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La Commission européenne souhaite imposer la détection des contenus pédopornographiques en ligne

11 mai 2022
Par Kesso Diallo
La Commission européenne souhaite imposer la détection des contenus pédopornographiques en ligne
©hafakot / Shutterstock

Cette mesure fait partie du projet de règlement présenté ce 11 mai pour lutter contre les abus sexuels d’enfants sur Internet.

S’inquiétant de la diffusion en hausse des images pédopornographiques, la Commission européenne a pour projet d’imposer de nouvelles obligations aux fournisseurs de services en ligne pour lutter contre ce problème. Ce 11 mai, elle a proposé une série de règles pour empêcher l’utilisation de ces services à des fins d’abus sexuels sur des enfants. Avec celles-ci, les prestataires seraient tenus de détecter, signaler et supprimer les images pédopornographiques.

Dans le détail, Bruxelles prévoit d’obliger les plateformes à évaluer le risque qu’elles soient utilisées à mauvais escient pour diffuser du contenu pédopornographique ou pour la sollicitation d’enfants par des pédophiles. Elles devraient aussi proposer des mesures d’atténuation de ces dangers. De plus, des autorités nationales désignées par les États membres seraient chargées de surveiller que les plateformes remplissent ces obligations. Elles auraient la capacité de demander à un tribunal ou à une autre autorité d’émettre un ordre de détection de contenu pédopornographique lorsqu’elles déterminent qu’un risque important subsiste. Une mesure qui inquiète par rapport à la vie privée.

Une proposition inquiétante pour la vie privée

La Commission est consciente des risques que cette règle peut poser vis-à-vis de la confidentialité. Elle précise que les ordres seront ciblés et limités dans le temps, mais aussi que les technologies de détection mises en place par les entreprises devront uniquement servir à repérer des abus sexuels sur enfants. Les fournisseurs de services seraient obligés de déployer des technologies les moins intrusives possibles pour la vie privée et ceux recevant un ordre de détection pourraient seulement détecter un contenu à l’aide d’indicateurs vérifiés et fournis par un nouveau centre européen de lutte contre les abus sexuels sur les enfants (Centre de l’UE). Cette agence indépendante serait notamment chargée de recueillir les signalements des plateformes.

Malgré cela, la proposition de Bruxelles en préoccupe plus d’un. Pour Jen Penfrat du groupe européen des droits numériques, elle s’apparente à une loi de surveillance « honteuse » et « entièrement inadaptée à toute démocratie libre ». Membre du Parlement européen, Moritz Körner considère, lui, que si la Commission « s’en tirait avec cette proposition, la confidentialité de la correspondance numérique serait morte », ajoutant que « les entreprises privées seraient obligées de jouer les gendarmes, d’espionner leurs clients et de les dénoncer à l’État ».

Le projet de règlement indique en effet que les fournisseurs ayant détecté des contenus pédopornographiques devront les signaler au Centre de l’UE. Les autorités nationales seraient également habilitées à émettre des ordres de retrait s’ils ne retirent pas rapidement le contenu en question. Les fournisseurs d’accès à Internet devraient, en outre, désactiver l’accès aux images et vidéos ne pouvant pas être supprimées car « elles sont hébergées en dehors de l’UE dans des juridictions non coopératives » par exemple.

La question de l’équilibre entre vie privée et sécurité

En dehors du projet de la Commission, la question de la vie privée par rapport à la lutte contre la pédopornographie en ligne est un problème depuis bien longtemps. C’est la raison pour laquelle Apple avait annoncé prendre du temps supplémentaire concernant sa fonctionnalité destinée à protéger les enfants contre les photos dénudées dans les messages l’année dernière. De même, Meta a fini par reporter l’arrivée du chiffrement de bout en bout sur Messenger et Instagram après avoir été critiquée par rapport à la lutte contre les abus sur les plateformes.

Si le projet de règlement de Bruxelles est adopté, il remplacera les règles provisoires approuvées par le Parlement en juillet 2021. Elles permettent aux fournisseurs de services d’employer des technologies pour détecter, supprimer et signaler les contenus pédopornographiques, mais uniquement de manière volontaire. Un problème pour la Commission qui indique d’ailleurs que 95% de l’ensemble des signalements d’abus sexuels reçus en 2020 provenaient d’une seule entreprise, à savoir Facebook, alors que ce phénomène n’existe pas que sur une seule plateforme.

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Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste
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