Cela fait maintenant près d’une décennie que le genre du battle royal occupe une place prédominante sur la scène culturelle, plus particulièrement le cinéma. Avec l’annonce d’un nouvel opus de la saga à succès Hunger Games, 7 ans après le dernier volet, le moment est idéal pour revenir sur ce genre ayant défrayé la chronique à de multiples reprises.
Le premier Battle Royal
Apparu avec l’œuvre littéraire de Koshun Takimi intitulé : Battle Royale, le genre éponyme s’est imposé dans la culture populaire avec son concept original et percutant. L’histoire de ce roman nous plonge dans un pays fictif que l’on suppose être le Japon, dans lequel des classes de lycéens sont contraintes de s’entretuer de toutes les manières possibles sur une île isolée. Un concept simple, mais néanmoins chargé de sous-textes qui éloignent le récit d’un simple fantasme de meurtres et de violence. En effet, Battle Royale est avant tout une métaphore, ainsi qu’une critique, de notre société, poussant les individus à constamment s’affronter pour d’absurdes raisons. Si le livre de Takimi avait peiné à trouver son public du fait de la censure japonaise qui jugeait le livre problématique, c’est par le biais du cinéma que cette œuvre a su définir et incarner l’émergence d’un genre tout entier. Adapté seulement un an plus tard, le film Battle Royale, réalisé par Kinji Fukasaku, n’a certes, pas été un grand succès commercial, mais il a su poser les bases sur lesquelles ce genre a su se construire et se diversifier.
Hunger Games, l’héritage de Takimi
Si le livre et le film Battle Royale ont été les prémices de ce qu’est aujourd’hui un genre mondialement connu, la saga cinématographique de Francis Lawrence est à n’en point douter son essor le plus important.
Sorti en 2012 et adapté du roman de Suzanne Collins, Hunger Games immerge le spectateur dans le pays fictif de Panem (que l’on suppose cette fois être les Etats-Unis), divisée en 12 districts aux classes sociales diverses, dans laquelle se déroule tous les ans, un événement intitulé hunger games, où 24 adolescents doivent s’entretuer dans une arène à travers une émission rediffusée dans l’ensemble du pays. Avec son budget hollywoodien et son casting cinq étoiles dans lequel se trouvent Jennifer Lawrence, Woody Harrelson, Philip Seymour Hoffman ou Julianne Moore, le film et ses trois suites ont été de véritables succès critiques et commerciaux, avec un minimum de 650 millions de dollars de bénéfices par opus. La réussite de l’œuvre tient notamment au fait qu’elle reprend les bases laissées par Battle Royale, tout en y apportant des thématiques plus contemporaines, à savoir la perversité sadique de la société, la banale cruauté des dirigeants ou les dérives sociales du monde. Les fondements de l’œuvre Battle Royale sont ainsi conservés et enrichis, sans omettre la réalisation aussi spectaculaire que soignée dont ont bénéficié les quatre films, ce qui a permis à la saga de fidèlement diffuser à l’international les principes et les thèmes de l’œuvre de Koshun Takami.
Répercussion de la réussite
En conséquence du succès de la saga de Francis Lawrence, nous avons vu poindre çà et là de nouvelles œuvres arborant le blason Battle Royale, à l’image du film The Circle, réalisé par Aaron Hann et Mario Miscone en 2015, qui se contente cette fois de reprendre le concept sans l’accompagner des thèmes récurrents du genre. Raison pour laquelle le film, en dépit de son aspect divertissant, n’a pas rencontré le même succès qu’Hunger Games ou des autres productions sérielles qui sortiront à partir de 2020.
Bien qu’aucune œuvre cinématographique n’ait encore risqué se confronter à la saga de Lawrence sur le terrain du battle royal, ça n’est pas le cas des séries télévisées qui ont vu deux productions se distinguer, avec Alice in Borderland, diffusée à partir de 2020 sur Netflix, et Squid Game également diffusée sur Netflix à partir de 2021.
De nouvelles productions TV
Alice in Borderland
Alice in Borderland est l’adaptation du manga éponyme de Haro Aso, dans lequel un groupe de trois adolescents se voit transporté dans un Japon désert, où différentes aires de jeux apparaissent à la nuit tombée. Ces aires, proposent différents types de jeux mortels basés sur les signes des cartes à jouer qui en déterminent le genre (carreau = réflexion ; trèfle = travail d’équipe ; pique = physique ; coeur = psychologique et morale), permettant aux participants de gagner du temps afin d’éviter d’être tué par un laser tombant du ciel si leur passeport arrive à expiration.
Ce qui saute aux yeux avec Alice in Borderland, c’est son partage entre Battle Royale, dont on perçoit les multiples inspirations, et un récit plus structuré. Il s’agit donc d’une dérivation intelligente et efficace du battle royale, qui en modifie le concept, mais ne perd rien de ses thématiques essentielles. Nous retrouvons une nouvelle fois les critiques des dérives de la société, tout comme l’individualisme ou la folie sociale. Cette œuvre marque ainsi une évolution du genre du battle royale, où il n’est plus simplement question d’affrontement sur un lieu unique, mais une exploration plus intimiste des contraintes poussant des individus à s’entretuer. Une structure que reprend également l’autre série au succès exceptionnel de 2021, Squid Game.
Squid Game
Diffusé en 2021 sur Netflix, la série Squid Game, réalisée par Hwang Dong-Hyeok, met en scène le personnage de Seong Gi-hun, un homme pauvre et divorcé cherchant à prendre soin de sa famille, qui se voit proposé une somme faramineuse s’il participe et remporte les jeux secrets organisés par une mystérieuse entité. Une fois sur place, il découvre 455 autres joueurs, qui devront s’affronter à travers divers jeux aux allures enfantines comme le un, deux, trois, soleil, le ppopgi (jeu Coréen), ou les billes. Là encore, nous retrouvons une structure différente de celle de Battle Royale ou de Hunger Games. Squid Game explore, à la manière d’Alice in Borderland, la confrontation entre individus lors de jeux les obligeant à s’entretuer. Nous identifions également plusieurs thèmes similaires aux autres œuvres mentionnées précédemment, comme les ambitions sociales, la corruption humaine motivée par le gain et la volonté de s’extirper d’une situation sociale précaire. Le tout orné d’une réalisation remarquable, ainsi que d’une direction artistique qui n’aura laissé aucun spectateur indifférent.
Le genre du battle royal initié en 1999 par l’œuvre de Takimi, a donc su s’adapter à son époque ainsi qu’à son public, tout en renouvelant ses thèmes et son concept à travers des histoires pertinentes et utilisant avec intelligence le meurtre et la violence pour illustrer, et surtout, dénoncer les dérives humaines et sociétales contemporaines. Avec le retour d’Hunger Games en 2023 adaptant le préquel La Ballade du serpent et de l’oiseau Chanteur sorti en 2020 et toujours écrit par Suzanne Collins, espérons que nous aurons droit à de nouvelles avancées du battle royale, tout en savourant le retour à Panem.