Parmi les nombreux sous-genres qui ont émaillé l’histoire des musiques extrêmes, le metalcore, genre récent né de la fusion du punk hardcore et du heavy metal, continue d’attirer un public nombreux. Bring Me The Horizon, avatar anglais de cette scène plutôt américaine, publie ce 22 janvier un nouvel E.P., dans lequel il revisite le genre et l’emmène plus loin. Décryptage.
Le metalcore : un genre à part du punk et du metal
Les musiques extrêmes, dérivées du punk ou du hard rock, posent souvent des casse-têtes aux journalistes quand il faut apposer des étiquettes. Les différents degrés de violence ou de distorsion, l’usage de chant clair ou de vocalises gutturales, les tempos des groupes, ont construit une classification extrêmement précise que les amateurs connaissent bien. Entre death, doom, black et speed metal, entre punk hardcore, emocore, screamo, les auditeurs arrivent à trancher au moment de choisir leur disque.
Apparu à la fin des années 1980, le metalcore a ceci de particulier qu’il combine des éléments du metal, en particulier l’utilisation de double grosse caisse et de chants gutturaux, avec la sophistication rythmique du hardcore et nombre de ses thèmes. Plus précisément, le metalcore semble moins linéraire que le metal traditionnel, grâce à de nombreux « breaks », qui viennent changer la cadence des morceaux.
Le metalcore a plutôt émergé chez les groupes hardcore inspirés par le metal qu’au sein de la scène metal elle-même. Raison pour laquelle un aspect politique et revendicateur se retrouve davantage dans ce sous-genre que dans d’autres chapelles, tout du moins à ses débuts.
Les eighties avaient déjà proposé un mélange de cet acabit, le crossover thrash, avec des groupes comme Suicidal Tendencies ou Corrosion of Conformity. Tout s’accélère au début de la décennie suivante, avec des premiers artisans du metalcore, tels Earth Crisis, Hatebreed (qui vient de publier son huitième album Weight of the False Self), Converge ou Integrity. L’inspiration de ces groupes provient notamment du Death Metal, plus violent encore que le thrash metal, dont les traits esthétiques, en particulier le chant guttural, contaminent de nombreuses formations.
Le metalcore mélodique conquiert le monde
C’est véritablement au début des années 2000 que le metalcore s’inscrit commercialement dans l’inconscient collectif des musiques extrêmes, avec une nouvelle génération composée de Coalesce, Death by Stereo, Cave In ou Shai Hulud, aux côtés de la New Wave of American Heavy Metal, étiquette qui englobe des groupes mêlant eux aussi des inspirations venant de différents courants. Le troisième millénaire voit le metalcore devenir plus « mélodieux », et entrer dans les charts. Killswitch Engage ou As I Lay Dying, sans oublier All that Remains, cartonnent aux Etats-Unis. La technicité des guitares, dans la lignée du metal scandinave notamment, s’y confronte avec des chants entrecoupant lignes claires et passages plus violent, pour une expérience musicale inédite, qui s’étend au-delà de l’Amérique, berceau du genre.
Bullet for my Valentine, originaire de Grande-Bretagne, connaît un succès marquant à la fin des années 2000, avec une véritable patte metalcore, faite de refrains hurlé et de breaks franchement hardcore, tout en valorisant, au début de leur discographie, un jeu de guitare heavy proche des harmonies d’Iron Maiden. Leur son va peu à peu s’infléchir vers une musique plus électronique, à l’exemple d’un autre pilier du metalcore british, Bring Me The Horizon.
Bring Me The Horizon, le metalcore et au-delà
Peu d’aficionados de metalcore, en 2021, associent le groupe Bring Me The Horizon à la scène metalcore, qui englobe aujourd’hui des groupes aussi différents qu’A Day to Remember (tendance screamo), Underoath (proche de l’emo) ou Falling in Reverse (et ses couplets presque rappés) et a vu émerger des jeunes ténors plus traditionnalistes comme Asking Alexandria, August Burns Red, ou The Devil Wears Prada.. La formation britannique joue en effet avec les codes des genres en cherchant toujours à contrer les attentes de ceux qui aiment à coller des étiquettes.
Leur premier album, Count your Blessings, par sa technicité, son chant particulièrement acide (et aigu), apparaissait comme une petite révolution, avec ses refrains hardcore entourés de couplets death metal. Mais très vite, déjà, le groupe ne s’embarrassait pas de la répétition de formules, comme l’atteste Suicide Season, un deuxième opus nettement plus expérimental, où la formation incorporait break electro (ils iront jusqu’à faire réaliser des remixes dubstep de leurs morceaux), des éléments orchestraux et un ensemble de codes différents des habitudes metalcore.
Avec Sempiternal ou leur EP Post Human : Survival Horror enregistré en confinement et sorti ce 22 janvier, la formation emmenée par Oliver Sykes et le batteur Matt Nicholls a inventé son propre style. Une originalité qui les détourne peut-être de leur public originel, mais qui leur fait gagner une certaine notoriété auprès des connaisseurs de nu-métal ou de rock au sens large. Ils ont même invité des artistes très différents sur leur disque de 2021, comme les J-Rockers de Babymetal ou les gravures de mode indé de YUNGBLUD.
Nos Anglais apparaissent aujourd’hui comme l’un des groupes les plus innovants de la deuxième génération du metalcore, et ne cessent de renouveler leur son, pour le plus grand bonheur des amateurs de musique énervée mais jamais sclérosée.