Critique

La dénonciation : en Corée du Nord, personne n’est à l’abri

18 février 2016
Par Frédérique
La dénonciation : en Corée du Nord, personne n'est à l'abri
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Ce livre n’est pas le premier témoignage sur la vie en Corée du Nord. En général, ce sont des récits de Coréens ayant fui leur pays. La dénonciation sort du lot : c’est une fiction, 8 nouvelles d’un auteur nord-coréen, dont le manuscrit est sorti clandestinement.

Ce livre n’est pas le premier témoignage sur la vie en Corée du Nord. En général, ce sont des récits de Coréens ayant fui leur pays. La dénonciation sort du lot : c’est une fiction, 8 nouvelles d’un auteur nord-coréen dont le manuscrit est sorti clandestinement. Si la fiction est le moyen d’expression que Bandi a choisi, ses nouvelles ont autant de force que des témoignages d’expériences vécues et chaque récit revêt une valeur quasi symbolique. Voici pourquoi.

Des histoires de gens « sans histoire »la-dénonciation-bandi

Ces huit nouvelles concernent des gens simples, ou des petits cadres locaux dont le quotidien va basculer, à la suite d’un événement qui peut nous paraître mineur. Nous ne sommes ni dans une prison, ni dans un camp de travail. Les héros ne sont pas des dissidents. Ils ont simplement la malchance d’être au mauvais endroit, au mauvais moment, d’avoir un proche en disgrâce, d’avoir fait « une gaffe » – mauvaise remarque, mauvaise attitude – ou d’être juste un bouc émissaire.

Un enfant handicapé trouble le bon déroulé d’un défilé. Un ouvrier cherche à visiter sa mère mourante alors qu’il n’a pas obtenu de laisser-passer pour voyager. Les transports d’une province sont bloqués car le Grand Leader est en voyage officiel, il s’en suit une bousculade mortelle. Un cadre local paye pour des erreurs de gestion qui le dépassent.

La Corée du Nord, un monde à part

Le ton peut sembler mélodramatique, les situations et les réactions des protagonistes peu vraisemblables ou exagérées pour le lecteur occidental. Outre les conventions propres à la culture coréenne très imprégnée de confucianisme, il faut garder à l’esprit que nous sommes dans un pays fermé sur lui-même, un régime dictatorial donc très codifié, selon des normes qui nous sont étrangères.

Personne n’est à l’abri

Certains des héros n’ont jamais eu d’illusion sur la nature du régime et sur la valeur de leurs gouvernants. Ils sont nés du mauvais côté, sont en disgrâce depuis longtemps, nés dans la mauvaise famille, catalogués suite à une « faute » d’un de leurs proches. D’autres « y croyaient », avaient confiance, par conviction politique ou parce que le régime les avait favorisés jusqu’alors. Mais un évènement leur fait perdre tout à coup leurs illusions et leur monde s’écroule. Tout bascule brusquement. La chute n’en est que plus dure.

Bandi qualifie ses textes dans le Prologue d’« aussi arides que le désert, aussi brutes que la prairie sauvage, aussi pitoyables qu’un malade, et aussi maladroits qu’un grossier outil en pierre ». Mais l’apparente naïveté du style ne fait que renforcer la portée de ces histoires du quotidien, des histoires de « monsieur ou madame tout le monde ». Une telle banalité fait froid dans le dos…

Note sur l’auteur :

Bandi (luciole en coréen) est le pseudonyme d’un écrivain né en 1950. Ses parents se réfugient en Chine pendant la guerre et retournent ensuite vivre en Corée du Nord. Il a choisi de rester pour ne pas abandonner sa famille et ses manuscrits sont restés cachés plusieurs années, avant de pouvoir sortir au pays. Bandi fait aujourd’hui partie du Comité central de la fédération des auteurs de Joseon.

Parution le 4 mars, 256 pages

Traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Mélanie Basnel

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