À Toronto, Arthur Leander, un acteur célèbre meurt sur scène lors de la représentation du Roi Lear de Shakespeare, le rôle de sa vie. Le même jour, une terrible épidémie, la grippe de Géorgie, s’abat sur le monde et décime près de 95% de la population en quelques jours. Des années après cet événement tragique, la Symphonie itinérante, une troupe de comédiens accompagnée d’un orchestre, sillonne les territoires dévastés et joue des pièces de Shakespeare aux survivants de la catastrophe.
Un récit post-apocalyptique original
La grippe de Géorgie a contaminé brusquement la population. Très vite, Internet, les réseaux téléphoniques, l’électricité sont coupés et la pénurie d’essence rend rapidement les véhicules inutilisables. Les survivants quittent en masse les villes où la maladie se répand plus vite et s’installent dans des aires d’autoroute, des fast-foods désaffectés… Des individus reconstituent des communautés, des petits villages de fortune, tandis que d’autres vivent à la marge ou deviennent nuisibles. Au milieu de ce chaos, la Symphonie itinérante offre une lueur d’espoir, un souffle de poésie lors de sa tournée, tout en restant sur ses gardes grâce à un protocole de sécurité précis, et prudente dans le choix de son itinéraire, évitant les territoires inconnus. Malgré tout, leur prochaine étape semble tombée sous l’emprise d’une secte post-apocalyptique et d’un dangereux prophète…
« Parce que survivre ne suffit pas »
La devise de la Symphonie itinérante, tirée d’un épisode de Star Trek, s’inscrit dans la volonté de faire perdurer l’art et la poésie, malgré la catastrophe. La comédienne Kirsten qui a assisté, enfant, à la mort d’Arthur Leander sur scène, collectionne de vieilles coupures de magazines à son sujet, car c’est le seul souvenir qui a échappé à son amnésie. Des épisodes marquants de la vie du comédien ponctuent habilement le récit, l’échec de ses relations amoureuses reflétant le chaos de l’épidémie, tandis que de nombreuses connections avec d’autres personnages sont subtilement révélées. Il avait offert à Kirsten deux numéros d’une bande dessinée de science-fiction, Station Eleven, inconnue de tous, qui l’accompagnent religieusement depuis. Mais en croisant la route de ce prophète de sinistre réputation, elle trouve un lien inattendu avec Station Eleven. Pour trouver les réponses à ses interrogations, il lui faut atteindre le légendaire « Musée de la Civilisation », installé dans le terminal d’un petit aéroport désaffecté.
Une ode élégiaque aux artistes
Finaliste du National Book Award 2014, Emily St. John Mandel parvient à écrire un roman de catastrophe délicat et sensible, qui met en lumière l’art, la poésie et la musique. Un choix original pour ce type de récit de science-fiction et un pari réussi ! Au lieu de décrire en détails macabres les effets de la grippe de Géorgie sur la population, ou de tomber dans la facilité du retour à l’état sauvage, elle nous montre que, malgré ce scénario post-apocalyptique et ce contexte violent, la beauté du monde peut perdurer et l’art peut résister tant qu’il y a des gens prêts à s’émerveiller et à s’engager dans cette voie. Et la petite lumière de la fin du récit augure d’autres surprises sur la nature humaine et sa capacité à rebondir après la chute d’une civilisation !
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Parution le 24 août 2016 – 480 pages
Traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chergé