Ce 22 février, en pleine après-midi, la chaîne YouTube du duo le plus emblématique de la french touch publiait dans la surprise générale une vidéo nommée « épilogue ». Si le cœur des fans a pu vibrer pendant un court instant, croyant à une annonce d’album, le nom de la vidéo, assez équivoque, a eu vite fait de nous faire déchanter : Daft Punk, c’est fini.
Le duo phare des nuits parisiennes, et pionnier de la french touch.
C’est en 1993 que se forme le duo de parisiens composé de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo. Les deux se sont rencontrés dans un collège du 17e arrondissement de Paris, d’abord en formant un groupe de rock, puis, après avoir découvert la House et l’Electro, alors à leurs balbutiements, décident de former le duo Daft Punk. Le duo prend ses marques sur la fin des années 1990, avec des titres comme Burnin’, Da Funk, et Around The World. Leur premier album, Homework, sorti en 1997, sera déjà un petit carton, avec deux millions de ventes en 2 mois. Avec leur look de robots futuristes et leurs clips énigmatiques, les Daft Punk intriguent : pas d’interview, pas d’apparition en public, des visages masqués par des casques robotiques… C’est à peine si on connait leurs vrais noms. La légende Daft Punk est née, et elle attire l’attention à l’international.
Une expression naît alors pendant les années 1990 : La French Touch. L’apppelation voit le jour lorsque les fêtards anglais, qui sont privés de rave party par la sévère première ministre Margaret Thatchter, viennent faire la fête de l’autre côté de la Manche. Les DJ de ces soirées sont naturellement français, et ce public britannique sera alors la porte d’entrée vers la globalisation de leur musique, et l’exportation du savoir-faire à la française. A travers cette expression de French Touch, il faut voir un pôle d’influence de la musique électronique et house, qui puise ses inspirations dans la funk et le disco. Il faut d’ailleurs noter que la quasi-intégralité des chansons que sort le duo est alors une distorsion de samples utilisés dans des chansons souvent obscures des années 60, 70 et 80. Avec Daft Punk en chef de file, c’est toute une génération d’artistes qui en sont issues : on citera Justice, Kavinsky, Quentin Dupieux (sous le pseudo Mr. Oizo), Bob Sinclar…
L’affirmation du style Daft Punk : humains, mais pas trop.
Avec leur prochain album Discovery, sorti en 2001, c’est la consécration : les Daft Punk sont au sommet de la scène électro, et leur première tournée en 1997 a prouvé que des DJ peuvent aussi remplir des salles immenses sans avoir leurs voix directement posées sur les chansons. Cependant, ce second album divise : les fans les plus orientés électro le trouvent trop rétro et disco, et le gimmick des voix transformées en lasse d’autres. Pourtant le succès est une nouvelle fois au rendez-vous, avec les très emblématiques titres One More Time, ou bien Harder, Better, Faster, Stronger, et des titres plus doux et intimes comme Something About Us, ou Digital Love. L’album sera mis en image en 2003 par un film animé réalisé par Leiji Matsumoto, Interstella 5555, très touchant et sans dialogue, utilisant chaque piste de l’album avec une parfaite minutie.
Ils poursuivent leur ascension avec leur troisième album, Human After All en 2005, dans laquelle les robots revendiquent leur humanité, en y sous-entendant la déshumanisation de la société, avec des titres plus sombres tels que Technologic, Steam Machine, ou The Prime Time of Your Life. Au sommet de leur gloire, les Daft Punk font une tournée mondiale qui fait sensation, Alive 2007, qui sera déjà leur dernière. Les projets se multiplient : ils sortent un long métrage à l’occasion du festival de Cannes de 2006, Daft Punk’s Electroma, un film onirique qui raconte la quête d’humanité des deux robots.
Avec ces deux albums, Daft Punk affirme son univers, et son concept : deux robots venus de l’espace, cherchent dans la musique une humanité qui leur fait défaut. Chaque piste est soignée, les samples viennent de très loin et sont triturés, complexifiés, afin de créer un son novateur et très reconnaissable, le tout aidé par une voix hyper modifiée. Du Daft Punk, quoi.
Random Access Memories : le duo au sommet de son art.
Après avoir signé en 2010 l’envoutante bande-son du film Tron : L’Héritage, Daft Punk retourne en studio et sort en 2013 leur dernier album, Random Access Memories. Ils remportent avec cet album 5 Grammy Awards, et celui-ci est unanimement acclamé par la critique et les fans. Daft Punk a osé renouveler un style pourtant adoré, passant d’une électro décomplexée à un son plus mélodieux, plus symphonique, enregistré pour la première fois en studio, et tout en gardant une influence revendiquée dans le disco et funk. Les robots ont compris la musique, maintenant, ils la créent, libérés de tout carcan. Ils sont enfin humains. Random Acess Memories sera leur chef-d’œuvre, et fait le plein de hits. On pourra citer leur carton complet en featuring avec Pharrell Williams sur Get Lucky, mais aussi leur collaboration avec la légende Giorgio Moroder sur la piste de plus de 9 minutes Giorgio by Moroder, et Touch, avec la voix de Paul Williams qui sont unanimement acclamés, mais l’album est un hit d’1h14 à lui tout-seul.
De nombreuses rumeurs d’une tournée s’en suivront (cela aurait été logique en 2017, après les tournées Alive en 1997 et 2007) puis des rumeurs d’un nouvel album surprise, mais le duo parisien gardera les platines au placard et se consacrera à la production avec d’autres artistes et d’autres collaborations, comme avec The Weeknd sur les chansons Starboy et I feel it Coming. Et ce, jusqu’à l’annonce fatidique de leur séparation, début 2021. Ils laissent derrière eux des millions de fans orphelins qui vont continuer à rêver de voir se reposer sur terre un jour le vaisseau des deux robots. En attendant, ils nous laissent un héritage très complet : plus d’une centaine de chansons, des dizaines de collaborations, 2 films, et surtout le fait d’avoir révolutionné l’approche de la célébrité, en conservant leur anonymat, réinventant la communication des artistes, ainsi que la performance scénique, à travers la création de personnages et d’un univers qui les auront accompagnés pendant ces 30 années de collaboration. Merci, et surtout, bravo Daft Punk.