Héros de toute une génération, qui l’a fait découvrir ensuite à ses enfants, Le Petit Nicolas a été l’une des publications jeunesse les plus populaires du XXe siècle. Créé par René Goscinny et Jean-Jacques Sempé sous la forme de récits illustrés, cet univers a été porté au cinéma en 2009, après la publication de plusieurs recueils d’inédits. Retour sur la trajectoire d’un très grand petit personnage.
En bande organisée
À la fin des années 1950, la France connaît une période d’amélioration sans précédent en matière de mode de vie. Les Trente Glorieuses sont là, l’urbanisation de la société s’accélère, une classe moyenne émerge. Un héros, haut comme trois pommes, va incarner ce changement : Le Petit Nicolas. Il a été créé par un jeune dessinateur, alors inconnu, Jean-Jacques Sempé, en 1954. Dans le magazine belge Le Moustique, ses aventures sont racontées sous la forme de bande dessinée. Mais Sempé ne se sent pas forcément à l’aise avec le neuvième art, et s’apprête à arrêter cette publication, quand il rencontre finalement René Goscinny, qui s’associe au projet en 1956. Le récit abandonne phylactère et case pour devenir un texte illustré des dessins de Sempé, et reparaît sous cette forme en 1959, date de la véritable naissance de ce jeune écolier. C’est là que le personnage, ses amis, ses parents et ses professeurs ou surveillants (dont le fameux « Bouillon ») prennent enfin leurs traits, et deviendront immensément célèbres. À partir de 1960, les courtes histoires (qui paraissent dans Sud-Ouest ou Pilote) sont réunies en albums, édités également en poche. Les cinq tomes « canoniques » sortis à cette époque vont traverser les générations : Le Petit Nicolas, Les Récrés du Petit Nicolas, Les Vacances du Petit Nicolas, Le Petit Nicolas et les copains et Le Petit Nicolas a des ennuis.
Langage enfant, regard adulte
L’humour de Goscinny et les tendres dessins de Sempé ont rapidement fait la réputation du Petit Nicolas. La récréation, les colonies de vacances, le foot (avec des scores très élevés), les filles (pas vraiment intéressantes), les parents (dont un papa qui a perdu tout ses diplômes et médailles à l’occasion d’un fâcheux déménagement) ou les goûters (que dévore assidûment Alceste, le meilleur ami du petit Nicolas) sont autant de thématiques que les deux créateurs abordent avec malice. Narrées à la première personne, les aventures du héros sont aussi l’occasion d’employer un langage d’enfant, avec ses obsessions mignonnes (typiquement, quand il parle de son copain de vacances nommé Mamert, il ne cesse de s’exclamer « qu’il est bête celui-là »), ses petites vantardises, ses peines d’amitié ou ses soucis de devoirs à faire et de disciplines scolaires. Goscinny, au moment de faire de ce récit riche en anecdotes d’enfants turbulents mais gentils n’a pas oublié d’y insérer quelques clins d’œil. C’est notamment comme une précieuse archive sociologique que l’on peut encore apprécier les différents volumes de cet univers ; à travers, par exemple, la figure du père, on découvre le travail de bureau et l’émergence des villes pavillonnaires typique des années 1960. Côté décor et accessoires, les montres-bracelets et autres réfrigérateurs apparaissent en même temps dans Le Petit Nicolas et dans les foyers des petits Français de l’époque.
Un héritage à suivre
Des millions d’exemplaires plus tard, Le Petit Nicolas est entré dans le paysage culturel français au même titre qu’Astérix. Il a bénéficié d’un beau programme éditorial en 2004, avec la parution de nombre d’histoires restées jusqu’alors inédites. C’est par le cinéma qu’il a effectué un grand retour en 2009, sous les traits de Maxime Godart, dans Le Petit Nicolas puis Les Vacances du Petit Nicolas. En parallèle, une série animée a été réalisée, dont le succès a prouvé que l’humour de Sempé et Goscinny traversait bien les époques. Pour ses soixante ans, l’élève sera la vedette de quelques beaux moments de célébration, dont une exposition de dessins et originaux à la Fondation Louis Vuitton et quelques parutions sympathiques. La réédition des toutes premières aventures (en BD) de l’enfant et un album rassemblant ses dix meilleures histoires devraient nous replonger rapidement dans un monde qui évoque de bons souvenirs à de nombreuses personnes, de 7 à 77 ans. Une récréation bienvenue.
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