Délicieux est le terme qui convient à ce petit ouvrage. Délicieux parce que les 33 nouvelles vraiment amorales d’André Camilleri qui le compose se dévorent sans culpabilité. Même – et surtout – quand il s’agit de se réjouir du malheur des autres.
Délicieux est le terme qui convient à ce petit ouvrage. Délicieux parce que les 33 nouvelles vraiment amorales qui le compose se dévorent sans culpabilité. Même – et surtout – quand il s’agit de se réjouir du malheur des autres. Ce sentiment assez terrible tout de même ressemble à cette expression à tous analogue quand nous sommes acculés à nos petits problèmes et qui consiste à opposer sa situation à celle d’un autre : « Il y’a pire ». Ceci prétend permettre de prendre du recul, de relativiser comme on dit… Cependant éprouver du soulagement en utilisant comme un contrepoids de son propre malheur celui d’autrui ne justifie t-on pas l’utilité de sa souffrance, son impérieuse nécessité ? Si pour que nos souffrances soient surmontables nous devons lui comparer le pire de nos congénères, le Diable alors est en chacun de nous un hôte qui a pris possession de notre cœur. Mais est ce bien le Diable ou véritablement la nature humaine ? La question est posée par un Andréa Camilleri brillantissime dans l’analyse des comportements humains et des conséquences qui en découlent.
Ce chapelet de nouvelles égrène les pêchés véniels ou mortels qui font de l’homme un animal tourmenté qui a bien du mal à se défaire de ses passions et agit dans l’aveuglement de ses désirs sans en mesurer les conséquences. Andréa Camilleri met en place un petit théâtre de Guignols dont il tire les ficelles pour les conduire à la faute, il se joue des erreurs de jugements liées à nos défaillances et se sert grassement des sept pêchés capitaux pour amener le lecteur à l’identification. En somme il nous tend un miroir de nous même et c’est de nous-mêmes que nous finissons par nous moquer. Ici, vraiment pas de moral, même l’homme bon en prend pour son grade et voit la situation se retourner mortellement contre lui, comme dans la nouvelle 13 où l’auteur semble rendre hommage à The Omen ou à Rosemary’s baby. Diablement ironique…
En maintenant l’ambiguïté entre ironie du sort et conséquences de nos actes, Camilleri convoque en effet le mythe pour mieux nous moquer et nous conseiller d’assumer nos responsabilités, les conséquences de nos souhaits, plutôt que de s’en décharger sur un tiers qu’il soit le Diable ou une superstition. Il piège l’homme quoiqu’il fasse et rejoint cette école du pessimisme qui veut que c’est bien par l’homme que les malheurs arrivent à l’homme. En cela il le condamne au tourment éternel à se répéter, à créer son propre Enfer encore et encore et lui ôte toute possibilité d’absolution en retournant impitoyablement ses actes contre lui-même. Le Diable c‘est peut être Andrea Camilleri finalement, mais nous plus que certainement.