Il y a vingt ans sortait le disque qui devait changer le rock anglais des années 1990 : Ok Computer, troisième album de Radiohead. Une révolution musicale, à la confluence de la britpop, de la musique électronique et du rock progressif, rééditée à l’occasion de l’opération OknotOk, le 23 juin. L’occasion rêvée de revenir sur le parcours d’un groupe mythique.
Bande de nuls
C’était dans les années 1980, à Oxford. Cinq jeunes hommes fréquentaient le même collège privé et se lièrent d’amitié. Intéressés par la bouillonnante scène alternative d’alors, ils formèrent On a Friday, en 1988. Dès lors, Thom Yorke (chant) Jonny Greenwood (guitare), son frère Colin (basse), Ed O’Brien (guitare) et Phil Selway (batterie) ne se quitteront plus. En 1992, inspirés par une chanson des Talking Heads, ils se renomment Radiohead. Leur premier succès s’appelle Creep (« nul »), une alternance couplet calme/refrain explosif qui sera un tube en 1993. L’album qui suit, Pablo Honey, s’il ne détonne pas par rapport aux grands disques britpop de cette époque, contient une part d’autoflagellation et de désespoir qui deviendra la marque de fabrique du groupe et de son leader Thom Yorke.
L’âge d’or
En 1995 sort The Bends, le sommet artistique de la première période de Radiohead. L’évidence mélodique des morceaux subjugue quantité d’auditeurs à travers le monde, qui louent le mélange de lyrisme et d’énergie d’un groupe très jeune semblant maîtriser à la perfection l’écriture pop. Pendant british de Jeff Buckley ou de Nirvana, le quintette ne tombe pas dans la redite, et dès l’album suivant, Ok Computer, tente une approche plus radicale. Expérimental, planant, pas tant éloigné que ça, par sa cohérence, des concepts progressifs des années 1970, ce troisième opus, réédité cette année en triple vinyle, vient confirmer que Radiohead est l’un des plus grands groupes du monde, capable de tout.
Rester branchés
Après une tournée mondiale triomphale, les cinq Anglais, toujours flanqués de leur producteur habituel, Nigel Godrich, mettent plusieurs années à sortir Kid A puis Amnesiac, l’année suivante. Deux albums enregistrés en même temps sur lesquels Radiohead délaisse l’instrumentation rock au profit d’arrangements très électro. Si l’évolution déboussole, le pari est réussi : leur musique s’est renouvelée sans que le groupe n’y perde son âme. Moins planant et peut-être plus barré reste Hail to the Thief, qu’ils sortent en 2003, avant de donner une sorte de « suite » à Ok Computer, sous la forme d’un disque reprenant d’anciennes compositions délaissées : In Rainbows. Fidèles à leur politique de changements permanents, Thom Yorke et ses comparses se tournent vers l’électro pointue en 2011 à l’occasion de la sortie de The King of Limbs. Cinq ans plus tard, ils retrouvent des contrées moins expérimentales avec l’émouvant A Moon Shaped Pool. D’arrangements classieux en plage planante, ce nouveau disque est venu rappeler la place tutélaire qu’occupe Radiohead dans le panthéon rock mondial.