Fishbach, tel est le nom de cet ovni électro-pop apparu en 2017, avec son album A ta merci qui nous ramenait dans les années 80. Comme Eddy De Pretto, Clara Luciani et Juliette Armanet, elle s’apprête à sortir son deuxième album, tant attendu. Retour sur l’une des artistes les plus intrigantes et douées de sa génération.
De Charleville-Mézières à Vernon Subutex
Fishbach. On croirait ce nom de scène tout droit sorti de l’imagination de la demoiselle. Mais non, ce n’est pas un pseudo. Flora a seulement enlevé le c du nom de famille de sa mère, Fischbach, un nom dont elle est fière comme elle est fière de cette région où elle a grandi, les Ardennes et particulièrement la ville de Charleville-Mézières.
Fischbach signifie en allemand, ruisseau aux poissons. Le ruisseau de cette artiste est riche, riche de multiples influences : la musique qu’écoutaient ses parents, la musique de personnalités qui ont marqué au fer rouge Flora comme Patti Smith dont elle partage indiscutablement cette aura sur scène, cette même liberté et cette impression d’être hors du temps.
Tel un poisson, frétillant dans l’eau, Fishbach remonte le temps, allant à contre-courant de son époque, en faisant une musique que ses parents auraient pu écouter dans les années 80, 90. Aller à contre-courant de son époque, vous allez me dire, ce n’est pas être has been ? NON. Car bien que marqué par les sonorités des années 80, l’art de Fishbach, coulé dans la personnalité de cette demoiselle, ne sonne pas creux, vieillot aux oreilles de notre époque, bien au contraire.
Pas étonnant que Fishbach ait vite attiré l’attention de la profession, des médias. Festival des Inrocks, Printemps de Bourges, Transmusicales de Rennes, c’est sur ces scènes que Fishbach a explosé bien avant d’avoir enregistré le moindre album. La suite, ce sont un EP puis A ta merci, couverts d’éloges par la presse et remportant assez vite un succès auprès d’un public, fasciné par cette femme quelque peu mystérieuse. Elle fut nommée aux Victoires de la musique comme révélation scène.
Fishbach, c’est le côté obscur de Flora. C’est un art forgé pendant l’adolescence par l’ennui, cette impression du temps qui s’arrête dans cette ville qu’elle chérit tant, Charleville Mézières. C’est dans la brume des Ardennes que l’art de Fishbach est né, s’est nourrit d’une certaine errance où l’on croise le bien et le mal.
Maniant la noirceur, Flora colore ses chansons romantiques de tristesse. J’utilise le verbe colorer à bon escient car telle une chamane, Fishbach vous kidnappe en quelque sorte tant sa voix, son interprétation, notamment sur scène, intriguent, vous saisissent. C’est ce que certains appellent le charisme. Fishbach n’en manque absolument pas. Cela lui permet d’aborder des thèmes comme la mort sans que cela vous plonge dans une profonde noirceur malsaine.
Il n’est pas surprenant qu’elle ait sauté le pas vers le métier d’actrice. Elle a été vu dans le rôle d’Anaïs dans la série, adaptée des romans de Virginie Despentes, Vernon Subutex. Aux côtés de Romain Duris ou Céline Sallette, sa performance a été grandement remarquée. Peut-être partage-t-elle avec Virginie Despentes cette insolence rock’n’roll de la série ?
Avec les yeux, le deuxième album tant attendu
Le 25 février 2022 sortira le deuxième album, tant attendu, de Fishbach. On y retrouve bien sûr cette voix rauque, à la fois femme et homme, toujours envoûtante, enveloppée de mystères et une voix allant plus dans les aigus. Ce qui n’a pas changé, c’est cette femme aux multiples facettes, aux multiples visages, une femme que l’on ne peut pas enfermer dans un moule, un cadre bien défini.
La fiche de presse de l’album dit « en elle, une adolescente rock et déchirée, une femme fatale et une prêtresse rétro-futuriste« . Toujours cet électron libre que l’on ne peut saisir, Fishbach ne s’est pas débarrassée de cet esprit rebelle, un esprit pas rebelle pour être rebelle mais un esprit guidé par l’intuition, l’instinct, par l’envie de proposer quelque chose d’unique. Elle qui se voit comme une sorcière du réel, aime extraire l’extraordinaire du réel, adore le fantastique. Pourtant, le réel est aussi prégnant comme sur le premier titre (Dans un fou rire), magnifique introduction de cet album et sublime manière de découvrir combien Flora a le talent de dépeindre notre époque, notamment la notion de liberté. On peut passer allègrement d’une ballade acoustique (Quitter la ville) à une charge électrique (La foudre).
« Chacun des clips qui accompagne mon prochain album mettra en lumière les facettes d’une femme. Je n’ai pas l’impression d’être contradictoire en m’accordant le droit d’être à la fois déterminée et sensuelle, d’explorer une voix plus douce puis de chanter avec un timbre écorché en écartant ma cage thoracique. Je suis multiple. Chaque femme doit pouvoir avoir le droit d’être multiple, de s’habiller comme elle veut, de s’exprimer dans sa totalité« , expliquait-elle dans Madame Le Figaro en novembre dernier.
Bref, vous l’aurez compris. Nous sommes encore sous le charme de Fishbach. A la fois loup-garou, panthère ou douce brebis, Fishbach offre un album troublant, intense, magnétique entre douceur et fulgurance. Avec les yeux (comme A ta merci) évite toutes les carcans du formatage et c’est ce que le rend unique et à écouter de toute urgence. Vous ne connaissez pas encore Fishbach. C’est le moment de vous rattraper. Rendez-vous le 25 février 2022 dans votre magasin préféré. Je compte sur vous.
Le portrait chinois de Fishbach
Si vous étiez un animal, quel serait-il ?
La chouette hulotte
Si vous étiez une fleur, quelle serait-elle ?
Le chardon
Si vous étiez un arbre, quel serait-il ?
Un Saule pleureur
Si vous étiez une saison, quelle serait-elle ?
Le printemps
Si vous étiez un paysage, quel serait-il ?
Une rivière embrumée
Si vous étiez une devise (dicton), quelle serait-elle ?
C’est la brebis qui s’égare à laquelle on tient le plus
Si vous étiez un adjectif, quel serait-il ?
Pugnace
Si vous étiez une couleur, quelle serait-elle ?
Le Vert
Si vous étiez une émotion, quelle serait-elle ?
L’indécision
Si vous étiez une odeur, quelle serait-elle ?
L’odeur du papier
Si vous étiez un hashtag, quel serait-il ?
Hashtag Dropyourphone
Si vous étiez une personnalité artistique (autre que vous bien sûr), quelle serait-elle ?
Victor Hugo
Si vous étiez une personnalité historique, quelle serait-elle ?
Le bon roi dagobert 😉
Je tenais à remercier :
Joffrey et Farid de Sonymusic pour leur écoute et attention au long court
Fanny, management de Fischbach
Et bien sûr Fishbach (Flora) d’avoir accepté de répondre à ce portrait chinois (je suis extrêmement touchée et fière).