Le monde de la musique lyrique pleure ce jour Teresa Berganza, l’une des cantatrices les plus fameuses du XXe siècle. À 89 ans, celle qui fut la mezzo-soprano la plus demandée de son époque nous quitte en laissant derrière elle des rôles superbes, dont ses compositions dans Carmen, ses personnages dans Rossini, ou encore ses nombreuses incursions dans les « zarzuelas » et autres formes typiquement espagnoles.
Une éducation musicale
Née à Madrid en mars 1935, Maria Teresa Vargas, plus tard connue sous le nom de Teresa Berganza, s’ouvre autant à la musique qu’à la peinture et à la littérature dans sa jeunesse. Son père l’initie à ces arts, et c’est d’abord la pratique instrumentale qui la séduit. Après avoir appris le piano, elle se tourne vers le chant à l’adolescence, avant d’intégrer le conservatoire local. Prise d’une vocation religieuse, la jeune femme fuit au couvent durant ses années d’études, mais son père l’incite à mener une carrière lyrique plutôt que de devenir bonne sœur. Un choix qu’elle ne regrettera pas : dès le milieu des années 1950, elle apparaît comme la nouvelle vedette de la scène européenne.
Une voix qui la distingue
C’est par des rôles significatifs que le public découvre une mezzo-soprano à la technique brillante et portée par une flamme incandescente en matière d’expression. Sur scène, elle se révèle dans L’Italiana in Algeri de Rossini, puis à travers sa partition de Cherubino, dans Les Noces de Figaro de Mozart, qui la voit effectuer sa première tournée mondiale. Elle rencontre à cette occasion une autre star du lyrique de cette époque, Maria Callas, dont elle sera une fidèle supportrice.
Dans les plus grands opéras internationaux, de la Scala au Metropolitan Opera de New York, Teresa Berganza impose sa voix reconnaissable entre toutes. Loin des artifices, elle valorise au contraire une certaine pureté. Son timbre chaud et solaire rappelle ses origines ibériques, ce que prouvera d’ailleurs l’un de ses emplois les plus connus, Carmen, qu’elle tiendra sous la direction de Claudio Abbado, dans une version de référence du plus célèbre opéra de Bizet. Autre rôle fameux, sa participation au Barbier de Séville, témoigne de son adaptation parfaite au répertoire rossinien.
La grande voix de l’Espagne
Devenue dans les années 1980 l’une des sommités mondiales de l’opéra, Teresa Berganza a aussi eu un rôle majeur dans la popularisation des zarzuelas. Ces opérettes espagnoles ont retrouvé la faveur du grand public, après une période d’oubli, dans les années 1970, au moment où les stars lyriques locales se les sont appropriées.
La mezzo-soprano a aussi laissé de nombreux recueils d’airs espagnols et sud-américains à la postérité. Ne se cantonnant jamais à ses seuls rôles lyriques mozartiens (elle apparaît par exemple dans le Don Giovanni de Joseph Losey) ou romantiques, la diva s’est portée sur ce type de répertoires folkloriques, dont elle a donné une interprétation encore aujourd’hui de référence. C’est dire la polyvalence et le talent sans cesse renouvelé de cette légende de la musique lyrique.