Rendez-vous régulier pour plonger dans les eaux plus ou moins limpides, remuantes des musiques populaires. Pas de ségrégation musicale ici, l’idée étant d’aborder des genres et des artistes apparentés au rock, au blues, au jazz, à la soul, au funk, aux musiques du monde et à la scène française, bien évidemment ! Actualité oblige, l’épisode #2 nous embarque sur le continent africain avec deux générations de « Touré » : Ali Farka Touré & Samba Touré.
Ali Farka Toure : le « patron » !
S’il ne fallait avoir qu’un seul disque de musique africaine dans sa discothèque, et la tâche serait ardue je ne vous le fait pas dire, il y a de grande chance pour que le nom d’Ali Farka Touré arrive en pole position. Guitariste et chanteur originaire de Niafunké au Mali, une ville de 20 000 âmes au bord du fleuve Niger rattachée à la région de Timbuktu que le souffle du Sahel balaye.
Cette précision géographique pourrait paraitre fortuite mais elle a son importance dans la musique que joue Ali Farka Touré et plus largement ses descendants, ses apprentis et disciples. Au même titre que le berceau du blues américain se situe dans les coins reculés de l’état du Mississippi, ce blues malien comme on le surnomme ici en occident (et qui est probablement la véritable origine du blues américain) est né dans une région agricole, climatiquement rude et pauvre en infrastructures. Un contexte qui explique peut-être l’élaboration de cette musique directe, sans arrangements complexes, ni paillettes, sans artifices…La musique d’Ali Farka Touré c’est de la matière brute, originale et sans filtres. La réédition vinyle toute fraiche de l’album RED, l’un de ses 1er enregistrements à sortir du pays (en 1984) en est la parfaite illustration.
Plan de carrière
Après une carrière musicale démarrée timidement et localement dans les années 70, c’est durant la décennie suivante qu’Ali Farka Touré bénéficiera d’une aura internationale et influencera petit à petit un nombre croissant de musiciens, qu’ils soient maliens, guitaristes tendance blues ou fans de John Lee Hooker, le célèbre bluesman auquel on le compare régulièrement.
Puis viendrons une longue série d’albums et de collaborations (Ry Cooder, Toumani Diabate…) pour le compte du label World Circuit (Buena Vista Social Club c’est eux). Des albums récompensés par des Grammy’s et aujourd’hui enfin édités dans des versions vinyles classieuses qu’aurait surement apprécié l’intéressé disparu en 2006.
De cette légende africaine, qui malgré le succès et les opportunités qui s’offraient à lui n’a jamais eu le souhait de s’installer autre part que dans sa ville de Niafunke, au Mali, un journaliste musical français avait dit un jour après l’avoir interviewé : Quand j’ai serré la main d’Ali Farka Touré, c’est tout un continent qui s’est ouvert à moi. Cette phrase est représentative du savoir, de la simplicité, du nécessaire besoin de partage et de transmission de ce musicien autodidacte. Et puisqu’on en parle…Il est temps de retourner le disque et de passer à la face B.
Samba Touré : Le « fiston »!
On causait apprentissage et disciples quelques lignes plus haut, en voilà un qui ne s’en est jamais caché. En 2006 son 1er album s’intitulait d’ailleurs sobrement : Hommage à Ali Farka Touré. Tout est dit, ou presque.
Comme son probable lointain parent (même patronyme, mais pas de lien très direct avec Ali Farka semble-t-il), Samba Touré est originaire de cette ethnie Songhaï qu’on retrouve dans la région de Timbuktu. Aujourd’hui sous le joug de dangereux illuminés, cette terre rurale, fertile en musiciens, riche d’une pluralité culturelle stupéfiante voit ses enfants s’enfuir pour tenter de (sur)vivre. Dans la capitale Bamako, voir beaucoup plus loin, au-delà des mers et du continent comme l’actualité nous le rappelle souvent de manière brutale.
Samba Touré lui aussi dans cette vie d’artiste pas toujours évidente à du rejoindre la grande ville pour trouver du travail et soutenir financièrement les siens. Mais il reste attaché à sa région d’origine, à ses terres, à son village, comme il le démontre dans son tout nouvel album qu’il titre Binga, le nom de sa ville natale. Des racines auxquelles il semble attaché et un petit coin de terre dans cet immense pays dont il revendique la filiation dans des chansons réalistes sur la situation économique, éducative, politique, sociale du pays. Des chansons qui savent aussi se faire porteuses d’espoir, non, tout n’est pas fichu !
Le parallèle avec son aïeul se pose inévitablement quand on écoute la musique de Samba Touré. Guitares tournoyantes, voix enveloppantes et percussions sommaires rythment les titres de cet excellent opus, le 7ème à ce jour en une vingtaine d’années et le 4ème pour le label Glitterbeat qui décidément, s’impose comme l’une des meilleures maisons de disques world du moment (Altïn Gun, Bixiga 70, Sonido Gallo Negro, Orkesta Mendoza, Tamikrest et bien d’autres).
Face A/ Face B c’est terminé…Jusqu’au prochain rendez-vous !