Les années 1990 et Pamela Anderson sont indissociables. L’actrice a marqué les esprits de toute une génération. Aujourd’hui, elle connaît un retour de hype. Preuve que, malgré l’ambivalence qu’elle a toujours suscitée, la fascination est encore là.
C’est comme si le monde s’arrêtait de tourner quand les téléspectateurs voyaient C.J. Parker courir sur la plage, dans Alerte à Malibu. Incarné par Pamela Anderson, ce personnage a lancé sa carrière, mais l’a surtout propulsée au rang de sex-symbole, grâce à l’alléchant triptyque : maillot échancré rouge, plastique de rêve, et blond peroxydé. On connaît d’elle autant de mariages que de divorces, la première sex-tape à avoir enflammé Internet, les couvertures de Playboy, mais aussi ses engagements politiques.
Récemment, cette bimbo trash des temps modernes est revenue sur le devant de la scène grâce à la série Disney+ Pam & Tommy. Elle réalisera aussi son propre documentaire pour Netflix, dans une tentative de rétablir la vérité sur le traitement de son image. Preuve que sa vie et – quoiqu’on en pense – son œuvre n’ont pas fini de passionner la pop culture.
Une icône des années 1990
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Pamela Anderson n’a pas été élevée sous le soleil de la Californie, mais au Canada. Elle y vit une enfance modeste avant de déménager à Vancouver pour devenir professeure de fitness. Sa carrière décolle quand elle est repérée par une marque de bière, lors d’un match de football. Après avoir été le visage de Labatt, elle devient l’une des figures emblématiques de Playboy, et posera au total 14 fois en couverture du magazine de charme entre 1989 et 2016. Un record.
Les années 1990 sont importantes pour le mensuel érotique. Si le symbole de la playmate a disparu de nos jours, son impact sur la libération sexuelle et la notoriété qu’il a construit pour certaines de ses mannequins n’est pas négligeable. Pamela Anderson est le fer de lance de cette génération, alors que Playboy est devenu un vivier de jeunes et jolies actrices, fournissant de nombreuses beautés en maillot de bain pour Alerte à Malibu.
Série culte des années 1990, et comptant parmi l’une des plus vendues et diffusées à travers le monde, Baywatch sacralise Pamela Anderson. C’est d’ailleurs ce que pointe Jennifer Padjemi, autrice de Féminismes et Pop Culture (éd. Stock, 2021). « Dans la pop culture, Pamela Anderson c’est le maillot rouge, c’est Alerte à Malibu. C’est le fantasme masculin de cette femme blonde au corps parfait qui court les cheveux au vent. C’est la figure idéalisée par Hollywood, mais aussi par les tabloïds. »
Le show ne lui permet pas de dévoiler toute la subtilité de son jeu, et a même tendance à lui coller à la peau. Car ce qui intéresse avant tout, ce sont ses romances devant et derrière la caméra. D’abord avec David Charvet, sa co-star sur Alerte à Malibu, puis, à partir de 1995, avec le batteur de Mötley Crüe, Tommy Lee. Le duo presque cliché de la California girl et du bad-boy symbolise la folie de toute une époque, entre sexe, drogues et rock’n’roll.
De leur mariage sur les plages du Mexique, chargé en opiacés, quatre jours après leur rencontre, à la fameuse sex-tape volée dans leur résidence, le couple mène une vie aussi sulfureuse que scandaleuse. La pop culture est alors différente. Internet est encore balbutiant et les réseaux sociaux n’existent pas. Un constat qui permet à la romance de Pam et Tommy de signer une alliance mémorable entre le cinéma et la musique.
Pamela n’est jamais très loin des projecteurs
Conséquence des années 1990, les années 2000 sont loin d’être glorieuses pour l’actrice. Après son divorce, Pamela Anderson enchaîne les navets. Après le nanar Barb Wire (1996) vient l’échec de Blond and Blonder (2007). Malgré une autodérision amusante quant à sa plastique et son image, elle se contente de quelques apparitions dans des comédies comme Scary Movie 3 (2003) et Borat (2006). « Il y a quand même eu une période de disette, constate Jennifer Padjemi. Les retombées de la sex-tape et le comportement des tabloïds, avant la grande époque Kim Kardashian, ont eu un impact sur sa carrière artistique. »
Néanmoins, Pamela Anderson n’a jamais quitté le feu des projecteurs et ceci entretiendra le mythe autour de son image. À partir de 2008, elle se tourne vers la télé-réalité et les émissions télé. Avec la série documentaire Pam : en toute Liberté, elle invite – cette fois-ci – le public dans son intimité, après avoir déjà raconté dans son autobiographie fictive (Star, 2005), ses débuts et les coulisses du show-business.
Bien que peu divertissante, cette émission lui offre une plateforme pour dévoiler l’envergure de son activisme envers les animaux. Engagement en faveur de l’organisation PETA, boycott des chaînes de fast-food et une intervention marquante à l’Assemblée nationale française pour dénoncer le gavage des canards et des oies, sont autant d’actions menées par l’actrice ces 20 dernières années.
Son militantisme a néanmoins fait l’objet de moqueries, à l’instar de son statut. Le public adore la critiquer et ne lui offre aucune légitimité en raison de son physique. « Elle est plébiscitée d’une façon contradictoire, car il y a la surprise de découvrir ce fantasme prendre position. Ceci dépend évidemment de la réception du public, il n’attendait pas ça d’elle. Aujourd’hui, on découvre que c’est un personnage multiple et qu’elle peut s’exprimer. »
« Une trajectoire féministe »
Cette voix lui permet désormais de reprendre le contrôle de son histoire. Un choix qui la rapproche du féminisme aujourd’hui, selon Jennifer Padjemi. « S’il n’y a qu’elle pour se définir féministe, on peut dire que sa trajectoire est féministe. Car elle a été agressée sexuellement jeune, car elle a été victime de violences conjugales, car plutôt que d’avoir honte de son corps, elle en a fait un atout, un argument commercial. Elle a retourné un stigmate qui aurait pu lui être fatal. Sa carrière en a souffert, mais on sait encore qui c’est. Elle n’a jamais disparu des médias. »
L’effervescence autour de la série Pam & Tommy et l’annonce d’un documentaire Netflix devraient l’ancrer plus solidement dans la pop culture contemporaine. Non seulement ces contenus permettent de comprendre ce qu’il s’est passé dans les années 1990, mais il y a aussi un nouvel attrait pour cette époque à laquelle Pamela Anderson appartient dans notre imaginaire collectif.
Un symbole de la pop culture aussi fascinant que clivant
Ce regard dans le rétro participe à en faire l’icône d’une génération, bien que Jennifer Padjemi alerte sur l’utilisation de ce terme : « Il faut faire attention au mot icône. Il y a certes une iconisation, car on connaît à peu près tout d’elle sans avoir vu Alerte à Malibu. Son image est ancrée dans l’inconscient commun et ça fait partie du processus d’iconisation. Mais elle n’a pas la même aura que certaines célébrités. J’aurais tendance à la comparer à Monica Lewinsky dans la manière qu’elle a de devenir un exemple pour les femmes qui ont été humiliées et comment elles reprennent le dessus sur leur histoire. »
On retrouve aussi cette fascination pour l’archétype de la beauté traditionnelle. Le mythe de la blonde, blanche, aux yeux bleus, passée par le bistouri et qui n’est finalement que la continuité de l’image véhiculée des années plus tôt par Marilyn Monroe. Néanmoins, il se dégage de son image une ambivalence. Comme l’explique Jennifer Padjemi, « celle-ci découle du clivage entre la proximité qu’on a avec elle, cette vulnérabilité qu’elle dégage, et cette part de mystère qu’elle conserve. La fascination autour de Pamela Anderson passe par le fait qu’elle est à la fois sexy et vulgaire. Elle est liée au rejet et à l’admiration de la société. »
Cette dualité est un facteur important, qui explique pourquoi Pamela Anderson occupe une place inédite dans la pop culture. Véritable bimbo des années 1990, elle symbolise le point d’ancrage d’une époque, de sa complexité et de ses vices. Mais, de nos jours, c’est plus qu’un maillot de bain rouge et pléthore de conquêtes masculines. La prise de conscience contemporaine autour de son image pourrait favoriser la percée d’une nouvelle facette. Peut-être est-il temps de gratter la couche d’autobronzant ? Espérons que le documentaire Netflix soit un outil majeur, si ce n’est un pas de plus vers une potentielle iconisation.