Entretien

Stranger Things en livre : interview de l’auteure Gwenda Bond

05 juin 2019
Par Pauline
Stranger Things en livre : interview de l'auteure Gwenda Bond

Il faut patienter jusqu’au 4 juillet pour découvrir la nouvelle saison de Stranger Things sur Netflix. En attendant, on se replonge avec plaisir dans l’univers de la série grâce à la parution du livre Stranger Things : Suspicious Minds, un roman écrit par Gwenda Bond, d’autant plus que le deuxième tome va sortir ! Le livre retrace la vie de Terry, la mère d’Eleven (Onze en VF), et permet d’éclairer une part du mystère qui plane autour des origines de la jeune prodige. Rencontre avec son auteure.

Suspicious-MindsPour la conception de Stranger Things : Suspicious Minds, comment s’est passée la collaboration avec les créateurs de la série Stranger Things, les frères Duffer ? À quel point étiez-vous libre d’imaginer l’intrigue vous-même ?

Gwenda Bond : Les frères Duffer se sont montrés incroyablement généreux quand il s’est agi de partager leur univers. Nous avions la chance, du côté de Netflix, de collaborer avec un excellent scénariste du nom de Paul Dichter (l’un des auteurs de la série). Il avait la possibilité (et il ne s’est pas privé de l’exercer) d’aller trouver, à n’importe quel moment, les deux créateurs du show sur le plateau de tournage afin d’obtenir leur accord sur certains des éléments de l’intrigue de l’ouvrage. Dès le début, nous étions tous d’accord sur le fait que le livre serait consacré au passé de Terry, la mère de Onze (Eleven en VF), et raconterait comment son chemin avait croisé celui du Dr Brenner et du programme MK Ultra, entre autres études scientifiques. Nous voulions également que l’intrigue soit très fortement ancrée dans la fin des années 60 et le début des années 70, tout comme l’œuvre d’origine, Stranger Things, est intimement liée aux années 80. Et, bien sûr, il fallait que l’intrigue du roman coïncide avec certains événements dévoilés dans la série. En utilisant tous ces ingrédients comme points de départ, j’avais tout de même beaucoup de latitude pour imaginer le genre d’être humain qu’étaient Terry et les autres personnages du livre – et quels seraient à la fois leur passé et leur trajectoire. Cette liberté était primordiale à mes yeux pour pouvoir m’investir dans le projet : bien que je m’inscrive dans l’univers imaginé par quelqu’un d’autre, je voulais aussi y apporter mon propre regard. C’est ma méthode à moi, la seule façon d’écrire que je connaisse. Tout au long de l’élaboration du livre, j’ai senti qu’on était tous sur la même longueur d’onde, et j’ai vraiment le sentiment que les grandes idées que j’ai apportées – même sur des sujets aussi cruciaux que l’identité du père d’Onze ­­– ont été acceptées avec enthousiasme.

Quel était le rôle de Netflix dans l’écriture du livre ?

J’en ai déjà parlé un peu plus haut. Du côté de Netflix, nous disposions d’un conseiller qui travaille directement sur la série comme auteur. Les apports de Paul au projet se sont avérés extrêmement précieux. Il s’est montré très rigoureux et prévenant, des premières réflexions sur l’intrigue jusqu’aux ultimes révisions, en passant par toutes les différentes étapes de l’écriture. D’un bout à l’autre du processus, il a commenté mon travail afin de garantir que le livre restait parfaitement cohérent avec la série. Travailler sur une licence aussi connue et appréciée – surtout quand on écrit la toute première histoire qui n’est pas directement imaginée par ses créateurs historiques – c’est très intimidant. Il y a beaucoup de pression, de la part du grand public comme des professionnels, pour se montrer digne de l’univers d’origine et imaginer une intrigue qui enthousiasmera les fans. Les retours réguliers de mon éditeur comme de Paul, au fil de l’écriture, m’ont vraiment rassurée et aidée à sentir que j’étais sur la bonne voie. Et je suis heureuse de dire que les toutes premières réactions des lecteurs semblent aller dans ce sens !

Comment avez-vous rejoint le projet ? Comment se fait-il qu’on vous ait choisie pour être l’auteure de ce livre ?

Je répète toujours que j’ai eu une chance incroyable. Je suis extrêmement reconnaissante à mon éditeur américain Del Rey (qui m’a approchée pour me proposer ce projet de roman), d’avoir cru en moi, d’avoir pensé que j’étais la bonne personne pour le faire. Je soupçonne que c’était parce que j’avais déjà écrit à la fois des romans originaux, qui mêlaient réalité et surnaturel, et une trilogie young adult inspirée d’un personnage déjà existant, celui de Lois Lane, la célèbre héroïne de DC Comics. Blague à part, on a tiré un roman graphique de l’une de mes séries jeunesse, Cirque American, intitulé Girl Over Paris et qui se passe dans la capitale française. J’ai donc moi-même l’expérience inverse, celle d’avoir travaillé avec d’autres sur le développement d’un nouveau pan de mon propre univers romanesque. Le meilleur des deux mondes !

Ça, c’est la version longue de l’histoire. La version courte, c’est que mon éditeur a demandé à mon agent littéraire s’il pensait que le projet avait des chances de m’intéresser, et qu’en découvrant son sms, j’ai sauté de joie en hurlant « Oui !! » à mon écran de téléphone portable – avant de m’apercevoir qu’il allait sans doute plutôt falloir que je lui écrive une petite réponse.

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Qu’avez-vous apprécié le plus dans l’écriture de ce roman ?

J’ai adoré apprivoiser Terry, apprendre à la connaître, et avoir le privilège de dérouler peu à peu le fil de son histoire. J’ai aussi beaucoup aimé en apprendre davantage sur cette période très riche de l’histoire américaine. Mais ce que j’ai préféré, c’est sans doute ce que beaucoup de gens apprécient particulièrement dans la série : j’adore la place prépondérante que Stranger Things donne à la notion d’amitié… Si bien qu’imaginer des personnages forts et complexes à placer tout autour de Terry pour en faire son groupe d’amis s’est avéré un vrai plaisir pour moi. J’espère que les lecteurs tomberont sous le charme d’Alice, Gloria et Ken, comme moi avant eux.

Quand il a fallu mettre en place l’intrigue, d’où vous sont venues vos idées ?

J’ai commencé par une phase de recherche et de mise en place de la structure du roman. Il y a un excellent livre d’Annie Jacobsen intitulé Phenomena, un ouvrage de non-fiction qui traite d’expériences ayant vraiment eu lieu et qui ont inspiré celles qu’on voit mises en scène dans Stranger Things. Netflix me l’a recommandé comme point de départ, et mon éditeur me l’a aussitôt fait parvenir. Dès les premières séances de réflexion, j’ai aussi eu l’idée de faire en sorte que le roman explore à peu près une année entière de la vie de Terry. J’ai relu certains des premiers romans de Stephen King : à l’époque, il avait tendance à écrire de longs chapitres subdivisés en sections numérotées. C’est donc ce que j’ai choisi de faire ­– une manière pour moi de faire un petit clin d’œil, dans la forme même de l’ouvrage, à une autre des références-phares de la série. Chaque chapitre couvre un mois et, dans mon esprit, j’ai aussi considéré l’ouvrage un peu comme à une saison entière de série télévisée : j’ai imaginé que chaque chapitre aurait sa propre structure interne et son propre titre. Cette approche m’a aussi permis de prendre en considération les grands événements qui secouaient les États-Unis et le monde à l’époque (ce qui s’est passé en juillet ou en octobre 1969, par exemple), et de les insérer dans l’intrigue à doses plus raisonnables que si le roman avait couvert une période plus courte, tout en réfléchissant à la façon dont ils allaient influencer mes héros. Au fur et à mesure que je développais les personnages, mon but était vraiment de mêler harmonieusement la petite et la grande histoire tout en y incorporant, bien évidemment, Hawkins et son univers. Je voulais que nous puissions découvrir le cheminement de Terry en tant qu’héroïne : il m’a donc fallu trouver des opportunités de mettre en lumière cet aspect du personnage.

À quel point êtes-vous une fan de Stranger Things ? Avez-vous des anecdotes à partager à ce sujet ?

Je suis une immense fan de la série. J’ai été élevée dans le Kentucky à l’époque où les frères Duffer grandissaient en Caroline du Nord, et j’ai l’impression que nous avons beaucoup d’influences en commun. L’une d’entre elles (que j’ai déjà mentionnées), c’est Stephen King. Le premier week-end après diffusion de Stranger Things, cet auteur emblématique a déclaré sur Twitter que la série lui rappelait furieusement ses meilleurs ouvrages, qu’il la percevait comme un hommage. Je me suis aussitôt mise à la regarder, et j’ai tout de suite été captivée.

L’une des choses qui m’a le plus frappée, en travaillant sur ce projet, c’est à quel point le public de Stranger Things est extraordinairement varié. Quand, comme moi, on a beaucoup écrit pour les adolescents, c’est incroyable de constater que Stranger Things transcende littéralement les classes d’âge. Des générations différentes y apprécient des choses différentes et y trouvent chacune leur compte ; mieux encore, leur amour pour la série crée des passerelles entre elles. De tous mes livres, c’est indéniablement celui qui m’a rapporté le plus de points auprès de mes amis et de ma famille.

Qui est votre personnage préféré de la série et pourquoi ?

C’est Onze : il me semble que c’est l’un des personnages de la pop culture les plus intéressants qui ait émergé ces dernières décennies. Maintenant que j’ai passé du temps à imaginer l’histoire de sa mère et à apprendre à mieux la connaître, je me sens beaucoup plus proche d’elle. Je trouve qu’on sent le même courage et la même persévérance chez la mère que chez la fille. Je me laisse parfois aller à imaginer l’enfant insouciante qu’elle aurait pu devenir si le destin avait permis à Terry de l’élever elle-même. Même diminuée comme on a pu la voir dans la série, je suis sûre que Terry, tout au fond d’elle-même, doit être sacrément fière que Onze ait réussi à échapper à ses bourreaux. Même piégée à l’intérieur de son propre corps, Terry a trouvé une manière de se manifester auprès de sa fille au moment crucial. Ce sont deux générations de femmes héroïques. J’espère que c’est ce que les lecteurs retiendront !

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À partir de 13 ans – Parution le 7 mars 2019 

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Article rédigé par
Pauline
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