Il y a quatre ans, les rappeurs du collectif Secteur Ä (Doc Gynéco, Stomy Bugsy, Passi, Cälbo et Lino d’Ärsenik…) se réunissaient à L’Olympia pour y rejouer, vingt ans après, un concert historique. En 1998, l’âge d’or de cet aréopage du rap français classique avait marqué l’histoire de la musique . Retour sur la naissance et la gloire du Secteur Ä à l’occasion de la sortie du nouvel album de Calbo : Quelques gouttes de plus.
Quand le Val-d’Oise domine la France : les débuts du Secteur Ä
« Mon papa à moi est un gangster, il fait partie du Ministère A.M.E.R ». En 1996, les radios diffusent en boucle Mon papa à moi est un gangster, le single principal du premier album solo de Stomy Bugsy, Le Calibre qu’il te faut. C’est l’aboutissement pour un MC charismatique, issu d’une des premières formations marquantes du rap français, le Ministère A.M.E.R.
Ce groupe culte, dont Stomy est membre avec Passi, a d’abord importé en France le son funk et torpide des Californiens de N.W.A.. Véritable phénomène pour la jeunesse d’alors, le duo augmente son aura avec ses apparitions médiatiques : en plus des deux MC, le manager Kenzy fait grande impression avec son discours cash. Dans l’ombre, le garçon réussit à fédérer autour de lui les nombreux talents de Garges et Sarcelles.
Ainsi, dès le deuxième album du Ministère A.M.E.R, 95200, sorti en 1994, le rappeur Doc Gynéco apparaît en featuring, de même que la chanteuse R&B Assia (future interprète de l’inoubliable Elle est à toi). En 1995, Kenzy fait venir de Villiers-Le-Bel, ville voisine de Sarcelles, un trio en pleine ascension dans l’underground, Ärsenik.
L’âge d’or du Secteur Ä
Renouvelant le modèle des maisons de disques, Kenzy parvient à accompagner l’essor de chacun de ses poulains, et multiplie les morceaux collectifs afin de faire découvrir de jeunes artistes aux publics de groupes installés. Outre l’album solo de Stomy, il lance Passi sans son compère, avec le disque Les Tentations. On le retrouve également derrière le premier album de Doc Gynéco, l’excellent Première consultation. Tous portent alors l’estampille « Secteur Ä », sans être forcément signés sur le même label.
En 1998, Kenzy lance Ärsenik de manière massive avec le disque Quelques gouttes suffisent. Devenu un duo, cette formation incarne la variété des styles du Secteur Ä : Lino, maître en punchlines y boxe les mots avec son compère Cälbo, le roi du flow bien senti. Les deux MC réussiront à prolonger l’expérience de manière convaincante, avec l’album Quelque chose a survécu…, puis demeureront les plus authentiques membres initiaux du Secteur Ä à travers leurs carrières solo, où figurent notamment le Requiem de Lino et le nouvel album de Cälbo, Quelques gouttes de plus.
Secteur Ä : la fin d’une époque
Malgré la présence de nombreux artistes en son sein (dont les Neg’ Marrons côté ragga, Pit Baccardi…), la collaboration avec la marque de mode DIA et la sortie de l’album live du collectif, le collectif ne survivra pas au passage de l’an 2000. L’expérience créée par Kenzy a pourtant accouché de trois véritables stars du rap et des médias (Passi, Stomy Bugsy et Doc Gynéco) et accompagné l’âge d’or du hip-hop français. Vingt ans plus tard, c’est donc bien à travers ses multiples personnalités que le Secteur Ä continue d’être dans le cœur de dizaines de milliers de nostalgiques de l’ère des pionniers du game… De quoi faire du best-of du collectif un indispensable !