Du 26 au 30 août 1970, la petite île de Wight, dans la Manche, a accueilli les plus grandes stars du rock, le temps d’un festival équivalent à un Woodstock européen. Une dizaine d’artistes originellement présents devaient même s’y retrouver en septembre, afin de commémorer un événement fondateur.
La passe de trois
Woodstock ne fut pas le premier festival hippie au monde. En 1968, sur l’île de Wight, un contingent d’environ 10 000 beatnicks rejoint la première édition d’un show qui devait devenir plus important encore dans les années suivantes.
À la ferme Ford, ils assistent à des concerts de groupes déjà bien installés à l’époque, comme Jefferson Airplane, T.Rex (alors appelé Tyrannosaurus Rex), Fairport Convention ou les Pretty Things. Un an plus tard, quelques jours après Woodstock, le deuxième festival de l’île de Wight rassemble près de 150 000 personnes. Parmi les artistes, un certain Bob Dylan tient la tête d’affiche, et l’on croise John Lennon ou Ringo Starr dans l’assistance d’un événement qui allait prendre une plus grande ampleur l’année suivante.
L’édition 1970 de l’île de Wight : un best-of du rock en live
Jimi Hendrix, The Who, The Doors, Joe Cocker, Leonard Cohen, Joan Baez, Joni Mitchell, Miles Davis, Chicago, Ten Years After, Jethro Tull… Le line-up exceptionnel de l’édition 1970 du festival rassemble la crème du rock d’alors, et dame le pion à la programmation de Woodstock un an plus tôt. Une partie des artistes qui convergent vit une période particulière de son histoire. Pour les Doors, Jim Morrison ne sait pas s’il pourra rentrer aux États-Unis, à la suite d’une affaire de provocation lors d’un concert à Miami. Ce qui ne l’empêche pas de livrer un set mémorable.
Miles Davis, de son côté, présente au public britannique une musique franchement nouvelle, le jazz-rock. Près d’un demi-million de personnes vont ainsi voir le trompettiste et ses jeunes acolytes, Chick Corea, Keith Jarrett, Dave Holland, Jack DeJohnette, jouer des titres futuristes, aux sonorités très planantes. Autre génie sur place, Jimi Hendrix a vécu, sans le savoir, son grand concert, dix-huit jours avant sa mort accidentelle à Londres. Décalé à trois heures du matin, par une nuit froide, cet ultime passage sur scène reste un document historique pour tous les fans du maître de la guitare (à défaut d’être son meilleur live).
Un festival de référence
Après Woodstock et le Festival de l’île de Wight 1970, l’ère des grands festivals peace & love va s’achever, à mesure que le mouvement hippie lui-même perd ses figures tutélaires et que la musique évolue vers le rock progressif et le hard rock. Pour autant, l’idéal du rassemblement musical plus ou moins auto-géré et libre va faire florès. Trois futurs organisateurs d’événements gratuits sont ainsi présents sur l’île de Wight, et vont s’en inspirer pour créer des grands-messes du rock, dont les festivals de Windsor et de Stonehenge, et surtout celui de Glastonbury, aujourd’hui digne héritier, en matière de programmation, des festivals des sixties-seventies.
Le Festival de l’île de Wight lui-même a connu une seconde naissance en 2002. Une édition par an fait revivre à la petite province insulaire anglaise le rêve brisé des hippies. Pour 2020, outre l’édition annuelle prévue en juin et annulée suite au Covid-19, un vrai concert hommage, Experience 1970, était inscrit dans les tablettes. Il devait accueillir des tribute bands de Jimi Hendrix, des Doors, des Who et de Supertramp, ainsi que des groupes originellement présents, dont Ten Years After et Pentangle. S’il ne devrait sans doute pas survivre à l’épidémie d’annulations que connaît la musique actuellement, ce projet symbolise l’aura continue du classic rock et l’héritage bien présent des festivals rock cinquante ans après leur avènement !
