Il agace autant qu’il fascine, il est admiré autant qu’il est détesté. Jean-Luc Godard polarise toujours autant les avis. Eternel enfant terrible du cinéma français, le cinéaste d’adoption suisse devient le sujet d’un film de Michel Hazanavicius et un coffret sort à son honneur. De nouvelles pistes pour décrypter l’esprit du maître ? Rien de moins sûr quand on connaît un peu cet ermite dont la pensée dérange encore…
Critique et politique
Né en 1930 à Paris, Jean-Luc Godard découvre le cinéma dans les années 50. À la fois en salles (à la cinémathèque française dirigée alors par Henri Langlois), et à travers les revues critiques (notamment la jadis célèbre Revue du cinéma dans laquelle écrit Eric Rohmer). Il publie son premier texte à 19 ans dans la Gazette du cinéma et cimente ainsi une approche à la fois de spectateur et de critique envers le « sujet cinéma ».
En 1952, il entre au Cahiers du cinéma, un épisode charnière dans sa carrière puisqu’il y rencontre tous ceux qui chambouleront l’establishment de l’époque en créant la Nouvelle Vague (Truffaut, Chabrol, Rivette). Déjà son caractère difficile et imprévisible le met à l’écart du groupe (il finira par s’échapper avec la caisse des Cahiers…). Après avoir théorisé la notion d’auteur au sein des Cahiers, il réalise son premier long-métrage : À bout de souffle, en 1960. Le succès du film lance sa carrière de cinéaste.
S’ensuit une période très prolifique (avec entres autres : Le Mépris et La Chinoise ou Alphaville) jusqu’en 1968, à retrouver d’ailleurs dans le coffret Collection Godard. Les événements de mai exacerbent son côté politique, il rejette alors la notion « d’auteur » et refuse de travailler seul, préférant les projets en collectif. À cette époque, il connait déjà une importante reconnaissance de la part du public et des critiques : « l’un des plus grands cinéastes de son temps. »
Références et citations
Godard créé alors le groupe Dziga Vertov mais s’éloigne assez rapidement de cette méthode et s’intéresse, dès 1973, à la vidéo. Il reconnait son aspect révolutionnaire et la capacité qu’elle offre de tourner seul des projets personnels. Il revient tout de même au cinéma en 1980 pour une seconde période particulièrement prolifique : sept films en sept ans, avec entre autres Prénom Carmen, Sauve qui peut (la vie) et des films plus obscurs comme King Lear. À partir de 1988, il entreprend un travail très important : ses Histoire(s) du cinéma. Une œuvre monumentale, véritable essai cinématographique, fresque philosophique et esthétique faite de collages et de citations. Complexe et extrêmement personnel, ce film fleuve (266 minutes) fait de lui un sage du cinéma mondial, vénéré même si sa parole n’est pas forcément déchiffrable instantanément.
Réflexions et réceptions
Depuis, Godard sort régulièrement de sa retraite helvétique avec de nouveaux films : des poèmes abstraits mais toujours en phase avec les évolutions contemporaine du médium cinéma (il réalise un court-métrage en 3D par exemple), parmi eux Eloge de l’amour ou Film Socialisme. Reclus, à l’écart du cirque médiatique, il n’a pas dit Adieu au langage, bien au contraire, mais comme un philosophe oriental, il choisit avec précaution chacun de ses mots. Honoré par un Oscar et un César pour l’ensemble de sa carrière, son importance est difficilement contestable, même si certains ne comprennent toujours pas son approche et lui reprochent un certain hermétisme. À travers ses prises de position, son caractère ombrageux et impénétrable, Godard est devenu un véritable personnage cinématographique, ce qu’illustre formidablement la sortie en 2017 du film Le Redoutable réalisé par Michel Hazanavicius.
Une réflexion cinématographique sur un des plus importants penseurs du cinéma, voilà qui s’annonce particulièrement passionnant !