Après avoir fustigé l’obscurantisme religieux et le dérèglement climatique, Enki Bilal revenait en 2017 avec le premier tome de son coup de semonce intitulé Bug. Il y pointait du doigt, de la plume et du pinceau notre addiction au tout-numérique, s’inquiétant au passage de l’état de préservation de notre mémoire. L’auteur-dessinateur poursuit son récit d’anticipation avec la parution le 17 avril du Livre 2.
Seul contre tous
Au départ, un bug numérique généralisé. La perte brutale de la mémoire du monde livre ses habitants au chaos le plus total. Un homme, de retour d’une mission sur Mars, réalise qu’il a hérité de toutes ces données disparues. Au niveau de son arcade gauche se trouve une mystérieuse tâche bleue… En devenant ainsi l’unique disque dur de la planète, il en devient également l’être humain le plus recherché par tous les puissants du globe. Dans ce Livre 2 de Bug, on retrouve cet homme dont le stigmate bleu s’est propagé. Isolé et traqué dans un monde qui voit resurgir tous ses vieux démons communautaristes, il n’a de cesse de rechercher sa fille Gemma, devenue monnaie d’échange entre les mains d’une poignée de mafieux.
Raison garder
On n’en était pas sûr, c’est désormais une certitude. Les conséquences de ce Bug pourraient s’avérer plus importantes que prévu. Du one-shot envisagé au départ, Enki Bilal semble parti pour une belle et longue série : « Un one-shot aurait été une erreur. J’aurais grillé un sujet très fort ». Force est de constater, en effet, qu’à la fin de ce 2e opus, le monde dénumérisé de Bug est loin d’avoir retrouvé sa mémoire. La faute à l’ampleur de la problématique, immense et passionnante. En installant ainsi son récit dans la durée, Bilal espère faire prendre conscience de la catastrophe que constituerait un tel bug. C’est une façon de laisser infuser en nous la question existentielle que soulève cette course effrénée au tout-numérique dans laquelle notre monde semble s’être lancée, celle de notre mémoire et de sa préservation. Point de « c’était mieux avant » pour autant chez Enki Bilal. Pour preuve, un humour omniprésent émaille son récit. Mais il y a simplement derrière la fiction d’anticipation de ce Bug l’inquiétude légitime de voir sombrer peu à peu l’histoire et ses leçons. Et le désir d’un homme inquiet de voir se développer une révolution numérique raisonnée.
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Parution le 17 avril 2019 – 80 pages
