Vous avez entendu parler d’une expression mais ne comprenez pas d’où elle vient ni ce qu’elle signifie ? Vous voulez maîtriser le lexique des séries télévisées pour devenir le maître de cérémonie des soirées TV entre amis ? Pas de souci, nous vous proposons dans chaque épisode le décryptage d’un mot de la culture télévisuelle passé à la postérité. Aujourd’hui, buvons à la santé des séries avec l’expression « binge-watching ».
Courir le marathon chez soi
Le binge-watching, aussi appelé binge-viewing ou marathon-viewing, est une pratique consistant à regarder de nombreux épisodes de séries télévisées à la suite, induisant un visionnage sur plusieurs heures. Littéralement, le binge-watching signifie « boulimie de visionnage », une expression calquée sur le terme de « binge-drinking », le fait d’enchaîner les boissons alcoolisées, souvent comme un gage lors d’une soirée. Statistiquement, il suffit de regarder 2 à 6 épisodes d’une série télévisée à la suite pour entrer dans les personnes concernées. Soit 61% des abonnés à Netflix.
Il n’est pas exagéré de dire que les services de streaming gratuits ou sur abonnement sont complètement responsables de ce phénomène, né avec Netflix vers 2012-2013. En effet, au lieu d’attendre la suite de sa série la semaine d’après à la télévision, ou de profiter de son coffret DVD onéreux, le spectateur a accès à tous les épisodes et toutes les saisons en cours d’un seul coup. La tentation de regarder d’une traite est d’autant plus grande que les services de streaming, pas seulement Netflix mais aussi OCS, Disney+ ou Amazon Prime, accrochent le spectateur avec un système de recommandation ciblé et proposent de lancer directement l’épisode suivant.
Mais le binge-watcher n’a pas un profil unique : binge-watcher une série peut prendre un jour, trois jours, une semaine… comme quoi cela n’uniformise pas les spectateurs pour autant. En revanche, il a été remarqué par Netflix que les habitudes de binge-watching sont prévisibles : les séries dans lesquelles l’histoire est reliée d’un épisode à l’autre se binge-watchent très vite, comme Breaking Bad ou Sons of Anarchy, tandis que les séries à feuilleton se binge-watchent plus lentement, comme The Big Bang Theory ou Malcolm. Et plus la tension, voire la peur, est forte, plus on est tenté d’aller à l’épisode suivant…
Le binge-watching, véritable problème de santé publique
Cependant, le potentiel néfaste du binge-watching pour la santé n’est pas à prendre à la légère. Si le binge-watching peut être défendu comme un nouveau moyen de se détendre devant l’écran, de profiter d’une expérience de visionnage augmentée et de rattraper rapidement une série dont tout le monde parle, c’est aussi une forme d’addiction dont les médecins reportent d’ores et déjà les effets négatifs : risque d’obésité, d’isolement, de dépression, d’altération de la capacité à se contrôler… autant de raisons qui poussent à croire que le binge-watching n’est pas une petite habitude si inoffensive. Comme les jeunes de 18 à 29 ans sont les principaux binge-watchers, on comprend mieux cette inquiétude.
Comme la consommation de masse, le binge-watching nous incite à regarder, regarder, regarder, et puis finalement consommer parfois sans réel plaisir de connaître la suite. De quoi engendrer des regrets d’avoir fini une série si vite, nous obligeant à nous rabattre sur une série similaire… et rebelote. Le sommeil est aussi victime de ce phénomène post-télévision : comme le formule ironiquement Reed Hastings, le cofondateur de Netflix, le sommeil est désormais le principal concurrent de Netflix. Et le pire, c’est que Netflix est en train de gagner cette bataille : 98% des binge-watchers connaissent des troubles du sommeil liés à leur pratique. Et quand on n’arrive pas à trouver le sommeil, quoi de mieux que de se regarder un petit épisode de plus… ou deux ?
Paradoxalement, les binge-watchers, qui sont la plus grande réussite des créateurs de plateformes streaming, sont aussi les spectateurs les moins sensibles à la publicité inter-épisode, puisqu’ils n’ont qu’une hâte, celle de retourner s’immerger dans leur fiction. C’est pourquoi, pour leur rendre la vie un peu plus dure, des publicitaires ont eu l’idée de caler des publicités au début des deux premiers épisodes de certaines séries, pour inciter le spectateur à aller jusqu’au troisième épisode, sans publicité.
Quelques idées pour vous créer une addiction
Si vous êtes du genre borné, vous pouvez toujours ignorer les mises en garde plus haut et vous ruiner les yeux dans la bonne humeur avec cette liste de séries hautement « bingeables » :
Battlestar Galactica, Breaking Bad, Broadchurch, Better Call Saul, Black Mirror, Buffy, Community, Game of Thrones, House of Cards, Lost, Mad Men, The Office, Orphan Black, Seinfeld, Les Soprano, Sur écoute, Twin Peaks, The X-Files…
Et puisqu’on en est là, laissez-moi vous présenter le sommum de l’auto-destruction : le « hate-watching ». Plutôt que de regarder sans modération des séries qui leur plaisent, les hate-watchers regardent des séries qu’ils trouvent sans intérêt, soit pour se moquer des ambitions ratées des showrunners, soit pour se moquer de gens qu’ils méprisent – souvent dans la téléréalité.