Slipknot, pionnier du metal contemporain, n’a jamais rien fait comme les autres, son plus grand atout dans un milieu parfois très normé. Cet automne, les membres du groupe prouveront à nouveau leur envie inépuisable de faire vivre leur musique avec un nouvel album intitulé The End, So Far. Pour comprendre l’importance des trublions de l’Iowa, retour sur les détours d’un genre méconnu mais riche et passionnant.
Les fondations de la baston
Tout d’abord, un peu de terminologie. La musique que l’on nomme « metal » est souvent un terme générique qui regroupe le « heavy metal » et le « hard rock ». Il s’agit d’un rock basé sur des riffs imposants et des rythmiques plus lourdes et agressives que le rock traditionnel. Le terme « heavy metal » est utilisé la première fois pour désigner la musique de Jimi Hendrix. Il suffit d’écouter une chanson comme Machine Gun où le virtuose américain reproduit avec sa guitare le son d’une mitrailleuse pour comprendre que le terme n’est pas exagéré. Une fois ces bases établies, impossible de passer outre les trois groupes qui ont donné naissance au metal, à travers trois albums incontournables. Tous sortis en 1970, III de Led Zeppelin, Black Sabbath de Black Sabbath et In Rock de Deep Purple ont défini les codes du metal.
La théâtralité est un aspect essentiel, parfaitement incarnée par des leaders au charisme incroyable comme Robert Plant, chanteur de Led Zeppelin. C’est aussi lui qui a initié les hurlements qui dominent aujourd’hui dans le genre, bien qu’on soit à l’époque encore loin des borborygmes qui ponctuent de nos jours tous les sous-genres du metal. L’occulte, le surnaturel, le monde de l’horreur jouent un grand rôle au niveau des textes et de l’identité visuelle des groupes. Pour finir, le riff est le joyau de la couronne, l’incontournable ingrédient ! Basé sur des « power chords », des accords rudimentaires mais diablement efficaces (et puissants), ils soulignent la volonté du metal de faire tout trembler sur son passage.
Un genre à part entière
Pendant les années 1980, le heavy metal va fortifier ses bases et s’ouvrir au grand public, c’est la décennie de tous les excès. Il est généralement reconnu que Judas Priest, mythique formation anglaise, a achevé de définir le metal à travers ses trois premiers albums. Le Royaume-Uni va d’ailleurs être un véritable moteur dans la progression du genre notamment grâce à la New Wave Of British Heavy Metal (NWOBHM). Ce mouvement du début des années 1980 fait éclore des groupes aussi essentiels que Motörhead, Def Leppard et Iron Maiden. Aux États-Unis, le Glam Metal (ou Hairspray Metal, en référence aux chevelures des messieurs) se forge un public de passionnés grâce à des groupes à la réputation sulfureuse comme les ingérables Mötley Crüe. Avec la montée en puissance des radios se développe alors le Hard FM, hard rock mélodieux et simple, véritable blockbuster du genre : Bon Jovi et Europe (It’s the The Final Countdown !) incarnent parfaitement cette tendance.
Les mille et un sous-genres
Les années 1980 ont aussi été la période où le metal a développé une myriade de ramifications de plus en plus spécifiques et obscures. Le nombre de sous-genre metalleux est impossible à quantifier exactement et tout cela reste finalement très subjectif. Mais sachez que la tâche est telle qu’il existe un cursus universitaire… les « metal studies » !
On peut tout de même citer : le doom metal, le funeral metal, le metal progressif (dont Tool est le maître absolu), et le metal gothique… Et si nous devions n’en retenir que deux, citons le black metal, tendance underground souvent vilipendée – et souvent à tort – pour ses connotations satanistes et qui produit néanmoins régulièrement des formations hautement techniques et inspirées comme récemment Deafheaven. Et Le thrash metal qui a connu son heure de gloire dans les années 1980-1990 et reste incarné pour le grand public par Metallica. Le groupe fait partie des « Big Four of Thrash », les quatre grands du Thrash qui comptent aussi les mythiques Megadeth, Anthrax et Slayer. Slipknot, c’est encore autre chose…
Le groupe dont l’album We Are Not Your Kind a marqué un nouveau chapitre musical s’inscrit quant à lui dans le courant du Nu Metal et du metal alternatif. Les accoutrements des neufs trublions de la formation sont directement inspirés du monde de l’horreur, leur violence scénique et le chaos qu’ils aiment répandre en font un groupe absolument à part et inimitable. Avec cet album, ils ont poursuivi leur voie unique, en apportant toute leur capacité d’innovation à un genre qui ne cesse d’évoluer.
Un nouveau départ plein de courage et d’espoir pour Slipknot
La tragédie du 26 juillet 2022, la disparition de Joey leur batteur, plonge le groupe dans un profond regret. Joey était à lui seul une légende, aussi bien par sa technique que sa personnalité… Un peu plus d’un an après l’évènement, The End, So Far s’annonce fort en symbolique, marquant aussi la fin de leur collaboration avec leur fidèle label Roadrunner Records. Une nouvelle ère alors, qui fait tant de bien dans le milieu du metal, où se réinventer reste un challenge. Sans sortir de ses techniques et son style bien attitré, Slipknot s’engage avec The End, So Far à proposer une nouvelle musique, de nouvelles performances et un grand bol d’air frais, dont ils ont eu besoin plus que personne. Cette repensée a été annoncée par Clown (M. Shawn, percussionniste) lorsqu’il a affirmé que cet album représente un nouveau départ. Ne pas abandonner et se battre, il s’agit aussi d’un album de l’espoir. 12 titres dont The Dying Song, qui, sorti en cadeau en juillet 2022, nous a intrigué et étonné de part les audacieuses prises de risques qu’il dévoile : vocaux a capella, clip moins narré mais davantage dans un style « studio » moderne, rythmes entrainants des intrus… Un album qui d’emblée mérite l’attention, et évidemment aussi l’encouragement.
