Une page se tourne dans l’univers de la téléphonie mobile avec l’annonce aujourd’hui du rachat de la division téléphonie mobile de Nokia par Microsoft. Le constructeur finlandais entend se recentrer sur les services, notamment dans les infrastructures de réseaux et la localisation.
On la savait en difficulté, cela se confirme avec le rachat par le géant des logiciels Microsoft de la division téléphonie mobile de Nokia et de ses quelques 32.000 collaborateurs. Il s’agit d’un bouleversement important touchant un des pionniers de la téléphonie mobile, ancien numéro un incontesté.
Petit retour en arrière, à une époque où les smartphones n’existaient quasiment pas, Nokia dominait de la tête et des épaules le marché des téléphones mobiles. Réputés pour leur solidité et la simplicité de leur écosystème, les téléphones Nokia se vendaient comme des petits pains dans le monde entier. Apple n’était pas encore arrivé dans la bataille et Samsung peinait à s’installer durablement dans le trio de tête des fabricants. Il est d’ailleurs symptomatique de se rappeler que le dauphin de Nokia était à l’époque … l’américain Motorola, lui-même racheté par Google comme on sait.
Les téléphones servaient alors quasiment uniquement à téléphoner, l’internet mobile était encore un fantasme. A son plus haut historique, Nokia valait plus de 100 milliards d’euros en bourse, à comparer aux 5,44 petits Milliards -si l’on peut dire- que Microsoft a déboursé pour son acquisition. Le finlandais pèse alors plus de 40 % des ventes de mobiles dans le monde. Son secret ? Avoir prévu avant tout le monde la démocratisation du téléphone mobile et avoir proposé des produits simples, abordables et à l’autonomie confortable que réclamait alors le marché. Son modèle 3310 (visuel ci-dessous) en est un bon exemple, il s’est écoulé à près de 130 millions d’exemplaires.
On pense aussi au modèle 1100 (visuel ci-dessous), qui a atteint les 200 millions d’exemplaires et reste encore aujourd’hui le modèle de téléphone le plus vendu dans le monde. Nokia avait également très tôt pressenti l’importance des marchés émergents et du tiers monde comme relais de croissance d’un marché occidental considéré alors comme proche de la saturation.
Malheureusement, par suffisance comme on l’a souvent dit ou par manque d’intuition, Nokia n’a pas su voir venir le virage de l’internet mobile et s’est fait déborder par l’arrivée de nouveaux challengers, au premier rang desquels se situe bien entendu Apple. C’est peu dire que l’arrivée de l’iPhone en 2007 a ringardisé les téléphones d’antan qui se contentaient de la gestion de SMS, des appels et de jeux peu évolués. Deuxième erreur, le finlandais a traité par le mépris l’émergence d’un système d’exploitation concurrent, je veux bien entendu parler d’Android. S’accrochant tout d’abord à son système d’exploitation maison, le fameux Symbian, Nokia s’est finalement résolu en 2011 à un partenariat avec Microsoft pour utiliser son Windows Phone. Aujourd’hui, ce système ne représente que 6 % des téléphones vendus dans le monde, contre 20,5 %pour iOS et… 61 % pour Android. Toujours leader en volume jusque-là, notamment grâce à ses ventes de mobiles low-cost dans les pays émergents, Nokia avait même dû céder sa place l’an passé à Samsung, un acteur qui lui a su épouser et anticiper les besoins et les envies des consommateurs.
On ne peut donc pas vraiment parler d’énorme surprise à l’annonce de ce rachat. En acquérant Nokia, Microsoft met la main, comme Google avec Motorola, sur un savoir-faire et une expertise reconnus de tous. Mais a-t-il vraiment le choix ? Nokia représente 85 % des téléphones sous Windows Mobile. Impossible donc de laisser ce partenaire essentiel partir à la dérive.
Le défi consiste maintenant à relancer le géant déchu, à redonner une dynamique à l’entreprise, et à opérer une refonte de la gamme de smartphones. Peut être faudrait-il s’éloigner de l’approche « techno » qui caractérise l’entreprise et proposer des produits plus en phase avec les désirs des consommateurs, pour résumer, plus sexy. Nokia détient les compétences technologiques, et pourra s’appuyer sur la puissance de feu de Microsoft pour partir à la reconquête du marché. Peut-être faudrait-il aussi réduire la part des produits low-cost, peu rentables, et proposer des smartphones plus haut de gamme donc plus rémunérateurs. Peut-être que les mois à venir verront arriver de nouveaux produits réellement innovants et compétitifs. Quoiqu’il en soit, souhaitons bonne chance à Microsoft, l’existence de challengers dynamiques étant nécessaire à l’innovation et à une saine concurrence, en téléphonie mobile comme ailleurs.