Décryptage

Aux origines de la blue-eyed soul

15 mars 2022
Par Mathieu M.
Aux origines de la blue-eyed soul

Sous le nom de « Blue-Eyed Soul » (la soul aux yeux bleus), l’on désigne depuis les années 1960 la soul pratiquée par les blancs. Des Righteous Brothers à Selah Sue, en passant par Dusty Springfield, ce courant a produit des disques importants, œuvre d’artistes voulant dépasser les barrières. Retour sur ses origines et ses principaux acteurs.

Quand la soul change de peau : la Blue-Eyed Soul

The very best of Aretha FranklinRay Charles, Sam Cooke, James Brown, Aretha Franklin, les Supremes, Stevie Wonder, Otis Redding… Au cours des années 1960, des artistes afro-américains créent un tout nouveau style, la « soul ». Elle tire son origine de plusieurs spécificités de la musique noire aux États-Unis : son caractère authentique, plein d’âme, provient de l’expressivité du gospel. D’autre part, un certain nombre d’artistes de la communauté qui pratiquent le rock ont développé une esthétique à part, qualifiée de rhythm’n’blues dans les classements de charts américains.

Diana Edition limitéeLeur désinhibition quant au sujet des chansons a précipité la naissance de la soul, un gospel dénué d’aspect religieux, et reprenant l’instrumentation du rock. Dès lors, ce genre musical cohabite avec la pop mais continue d’être séparé dans les charts. Pourtant, les grands tubes de la Motown et de son concurrent, la Stax, dépassent rapidement les ségrégations et les clichés : beaucoup de jeunes blancs, en Amérique et en Europe, se passionnent à leur tour pour les hits de Diana Ross ou de Sam & Dave.

Best Of Righteous BrothersEt les artistes blancs s’y mettront aussi. Ce sera par exemple le cas du groupe vocal The Righteous Brothers, formé de deux chanteurs aux timbres proches de ceux des interprète soulful des sixties. Avec des titres comme Unchained Melody, You’ve Lost That Lovin’ Feelin’ ou le fiévreux rhythm and blues Little Latin Lupe Lu, ce tandem sera le premier à illustre le concept de « blue-eyed soul », soit une musique noire reprises par des blancs.

Groovin'Quelques formations américaines leur emboîteront le pas, comme les Young Rascals, qui enregistreront Groovin’ ou la ballade How Can I Be Sure, qui initient le public pop aux sonorités de la soul. En 1966, ce sera le tour de Mitch Ryder de devenir l’une des voix les plus célèbres d’Amérique. Captivant par ses mélanges entre les influences rock’n’roll (notamment Little Richard) et d’autres plus typiquement afro-américaines, il a défini le son de la blue-eyed soul à son âge d’or, à retrouver dans le coffret Sockin’ It To You.

Dusty in MemphisA la fin de la décennie, deux artistes assurent la relève du courant : Tony Joe White, avec son disque Black & White, surprend tout le monde. Difficile de croire en effet que ce jeune homme issu de Louisiane n’est pas un chanteur de soul de la Stax, tant son organe s’approche davantage des voix soulful à l’œuvre dans la communauté afro-américaine. La blue-eyed soul révèle également une chanteuse, et quelle chanteuse : venue de la pop et d’Angleterre, Dusty Springfield enregistre aux États-Unis un hommage magnifique à ses homologues noires sur Dusty in Memphis, et ses fameux tubes Son of a Preacher Man et la reprise des Moulins de mon cœur de Michel Legrand, The Windmills of Your Mind.

L’Angleterre, terre d’asile de la blue-eyed soul

With Their New Face On Vinyle coloréDès les années 1960, les artistes blue-eyed soul firent des émules du côté de l’Angleterre. Le Spencer Davis Group, héritant du goût britannique pour le rhythm’n’blues (très visible au début des Who), a gravé des perles dignes de la Motown, comme Keep On Running ou Sittin’ and Thinkin’. Georgie Fame ou Joe Cocker, dans des styles différents, ont également perpétué la tradition d’une soul blanche, à la fois révérente des maîtres afro-américains et susceptible d’ouvrir le genre à un très large public.

StarsDans les décennies suivantes, l’Angleterre fera toujours bon accueil aux artistes blue-eyed soul. Un des meilleurs vendeurs du disque des années 1980 s’en inspirera : Simply Red, en fusionnant musique afro-américaine et sonorité new wave, aura beaucoup de succès auprès de plus jeunes générations.

Back To BlackPar la suite, c’est au cours des années 2000 qu’un mélange de soul et de pop va redonner au Royaume-Uni sa place sur la planète soul. À la suite d’Amy Winehouse, étoile filante soulful auteur de l’inoubliable Back To Black, Adele, le temps de ses deux premiers albums, 19 et 21, sera la nouvelle voix internationale du genre. Malgré un triste destin, marqué par un enlèvement lui ayant fait abandonner sa carrière, la chanteuse Duffy a également percé dans la blue-eyed soul contemporaine, son disque Rockferry retrouvant la grâce de Dusty Springfield.

Selah Sue, nouvelle voix de la Blue-Eyed Soul

Persona Édition Deluxe LimitéeOriginaire de Belgique flamande, Selah Sue mène depuis dix ans une carrière impeccable. Elle également a su parfaitement incorporer une soul traditionnelle aux accents « bleutés » à une musique dépassant ce strict cadre. Dès son premier album, Selah Sue, elle investissait un joli champ esthétique, quelque part entre Lauryn Hill et Adele, pour le plus grand plaisir des amateurs de soul classieuse, mais aussi de reggae ou de hip-hop, très présents dans ses arrangements. En 2015, elle a amorcé un virage vers des sonorités plus électroniques pour Reason. Elle fait un retour avec Persona, album dans lequel sa voix soulful fait à nouveau merveille, perpétuant de manière moderne une tradition vieille de près de 60 ans !

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
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