Critique

La Légèreté retrouvée de Catherine Meurisse

30 décembre 2016
Par Maya
La Légèreté retrouvée de Catherine Meurisse
©DR

Catherine Meurisse a réchappé à la tuerie de Charlie Hebdo. Ayant perdu tous repères, elle se raccroche à une seule idée : la beauté. Dans un ouvrage unique proche du roman graphique, elle rend hommage à la culture, à l’Art, et à « cette légèreté indispensable de l’être », qu’il faut s’efforcer de conserver après l’horreur vécue. La Légèreté est le témoignage de son retour à la vie.

Le traumatismela légèreté

Auteure de bandes dessinées et dessinatrice pour Charlie Hebdo depuis dix ans, Catherine Meurisse a vécu le massacre du 7 janvier comme une tragédie personnelle. Après la perte de ses amis et mentors, un blocage psychologique entrave sa créativité. Elle perd l’envie de dessiner et même la mémoire, elle se sent creuse et distante… Les psychologues lui diagnostiquent une « dissociation ». Elle se sent emprisonnée sous la protection rapprochée, et ressent le besoin pressant de s’extraire du chaos. En novembre de la même année, l’attentat contre le Bataclan menace de la faire rechuter.

À la recherche de la beauté

Une seule solution se présente à elle : rechercher l’apaisement dans la beauté. Elle préface d’ailleurs La Légèreté par cette citation de Nietzsche, « Nous avons l’art pour ne pas mourir de la vérité ». Catherine Meurisse part à Cabourg, sur les traces de Marcel Proust, son « auxiliaire de vie », sans succès. Fin 2015, elle s’envole donc pour la capitale du beau intemporel, Rome, et s’installe dans la Villa Médicis, qui abrite depuis toujours des artistes pensionnaires. Sa mission : subir « le syndrome de Stendhal » (l’évanouissement provoqué par un déluge de beauté), pour annuler celui du 7 janvier. Sous la tutelle de l’écrivain et de ses camarades artistes, elle entame le processus de reconstruction de soi qui la ramène au dessin.

Mais tout ne se passe pas comme prévu… Sur ses croquis des œuvres classiques, la dessinatrice appose avec ironie ses interprétations pessimistes : les statues sans membres lui rappellent les victimes du terrorisme, et elle voit partout le malheur et la douleur figurés par l’Art. Catherine Meurisse se rend à l’évidence : l’évanouissement n’aura pas lieu, puisqu’elle l’a déjà vécu.

Le retour hasardeux à la vie

La Légèreté représente visuellement l’odyssée personnelle qu’effectue Catherine Meurisse, qui livre ses vacillements, ses souvenirs et ses visions dans des variations de technique et de style. Son lent retour à la « vie normale » est symbolisé par l’incursion croissante des couleurs dans le dessin.

Lorsqu’elle se remémore les évènements à Paris et son mal-être subséquent, les dessins sont épurés, l’espace vide très présent, et les silhouettes sont tremblantes, prêtes à fondre. Le noir et blanc domine, ainsi que des couleurs ternes, effacées. Les seules vignettes colorées représentent ses excursions dans la nature, des paysages paisibles, ou illustrent les scènes imaginaires de ses dialogues internes. Son arrivée à Rome marque une rupture, avec un retour éclatant à la couleur, et des planches dessinées, qui s’éloignent du dessin de presse. Détail révélateur peut-être : les notes en fin d’ouvrage précisent que la première partie a été réalisée entre juin et août 2015, alors que la deuxième l’a été en janvier et février 2016. Une preuve que le rétablissement se fait par petits pas. 

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Sélection Prix BD Fnac 2017                                                                                                                                                                         

Parution le 29 avril 2016, 128 pages en couleur

La Légèreté, de Catherine Meurisse (Dargaud), sur Fnac.com 

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Maya
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