on appelle le conscious rap. En France ou ailleurs, vous avez des modèles dans le genre ?
E.Y. : Je ne dirais pas ça, je trouve que ça me contiendrait trop dans un seul moule, alors qu’ils sont divers et variés. Même si effectivement, je prends des positions que j’assume complètement, notamment dans le titre XTREM. Mais comme je le disais plus haut, je fais un rap aussi très introspectif qui fait état des maux et de la traversée pour mener à la résilience. Un peu comme Ulysse, qui met 7 années au cours desquelles il rencontre bon nombre d‘épreuves avant de rejoindre Ithaque.
Comment avez-vous rencontré monsieur Waxy et comment expliquez-vous cette alchimie entre vous ?
E.Y. : C’est Waxy qui m’a contactée sur Instagram, à ce moment-là je n’avais pas encore sorti de projet mais seulement quelques freestyles. Et il a apprécié mon univers. On s’est rencontrés et on a matché, je l’explique par notre approche conjointe de l’aspect cinématographique. Waxy fait de la musique à l’image, moi je les décris et je pense que l’option cinéma audiovisuel que j’ai choisi pour mon bac L y est aussi pour quelque chose.
Quels sont les thèmes du prochain album ?
E.Y. : Pour l’instant je ne souhaite rien dévoiler du prochain album, j’ai envie qu’on savoure mon EP Prophétie que j’ai longuement travaillé avec l’équipe afin qu’il soit précis et tel que je l’imaginais. Laissons le temps au temps, la maturation est une vertu dans l’art.
Avec le temps, y a-t-il quelque chose qui peut taire votre colère ?
E.Y. : Je ne pense pas que ce soit sain de taire une colère. Quelque chose qui est tu c’est quelque chose qui bouillonne et finit inéluctablement par imploser, et rarement de la meilleure des façons. L‘expression d’une colère ou d’un quelconque mal est salvateur pour l’âme et la paix intérieure. L’écriture est l’une des clés pour l‘exulter.
Les ambitions que vous aviez en tant qu’éducatrice trouvent-elles un écho dans vos rap ?
E.Y. : Je pense que toutes mes expériences passées infusent dans mon rap sans que ce soit conscient. Ce que j’ai pu vivre et ce dont j’ai été témoin ont déclenché mon écriture. Naturellement les choses qui me révoltent et me touchent nourrissent mes écrits.
Une fois vos textes écrits, comment choisissez-vous les instrus et les featurings ?
E.Y. : Les processus créatifs sont différents en fonction des morceaux. Certains naissent à partir d’une prod reçue. D’autres se construisent à partir d’un texte. Je pense notamment à Bébé, j’avais enregistré sur une prod qui ne me convenait pas finalement. Sako (mon-coproducteur) a envoyé l’a capella à plusieurs beatmakers qui ont orné une prod tout autour et c’est celle de Para One qui a retenu mon attention. Concernant les featurings, j’en fais très peu et ce n’est pas ce que je recherche principalement même si j’ai mes feats de rêve en tête (Youssoupha, Nekfeu, Yamé ou Marc Lavoine par exemple). Le dernier feat en date est celui avec Tim Dup qui m‘a invité sur une prod de Paco Del Rosso : Le Fil.
Il n’y a que peu de références à vos attaches en Afrique dans vos créations, est-ce parce que vous souhaitez garder cela pour vous ?
E.Y. : Il est vrai que pour le moment, ça ne transparaît par encore de façon très manifeste. Quoi qu’en y réfléchissant, Karma c’est de l’afrobeat revisité avec le saxo de Paul Steen qui fait subtilement penser à Fela Kuti. J’ai pu explorer cette africanité lors de mon voyage au Sénégal, je sors d’une résidence studio où j’ai expérimenté de nouvelles choses, notamment l’usage d’instruments comme la kora de Noumoucounda, je n’en dis pas plus…
Quelle importance accordez-vous à la scène ?
E.Y. : La scène pour moi, c’est une célébration et un rendez-vous donné au public. L’osmose est importante j’aime cette approche en live parce qu’on se connecte les uns avec les autres.
Vous pourrez retrouver Eesah Yasuke au Fnac Live Paris le vendredi 30 juin sur le parvis de l’Hôtel de Ville.