Plus besoin de prendre l’Eurostar, on vous fait découvrir, chaque mois, une ville britannique par le prisme de la musique. On ne pouvait pas commencer ce rendez-vous sans évoquer Brighton, cité du multiculturalisme et de l’ouverture d’esprit. Cette station balnéaire est un festival à toute époque de l’année : on y croise des musiciens partout. Direction le sud de l’Angleterre, plus précisément l’East Sussex, vers le paradis de tout mélomane, pour ce premier épisode « De vinyle en ville ».
Brighton, Londres sur la mer
Par sa proximité avec la capitale britannique, et bordée par la mer, Brighton s’est vite imposée comme la ville de prédilection de tout Londonien en quête d’évasion. Ce n’est pas pour rien que George IV, à la fin du XVIIIe siècle, a décidé de faire ériger le grandiloquent Royal Pavilion, palais de style anglo-indien, comme résidence secondaire. Il aura fallu 35 ans pour construire ce monument, très vite devenu le symbole de la ville.
Petit bond dans le temps. Nous voilà dans les années 60 et de joyeux lurons venus de Londres se tournent naturellement vers Brighton pour passer leurs week-ends : les mods. Costumes sur-mesure, Vespa et musique, voici les trois piliers de cette contre-culture emblématique. Comme le dépeignent très bien les films Quadrophenia (basé sur l’album des Who) et Brighton Rock, les mods vont faire la pluie et le beau temps à Brighton – ce qui colle bien à la ville, dont la météo change toutes les heures. Certes, ils apporteront leur joie de vivre et mettront de l’ambiance le week-end, mais les querelles avec leurs rivaux, les rockers, sèmeront le chaos dans cette station balnéaire.
Aujourd’hui, excepté quelques rares bagarres entre gens éméchés à la sortie des pubs, Brighton est une ville où règnent paix et ouverture d’esprit. La ville est capitale LGBT du pays et sa multiculturalité attire. Ce n’est pas pour rien que de nombreux musiciens ont fait leurs débuts ou se sont basés à Brighton.
Brighton, une ville rythmée par la musique
Brighton est une place de choix pour ses salles de concerts. C’est au Dome que s’est tenu l’Eurovision 1974, concours remporté par un petit quatuor suédois nommé ABBA. Concorde2 est également un lieu qui a vu éclore bon nombre de groupes. Et si la ville a des allures de festival toute l’année, The Great Escape la transforme en véritable fourmilière en mai. Des centaines d’artistes se produisent un peu partout dans la cité et des milliers de fans s’agitent.
En outre, on ne compte plus le nombre de grands noms qui, attirés par la beauté de la ville et sa qualité de vie, ont posé leurs valises à Brighton. L’Australien Nick Cave y vit depuis plus de vingt ans et ses deux fils y ont grandi. Autre « étranger » devenu symbole de la ville : Fatboy Slim. Né à Londres, il a joué dans le groupe de rock Housemartins à Hull avant de débarquer dans le Sussex et y entamer sa carrière dans l’électro. La ville l’a très vite adopté : son label Skint a figuré sur les maillots du club de foot local (Brighton & Hove Albion) de 1999 à 2008 et c’est le premier artiste à s’être produit dans la nouvelle enceinte des valeureux Seagulls, l’AMEX stadium. Fervent supporter du club, il est actionnaire minoritaire des pensionnaires de Premier League.
Dans les années 2000, Brighton connaît l’éclosion d’une ribambelle d’artistes. Les Kooks représentent fièrement la ville au Royaume-Uni et à l’international, en boxant dans une catégorie similaire aux Strokes et autres Arctic Monkeys. Groupe fétiche des adolescents fans de rock, ils cartonnent en 2006 avec leur album Inside In / Inside Out, où figure le tube Naive, incontournable dans une playlist de soirée rock.
Dans un registre plus heavy, le duo Blood Red Shoes se fait très vite un nom chez les férus de rock indépendant. Influencés par le grunge et le stoner, leur musique est irrésistiblement sulfureuse. Leur premier album, Box of Secrets, avec son single It’s Getting Boring by the Sea, connaît un certain succès au Royaume-Uni. Cinq albums d’excellente facture paraissent ensuite. Le dernier en date est Ghosts on Tape, sorti début 2022. À noter que le batteur est un gros francophile et sans doute l’une des personnes les plus enthousiastes que j’ai été amené à rencontrer.
Certes, il est né dans le comté du Devon, mais c’est à Brighton que Joseph Mount, tête pensante de Metronomy, a pris son envol. Il y fit ses études et anima de nombreuses soirées en tant que DJ. Sept albums plus tard – sortie de Small World en 2022 –, le projet musical de Mount est devenu une référence en termes d’électro indé. Plus de dix après la sortie de The English Riviera, l’écoute du sublime The Look et ses accords au claviers donnent toujours des frissons.
Ils avaient côtoyé Mount à la fac de Brighton. Dur de ne pas parler de la ville sans évoquer les Maccabees. Ces derniers ont ravi tout amateur de rock exotique avec quatre très bons albums. Pelican, qui figure sur Given to the Wild, squatte régulièrement mes playlists depuis une petite décennie. Malheureusement, le groupe a pris la décision de se séparer en 2016, décision qui me fit bien de la peine…
Puisqu’on parle de groupes séparés, petit aparté sur les Pipettes, et sur leur premier album We Are The Pipettes, petit instant de pop Spectorienne très loin d’être désagréable. Le groupe eut un petit succès au Royaume-Uni à la sortie de ce disque en 2006, mais a eu un peu de mal à s’exporter. Après un deuxième opus poussif, la formation a mis fin à huit années d’histoire en 2011.
Les porte-drapeaux de Brighton aujourd’hui
Les années 2000 ont été fructueuses en termes de musique pour Brighton, et la décennie suivante emboîte fièrement le pas. On commence par l’incontournable duo Royal Blood, qui a fait un carton d’entrée de jeu avec Figure It Out, sur leur premier album simplement baptisé Royal Blood. Suivent deux disques, pour un succès inchangé. Fiers représentants de la ville, ils ont parfois arboré le logo du club de football sur leur batterie.
Ils ont mis un peu plus de temps à s’imposer, mais leur deuxième album Written & Directed a flirté avec les sommets des charts britanniques. Il est temps de parler de mes petits chouchous : Black Honey, emmenés par la charismatique Izzy B. Philipps. La formation fait également partie des nouveaux groupes emblématiques de Brighton. Très inspirés par l’univers de Tarantino (gros clin d’œil avec le titre de leur second opus), ils ont sorti une bonne floppée de singles (dont le poignant Spinning Wheel) avant de dévoiler un premier album étonnamment pop, mais très qualitatif : Black Honey. Deux ans plus tard, Written & Directed sonne comme un retour aux sources plus rock, avec des Beaches et Run For Cover bien vitaminés ainsi que ce petit bonbon qu’est Back of the Bar.
On peut maintenant remercier l’université de Brighton, qui a permis la rencontre des trois musiciennes de Dream Wife ! Le trio 100% féminin nous propose un punk rock abrasif aux paroles engagées. Après un premier album Dream Wife (on aime les albums éponymes à Brighton), elles nous ont offert un So When You Gonna d’excellente facture. Amateurs de concerts fougueux, n’hésitez pas à débourser quelques euros pour les voir lorsqu’elles passeront près de chez vous !
Ils sont complètement barrés, et c’est pour ça qu’on les aime : ladies and gentlemen, Squid ! Ce groupe est composé de musiciens touche à tout, et nous offre un post-punk bien relevé, agrémenté d’une… trompette ! La critique salue d’une seule voix le premier album Bright Green Field (non, celui-ci ne s’appelle pas Squid !), sorti en 2021. La suite est très prometteuse : Brighton a peut-être trouvé ses nouveaux grands ambassadeurs à l’étranger.
Dans un registre plus pop, de grandes attentes résident dans le groupe Fur. Très inspirés par les sixties, ils ont depuis quelques années sorti des petites pépites bourrées d’efficacité. Composé entièrement pendant le confinement du printemps 2020, l’EP Facing Home Mixtape est un véritable sans faute. Leur premier album, tant attendu, When You Walk Away, sort en novembre 2021, et transforme brillamment l’essai. On parle déjà beaucoup d’eux dans les rues de la ville côtière, et même au-delà !
On passe maintenant à la soul et c’est l’une des grandes révélations de ces dernières années. Certes, Celeste est née aux States, mais c’est dans le petit village de Saltdean, aux encablures de Brighton, qu’elle a grandi et commencé à faire ses preuves. Le titre Stop This Flame a agité tous les radars en 2020 et l’album très attendu Not Your Muse l’a propulsée en tête des charts britanniques. Avant cela, elle avait sorti une compilation de singles, nommée… Celeste. Je ne pouvais pas ne pas en parler !
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