BANDE DESSINÉE – Dans un futur proche, les hommes sont repliés dans des forteresses afin de se protéger des assauts des « reapers », des prédateurs sanguinaires qui sèment la terreur. Deux frères orphelins, Zack et Archer Goodwoody, sont envoyés au sein de la Colonie 16, surnommée « Fort Apache » dans l’espoir que les règles de vie strictes qui s’appliquent au fin fond de cette zone de danger les remettent sur le droit chemin.
Attachants, courageux, quoi qu’intrépides, Zack et Archer sont aussi de véritables rebelles, qui ne se laissent dicter leur conduite ni par les adultes ni par leurs homologues adolescents. La vie au sein de la colonie 16, rythmée par les assauts impitoyables des « reapers », promet d’être agitée.
Après avoir de manière remarquable planté le décor et exposé les enjeux dans le tome 1, Brebis Galeuses, le tome 2 intitulé Court-circuit nous emmène dans des directions assez inattendues. En effet, suite à l’héroïsme affiché par les frères Goodwoody à la fin du tome 1, le comportement des deux frères se durcit. Au sein d’une communauté où les contraintes sont quotidiennes, où l’autorité des adultes peut paraître injuste et où les pulsions adolescentes sont exacerbées, Zack et Archer font figure de véritables grenades dégoupillées. L’insubordination et l’indiscipline vont mener les deux frères à se mettre à dos une partie de la communauté. En parallèle, la Colonie 16 voit l’arrivée en son sein de deux rescapés d’un convoi attaqué par les « reapers » : un expert en arts-martiaux et en maniement de sabre nommé Tanaka Hasegawa, accompagné de sa ravissante fille Yuki, dont Zack va rapidement tomber sous les charmes. Voilà de quoi attiser encore un peu plus les hormones masculines qui n’en demandaient pas tant, et à provoquer chez les ados des comportements irresponsables et dramatiques.
Et si finalement le véritable danger n’était pas ces créatures monstrueuses et assoiffées de sang, mais bel et bien les humains eux-mêmes ? C’est la question centrale de ce tome 2 qui accentue les agissements des ados, au comportement plus frontal que les adultes, alors même que ces derniers sont loin d’être exemplaires. La violence se fait plus sèche, plus autoritaire, l’érotisme suggéré du premier tome se libère soudain, au point de mener la cocotte-minute que constitue la Colonie 16 au bord de l’implosion. En radicalisant son univers et son propos, ce deuxième tome prend le lecteur à revers et fait monter d’un cran encore le degré de curiosité et d’impatience pour cette série prévue en cinq tomes.
Mais il faut bien avouer que la qualité majeure et principale de Gung Ho provient avant tout de son dessin. Car si le scénariste Benjamin Von Eckartsberg n’a pas son pareil pour ménager surprises et rebondissements et pour dresser des études de caractères bien senties, son compatriote Thomas von Kummant signe tout bonnement des planches somptueuses. On reste parfois pantois devant certaines cases, se demandant qui du décor, de la précision du trait, de la composition d’image, de la mise en couleur ou de l’ambiance nous hypnotise le plus.
Tout comme le scénario réserve des éclairs de violence, bouscule son lecteur, le dessin et le graphisme de Von Kummant est un ravissement de chaque instant, à tel point qu’on croirait voir surgir les personnages hors de leurs cases. En utilisant des techniques proches du cinéma d’animation, le dessinateur confère à Gung Ho un traitement graphique proprement renversant, quasi-inégalé sur le marché de la BD. L’éditeur Paquet ne s’y est d’ailleurs pas trompé en proposant pour chaque tome une édition limitée Grand Format enfermant des recherches graphiques prouvant la qualité et la complexité du travail de recherche des auteurs. Ces deux allemands, qui avaient au préalable déjà œuvré sur La Chronique des immortels, s’imposent assurément comme deux artistes à suivre.
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Paru le 11 février 2015 – 84 pages en couleurs
Scénario Benjamin Von Eckartsberg
Dessins Thomas Von Kummant
Gung Ho, Tome 2, Court-circuit (Paquet éditions) sur Fnac.com
Planches : © Editions Paquet / von Kummant / von Eckartsberg