Né de la fusion entre le blues électrique et le rock à la fin des années 1960, le hard rock a fait entrer la puissance et la virtuosité dans le critère d’appréciation de la musique populaire. De Led Zeppelin à Airbourne, de Deep Purple à Wolfmother, retour sur l’histoire du genre.
Le blues british, à l’origine du hard rock
Au début des années 1960, les bluesmen américains obtiennent un grand succès auprès de jeunes mélomanes britanniques. À leur tour, ces derniers franchissent le pas et se décident à réinterpréter le blues à en faire une musique énergique, presque dansante. Naissent ainsi les Rolling Stones, dont le nom s’inspire d’une chanson de Muddy Waters, ou les Animals, portés par Eric Burdon. Un autre groupe émerge de ce creuset : les Yardbirds. La formation a pour particularité ses trois guitaristes solistes successifs qui ont tous contribué à la création du hard rock. Il y a d’abord Eric Clapton, bien vite surnommé « God », qui fonde en 1965 Cream avec Jack Bruce et Ginger Baker. L’homme pose les jalons du power trio avec ce groupe, le temps d’albums très électriques comme Disraeli Gears ou Fresh Cream, premiers jalons du hard rock. Son approche à la fois blues et flamboyante de la guitare électrique influence Jimi Hendrix qui émaillera son premier album Are You Experienced de quelques brulots hard.
Deuxième guitariste des Yardbirds, Jeff Beck ajoute une touche plus énergique au son de la formation avant de démarrer sa carrière solo. Sur ses disques Truth et Beck-Ola, chantés par Rod Stewart, il impose sa virtuosité et apparaît lui aussi comme un pionnier du hard rock. Enfin, Jimmy Page prit en dernier la direction musicale des Yardbirds. Lui aussi fan de blues, mais aussi de folk, à de nombreux enregistrements en studio précédemment, se faisant connaître par ses riffs incisifs composés pour les Kinks, notamment. C’est lui qui recrute ensuite John Paul Jones et John Bonham, puis le chanteur Robert Plant, pour fonder Led Zeppelin. Soit le quatuor emblématique du hard rock, dont les albums I, II, III, IV, Physical Graffiti ou The Song Remains the Same appartiennent à la légende du genre. Mêlant folk sur ses morceaux doux, rythmique énorme et flamboyance vocale/instrumentale sur ses titres les plus emblématiques, le groupe a inventé la formule magique du hard rock, de Babe I’m Gonna Leave You à Stairway to Heaven, en passant par Immigrant Song ou Whole Lotta Love. À l’époque de leur création, le seul groupe à concurrencer Led Zep en termes de puissance déployée est The Who. Le groupe de Pete Townshend a en effet son musclé son jeu dans la foulée de l’album Tommy, et a donné au genre deux albums majeurs, le tonitruant Live At Leeds et Who’s Next.
Les Américains en embuscade
C’est à Détroit que le hard rock va naître aux États-Unis. À l’heure où le rock s’impose comme un phénomène émancipateur en Europe, les jeunes de la ville industrielle en font un véhicule d’expression de la rage et du nihilisme. 10 ans avant le punk, MC5 et les Stooges des frères Asheton et d’Iggy Pop transmutent leur colère en électricité. Kick Out the Jams, des premiers, ou Funhouse et Raw Power des seconds sont autant de monuments d’un hard rock américain bruyant et lascif, qui va avoir une influence considérable. Également aux États-Unis, Steppenwolf fait l’événement en 1969, à travers une participation à la bande originale d’Easy Rider. Faisant le pont entre le psyché et le hard, l’album homonyme Steppenwolf témoigne de l’émergence du genre auprès du grand public. Sur la côte Est, c’est Cactus qui a le mieux tiré son épingle du jeu, en s’inspirant notamment de Jeff Beck, comme le prouvent les excellents disques Cactus (1970) et One Way… or Another (1971).
L’âge d’or du hard rock : les années 1970
La fin des années 1960 a vu émerger pléthore de groupes anglais qui mélange le rock et la musique classique. Moody Blues, The Move, Procol Harum… Mais l’un d’entre eux va tirer son épingle du jeu, en mêlant riches orchestrations d’orgue et riffs acérés : Deep Purple. Les célèbres auteurs de Smoke on the Water, toujours actifs de nos jours, ont enchaîné les pépites inoubliables, comme In Rock, Fireball, Machine Head, Burn… Malgré de nombreux changements de line-up, Deep Purple continue de représenter la quintessence du hard : en atteste leur dernier album en date, Turning to Crime. Dans leur sillage s’inscrit entre autres Uriah Heep, dont le sens mélodique a fait fureur à l’époque. Autre formation, Ten Years After, du guitariste Alvin Lee, auteur à Woodstock d’une incroyable prestation d’I’m Going home, prolonge le lien entre blues et hard rock avec les albums Cricklewood Green, A Space in Time et leurs live d’alors. Les succès de Black Sabbath, que l’on peut rattacher au hard rock pour leurs premiers albums Black Sabbath et Paranoid, premier la création d’un sous-genre devenu un courant à part entière : le heavy metal. Dès lors certaines formations vont percer en étant aux frontières des deux courants : Kiss, Alice Cooper, Scorpions, Aerosmith ou Thin Lizzy représentent cette hybridation. À la fin de la décennie des seventies, un groupe de hard rock traditionnel va tout remporter sur son passage : AC/DC. Les guitaristes Malcolm et Angus Young y entretiennent la flamme bluesy, et leurs chanteurs successifs Bon Scott et Brian Johnson, insufflent une incroyable énergie aux albums cultes T.N.T., Highway to Hell et Back in Black.
Depuis les années 1980 : un genre nostalgique
Si les années 1980 ont consacré le metal comme musique majeure, le hard rock s’est davantage marginalisé, étant pourtant le genre précédemment le plus rassembleur des courants électriques de la musique populaire. Pourtant, à la faveur de revival successif, certaines formations ont défendu les valeurs et l’esthétique du hard rock des seventies. Wolfmother, The Darkness, Airbourne, voire le duo Royal Blood contribue à rendre toujours aussi actuelle cette musique grandiose qui déclenche des moments de furie à l’écoute de solos de guitare endiablés et de riffs frénétiques !