Black Mamba : la vengeance dans la peau

Qui est Black Mamba ?

Black Mamba est l’héroïne du diptyque de films Kill Bill : Volume 1 et 2 écrit et réalisé par Quentin Tarantino. Ancienne membre d’un groupe d’assassins, le Détachement International des Vipères Assassines, Beatrix Kiddo (Uma Thurman), plus connue sous son nom de tueuse « Black Mamba », était également la maîtresse de Bill (David Carradine), leur leader. Enceinte de lui, elle décide de quitter l’association pour élever son enfant loin de cette vie violente et épouser un homme étranger à ce monde. Mais Bill et ses sbires la retrouvent au moment du mariage et massacrent tous les invités présents. Black Mamba est l’unique survivante.

Quand elle se réveille de son coma quatre ans plus tard, elle fait le vœu de tuer ses cinq ex-collègues et leurs alliés, en gardant Bill pour la fin. Mais Black Mamba est seule et Bill ne manque pas de ressources. La vengeance sera sanglante, impitoyable, face à des adversaires maîtrisant des techniques de combat diverses et variées, notamment les arts martiaux. Black Mamba va devoir aussi confronter ses propres ténèbres.

Black Mamba de Kill Bill : une héroïne déterminée…

Black Mamba est une tueuse efficace. Elle fait preuve d’une pulsion de vie intense où elle survit dans des conditions qui auraient tué des agents d’élite : sortir d’un cercueil où elle était enterrée vivante, échapper à une meurtrière en étant à moitié paralysée, affronter 88 gardes du corps surentraînés… Sa quasi-invincibilité la rattache à certains héros de comics et d’animes – une des origin stories des cinq tueurs est d’ailleurs contée en anime. Black Mamba maîtrise un éventail affolant de techniques de combat, du katana aux mains nues en passant par tout ce qui lui tombe sous la main en général. Elle est ainsi à mi-chemin entre l’héroïne de vengeance et celle d’action/arts martiaux. Sa détermination fut forgée dans le feu de l’enseignement de son mentor Pai Mei (Gordon Liu), maître difficile et souvent cruel : il arracha ainsi un œil à Elle Driver (Daryl Hannah), l’une des membres du gang, parce qu’il ne la jugeait pas assez douée. Malgré ses épreuves inhumaines, Black Mamba fut l’unique à convaincre au-delà de toutes espérances son maître, qui lui enseigna à elle seule le sommet du Dim Mak : « la technique des cinq points et la paume qui font exploser le cœur ». Une technique que Black Mamba n’utilisera qu’une seule fois, contre Bill lui-même, dans le combat final.

… mais aux failles profondes

« Celui qui cherche la vengeance doit commencer par creuser deux tombes, une pour sa victime, une pour lui ». Cette célèbre citation de Confucius exprime le danger de se perdre soi-même à arpenter une telle route, quel que soit le crime initial. Et Black Mamba n’échappe pas à la règle. Dès la première scène de Kill Bill 1, Black Mamba assouvit sa vengeance en tuant Vernita Green (Vivica A. Fox), mais l’acte se produit sous les yeux de la fille de Green. Ne pouvant se résigner à tuer ce témoin gênant, Black Mamba part, laissant la porte ouverte à la propre vengeance de l’orpheline (qui aurait dû être le scénario de Kill Bill 3 avant que Tarantino renonce au sequel). Elle n’hésite pas non plus à exercer une pression d’acier sur Hattori Hanzo (Sonny Chiba) pour qu’il lui créé un katana d’exception. Contrairement à la sadique Gogo (Chiaki Kuriyama) ou ses sociopathes ex-collègues, elle ne tue pas par plaisir.

Au fil de sa propre intoxication à la vengeance, Black Mamba paraît de plus en plus déshumanisée. Elle a peu de scrupules à torturer Sofie Fatale (Julie Dreyfus), tandis que dans Kill Bill 2, la mutilation sauvage d’Elle Driver qu’elle rend aveugle avant de la laisser sans défense face à un serpent mortel constitue le nadir de sa dérive morale. Ce n’est qu’en retrouvant sa fille et après une longue discussion avec son ancien amant qu’elle retrouve une certaine paix de l’âme. Si elle exécute Bill, leur dernier échange sonne comme un salut final, d’une retenue et d’un respect tout japonais, la sauvant in extremis des ténèbres. Ce faisant, Tarantino adopte un final plus optimiste qu’un film étrangement similaire à Kill Bill : La Mariée était en noir (1968) de François Truffaut, bien que le réalisateur américain déclarât ne pas connaître ce film. Une femme (Jeanne Moreau) y décide de tuer les cinq hommes ayant (accidentellement ici) tué son mari lors de son mariage, barrant à chaque mort leurs noms sur un carnet. Truffaut est cependant plus sombre, sa mariée à lui sacrifiant volontairement sa liberté pour tuer le dernier homme de sa liste, dans une geste nihiliste.

Au final, Black Mamba est une des plus abouties antihéroïnes du cinéma, conservant l’essence morale du film de vengeance à l’intérieur d’un défouloir arty, mais offrant avant tout le portrait d’une femme émouvante dans les ombres de son pouvoir : puissante mais solitaire, déterminée mais aux pieds d’argile, féroce mais parfois cruelle. En bref, une antihéroïne complexe, que l’on prend en empathie grâce au jeu sensible d’Uma Thurman.

Pour en savoir plus : Uma Thurman, le retour de Lady Hollywood