Affligée d’un patronyme extrêmement populaire et répandu en Afrique de l’Ouest, Fatoumata Diawara est pourtant une femme doublée d’artiste d’exception. Né au Mali, fille d’un grand danseur et comédienne aguerrie avant d’entamer son parcours de musicienne, c’est par le biais de la compagnie de théâtre Royal De Luxe que cette inépuisable combattante au choix artistiques exigeants est apparue sur nos radars occidentaux. À l’heure de son nouvel album, on lui dresse le portrait.
Il était une fois, Fatoumata
Les collègues disquaires ayant un peu de vécu, (pour ne pas dire un peu de bouteille) se souviennent sûrement de ce 1er EP de Fatoumata Diawara intitulé Kanou que nous présentaient (à l’époque pré-deezer) les représentants du label anglais World Circuit.
Une jeune chanteuse malienne fraichement signée par la maison de disque qui hébergeait déjà quelques phénomènes musicaux devenus cultes au fil des ans (Ali Farka Toure, Buena Vista Social Club, Orchestra Baobab…) ne pouvait qu’attirer notre attention.
4 titres à l’orchestration parfois rudimentaire (calebasse, guitare, voix) qui laissait d’entrée de jeu entendre ce formidable pouvoir d’attraction de cette nouvelle tête débarquée de la bouillonnante ville de Bamako.
Un grain de voix légèrement trainant et éraillé doublé d’une puissance et d’un volume propres aux grandes « divas » de l’Afrique subsaharienne à l’image de grandes dames telles que Miriam Makeba, Angélique Kidjo, Oumou Sangaré, Aicha Koné…
C’est une sorte folk ouest-africain qui nous tombe dessus. Sans surenchère de production et des textes qui déjà évoquent ces thèmes qui deviendront chers à Fatoumata Diawara (culture, militantisme, les destins tragiques, la place des femmes, l’avenir de la jeunesse africaine, l’hypocrisie des puissants…). Car comme beaucoup de femmes de sa génération, ainsi que celles qui ont précédé, Fatoumata a subi le poids de certaines coutumes sociétales, traditions condamnables et se dressera dès l’enfance contre ces injustices que dicte un patriarcat omniprésent dans les societés africaines. Comme elle le clame haut et fort, sa parole forte et engagée résonne pour les jeunes maliennes (et maliens) d’aujourd’hui, celles et ceux de demain.
Décollage & tour du monde
Dans la foulée de cet avant goût, la même année est publié son tout 1er album (Fatou en 2011) qui arrive dans les bacs et remporte un chouette succès critique. Le bouche à oreille autour de cette jeune chanteuse, qu’on découvre aussi comédienne, commence à la rendre de plus en plus connue auprès du grand public et des programmateurs de salles et de radios.
C’est à son initiative qu’en 2013 un tube (Mali Ko) fédère tout ce que le Mali compte comme grande voix dans une démarche humanitaire pour alerter sur la situation géopolitique critique du pays. Puis cap sur un label frenchy et la poursuite de sa carrière de musicienne. Bien qu’ayant grandie à Bamako et désormais franco-malienne, elle restera proche jusqu’à ce jour de toute une brochette de musiciens anglais et internationaux avec qui elle « fricote » encore aujourd’hui, Damon Albarn en tête.
Son deuxième album est une collaboration avec le pianiste cubain Roberto Fonseca avec qui elle a partagé quelques scènes (At Home 2014 est une captation au festival Jazz In Marciac). Puis c’est Fenfo, 3ème album paru en 2018 qui remporte quelques récompenses et nominations : une série de prix au Royaume-Uni, en Europe, sur le continent Africain et excusez du peu, finaliste des Grammy Awards pour le meilleur album World Music.
Si vous suivez de près cette chanteuse, vous aurez sûrement croisé son nom dans une multitude de projets, dont la pluralité des genres musicaux illustre parfaitement l’esprit libre et touche-à-tout de la dame. Le carton commercial signé -M- (LAMOMALI, 2019) ou les tournées internationales avec GORILLAZ vont dans ce sens.
Mai 2023, l’entêtant Nsera qu’elle interprète avec Damon Albarn (également producteur d’une partie de l’album) résonne dans nos tympans depuis quelques semaines. C’est le premier extrait de LondoKo, son 4ème opus aux influences XXL qui sort donc ces jours-ci et dont vous n’avez sûrement pas fini d’entendre parler, à juste titre.
Carrière multiprise
Ce modeste portrait ne serait pas complet si on n’abordait pas la carrière de comédienne de Fatoumata Diawara. Une activité démarrée dans les années 1990/2000, soit bien avant qu’elle ne se lance dans la musique.
C’est au sein de la petite niche du cinéma indépendant malien qu’elle fait ses armes mais c’est à la compagnie de théatre de rue ROYAL DE LUXE qu’il faut dire merci pour avoir recruté la jeune comedienne bamakoise et l’avoir mise sur les rails d’une renommée internationale.
Ensuite, on l’a vu interpréter la sorcière KARABA dans la comédie musicale KIRIKOU, fouler les planches de quelques théâtres pour des projets variés. Mais c’est peut-être le magnifique long métrage du cinéaste Abderrahmane Sissako (Timbuktu 2015) qui la consacre comme une actrice à part entière. L’histoire de ce film (la résistance d’un peuple face à l’arrivée de radicaux imposant leur lois obscurantistes) parle évidemment à une artiste de la trempe de Fatoumata Diawara.
Initialement poussée et encouragée par ses « sœurs » de cœur (Oumou Sangareé, Rokia Traoré) qui comme elles, utilise leurs notoriétés pour se faire l’écho des sans voix, et des femmes d’Afrique en premier lieu, Fatoumata Diawara s’impose naturellement dans le paysage musical mondial.
Avec déjà une riche carrière derrière elle et un avenir qu’on lui souhaite tout aussi brillant, on est tenté de conclure ce portrait avec ce slogan difficielement contestable qu’on peut lire un peu partout : AFRICA IS THE FUTURE…Ainsi va l’histoire et celle qu’écrit Fatoumata Diawara avec.
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