De son vrai nom Ewart Beckford, U-Roy, décédé ce 18 février à 77 ans, a marqué à tout jamais le reggae, en étant un précurseur du style deejay, qui devait inspirer la naissance du dancehall et surtout du rap. Sa place dans l’histoire des musiques jamaïcaines lui avait valu le surnom de « The Originator » (l’inventeur) et de « Daddy » (le père).
Un toast à la mémoire de U-Roy
En Jamaïque, dès les années 1960, la tradition des sound-system permet à un nouveau genre d’interprète de s’imposer : les deejays (ou « DJ »). Ils ont pour tâche d’enchaîner les disques, en les annonçant au micro, comme des animateurs radio. Avec leur gouaille, ils invitent à la danse tout en présentant les artistes diffusés. Au sein du sound-system de Doctor Dickies, le jeune U-Roy fait ses armes entre deux titres de ska ou de jazz, avant de travailler pour d’autres scènes de Kingston.
A la fin de la décennie, King Tubby invente le dub. Il s’agit d’une version ralentie du reggae, dans laquelle des standards du genre sont remixés sans la partie vocale. U-Roy, DJ de son état, connu pour sa verve, a alors l’idée de partir de ces pistes instrumentales et de « parler » (ou plutôt de scander) tout au long du morceau, en soignant ses paroles. Il fait naître alors, avec ses singles Wear You to the Ball ou Drive Her Home, un nouveau courant, qu’on appelle le style deejay ou « toasting », et qui précède d’une dizaine d’années le rap, basé à peu près sur le même principe.
U-Roy, pionnier jamais oublié
Selon la légende, U-Roy a un soir vécu une coupure d’électricité alors qu’il se trouvait au micro, derrière les platines. Le garçon avait alors animé la soirée à la seule force de sa voix… Son style scénique, plein de fougue, a fait la joie du public de nombreux festivals, en Europe, ces dernières décennies.
Il faut dire qu’avec pléthore de hits n°1 en Jamaïque dans les années 1970, des suiveurs talentueux qui ont prolongé le style deejay (comme I-Roy, ou Big Youth), U-Roy a été une véritable star, et ce avant même l’essor international de Bob Marley. Tout comme les productions dub, les versions composées de riddims sur lesquels tostaient un DJ sont devenues monnaie courante en Jamaïque grâce à cet artiste. Le principe a été poussé à son paroxysme avec l’éclosion du dancehall dans les eighties.
Moins présent sur disque depuis les années 1980, U-Roy avait participé récemment à Françafrique de Tiken Jah Fakoly et enregistré un excellent disque en 2012, Pray Fi Di People. Outre ses inventions musicales, il restera dans l’histoire pour sa manière frontale de parler du rastafarisme, dont il était l’un des ambassadeurs les plus importants dans les années 1970.