Depuis 1997, Les Arènes ont gagné un drôle de pari : devenir l’un des incontournables de l’édition française sans renoncer à leur indépendance. Choix éditoriaux uniques, procès en série, et « coups » marketing ont façonné une maison connue aujourd’hui aussi bien pour ses albums, sa revue XXI que pour Merci pour ce moment. Mais comment ont-ils fait ?
Les affaires sont les affaires
C’était il y a vingt ans. Laurent Beccaria occupe un poste enviable d’éditeur chez Stock. Il a quitté deux ans auparavant Plon, qui avait refusé la publication d’un ouvrage de Denis Robert. L’histoire se répète. Stock, par la voix de son PDG et de son actionnaire, écarte cette fois le livre de Dominique Lorentz, Une guerre, chronique des relations franco-iraniennes dans le domaine nucléaire. Beccaria se décide donc à publier, seul, l’enquête. Avec peu de moyens, il fonde donc Les Arènes, nom choisi d’après la rue des Arènes de Lutèce à Paris qu’il connaît bien. Dès ses premières années, la petite maison se confronte au système politico-médiatique, en publiant par exemple Noir silence de François-Xavier Verschave, consacré à la Françafrique ou Notre affaire à tous d’Eva Joly, illustration du difficile combat de la Justice contre les requins de la finance… Sans oublier Denis Robert, auteur aux Arènes des ouvrages ayant amorcé l’affaire Clearstream 2 (Révélation$, La Boîte noire).
Diversité
Malgré les procès, certains insuccès éditoriaux, et les conflits avec les lobbies, Les Arènes arrivent à sortir la tête de l’eau au début des années 2000, avec quelques « coups ». L’un de ceux-ci, en 2001, est la publication de l’album du film Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, dont le succès assure une période faste à l’éditeur. Livres historiques, grands formats illustré, albums jeunesse et ouvrages de psychologie étoffent peu à peu un catalogue qui ignore chartes graphiques et marketing traditionnel pour privilégier le contenu. Bien sûr, la maison n’hésite pas à aller sur le terrain polémique, comme en témoigne Le Livre noir de la psychanalyse. En 2008, Laurent Beccaria s’associe à Patrick de Saint-Exupéry et Gallimard avec qui il fonde XXI, l’un des premiers succès pérennes pour un Mook (périodique vendu en librairie) dans l’Hexagone. Ces dernières années, les activités des Arènes continuent d’être à la confluence de plusieurs grands enjeux éditoriaux : être un témoin de l’époque (la maison édite Les Français jihadistes de David Thomson), sortir des sentiers battus (elle a réussi la sortie surprise du livre Merci pour ce moment de Valérie Trierweiler), et explorer de nombreux sujets.
Les nouvelles briques du Masson
Hormis les romans graphiques et bandes dessinées, Les Arènes n’avaient pas investi le territoire de la fiction outre-mesure. Si elle se prépare à éditer le premier roman de Valérie Trierweiler, Le Secret d’Adèle, la maison passe la vitesse supérieure dans le domaine de la littérature de genre. Elle vient en effet de débaucher Aurélien Masson, éditeur à la Série noire (et à qui l’on doit entre autres l’éclosion de Caryl Férey, DOA, Antoine Chainas, Ingrid Astier ou Frédéric Jaccaud). Charge à lui désormais de doter Les Arènes d’une collection polar. Connaissant l’appétit de Masson pour le récit réaliste et documenté, il semble avoir trouvé chez Laurent Beccaria un incubateur à même de continuer tout ce qu’il a déjà entrepris chez Gallimard sous un nouvel écrin. Lancement prévu en 2018.
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Visuel d’illustration © Patrick Tomasso