Elle était une chanteuse populaire et féministe, et une poète engagée. Les textes et mélodies d’Anne Sylvestre touchaient petits et grands en plein cœur. L’artiste vient de nous quitter ce 30 novembre à l’âge de 86 ans, après plus d’une soixantaine d’années d’une carrière enchanteresse.
Une reconnaissance artistique rapide
C’est parfois la honte qui peut vous pousser à embrasser une carrière artistique. Anne Sylvestre ne dirait pas le contraire, elle qui s’est lancée dans la chanson en opposition à son père dont le passé collaborationniste la révulse. Nous sommes dans les années 1950 et la jeune femme n’a qu’une vingtaine d’années quand elle commence à présenter ses textes poétiques et ses musiques acoustiques dans divers cabarets parisiens. Remarquée dans ces tours de chant, elle commence à être invitée à la radio.
Elle sort ensuite ses premiers disques, dont le titre Mon mari est parti en 1959, qui lui permet d’accéder à la consécration. Elle reçoit pour la peine le prix de l’Académie de la chanson française l’année suivante et entame une tournée des salles de spectacles emblématiques tels Bobino et l’Olympia. Quatre Grand Prix internationaux du disque de l’Académie Charles-Cros plus tard, elle enchaîne les albums sans temps mort.
Elle en enregistrera plus d’une vingtaine jusqu’en 2013 et l’ultime Juste une femme. Parmi les plus célèbres, La Femme du vent en 1962 dont le titre éponyme évoque la supplication d’une fille-mère, Lazare et Cécile en 1965 portant notamment sur les amours interdites ou Les Pierres dans mon jardin en 1973 évoquant le temps jadis. Plus près de nous, Les Chemins du vent en 2003 ou Parenthèses en 2011 montrent une Anne Sylvestre qui s’inscrit dans l’actualité, avec des chansons sur la guerre en Irak ou les mariages interreligieux, sans perdre de son irrévérence.
Une chanteuse pour toute la famille
Si Anne Sylvestre touche un public large, c’est parce que ses chansons s’adressent à tout le monde, ne laissant pas les enfants de côté. Pour preuve, ses fameuses Fabulettes, chansons à la fois humoristiques et sérieuses pour plus petits, qu’elle crée en 1962 et qui ressortent en 1987, sans oublier le conte musical Lala et le cirque du vent qu’elle écrit et compose en 1993. Elle travaille aux côtés de Boby Lapointe, monte une comédie musicale au Bataclan en 1989 (La Ballade de Calamity Jane) et n’hésite pas à mettre en avant les artistes qui se réclament de son héritage artistique, en chantant avec eux, que ce soient Yves Jamait, Renan Luce, Aldebert ou Gauvain Sers.
Artiste engagée, autrice (dont l’essai Coquelicot. Et autres mots que j’aime) Anne Sylvestre profite de son statut d’artiste populaire plébiscitée par toutes les générations, pour interpréter des chansons aux thématiques fortes, comme le viol, les sans domiciles fixes, la guerre, le multiculturalisme ou l’homosexualité. Mais c’est surtout la cause féministe qui va occuper une bonne partie de son œuvre, entre humour et réalisme, avec des chansons poétiques telles que La Faute à Ève, La Vaisselle ou Une sorcière comme les autres en 1975, date du début de la deuxième vague du mouvement féministe dans le monde occidental. Une de ses chansons les plus reconnues et reprises à ce jour. Il faut dire que les textes ciselés et les musiques lancinantes d’Anne Sylvestre avaient tout de la magie…