À l’occasion de la diffusion sur HBO Max de la série The Penguin, The Batman de Matt Reeves revient le 30 août et le 1er septembre 2024 dans les salles obscures. De quoi nous replonger dans notre critique du long-métrage, sorti en 2022 avec un Robert Pattinson sombre et taciturne.
Lourde tâche que d’insuffler de l’authenticité à un personnage si usé, si lourdement référencé de film en film et habité par tant d’acteurs (Michael Keaton, Val Kilmer, Christian Bale et plus récemment Ben Affleck) au fil des années. Fort heureusement, le film de Matt Reeves prend un virage assez radical en déployant sa propre vision grunge et néo-noire du célèbre justicier de Gotham City sur près de trois heures de film.
The Batman se démarque ainsi d’entrée de jeu du tout-venant des blockbusters contemporains en démarrant in medias res : nulle scène pré ou post générique, pas de nouvelle itération d’une même origin story déjà jouée à toutes les sauces, ni univers étendu ou épisode à rattraper avant de pouvoir se plonger pleinement dans l’obscurité d’une salle de cinéma, comme il se doit.
Wayne’s World
Robert Pattinson prête alors ses traits à un Batman arpentant les ruelles sombres de Gotham depuis deux ans, pas encore totalement à l’aise mais comme déjà lassé par l’exercice, « animal nocturne » prêt à surgir de l’ombre, tenant un journal de bord et narrant en voix-off ses observations dépitées d’une ville rongée par le vice, tel Travis Bickle dans Taxi Driver (Martin Scorsese). Étonnement, Pattinson reste longtemps masqué avant de dévoiler son visage fatigué, quasi exsangue, renforçant cette impression que la panoplie de Batman s’imprime sur son corps comme le prolongement organique de la fêlure du personnage de Bruce Wayne.
Sans équivoque, Matt Reeves renoue avec l’essence des comics et le rôle de détective de Batman. Ponctué par quelques scènes d’action rondement menées – à l’instar d’une scène de course poursuite nocturne déjà culte, avec un Colin Farrell méconnaissable dans la peau du Pingouin -, le film de Reeves manie plus ou moins habilement ses propres enjeux et son écho avec notre époque, à l’image du Riddler (Paul Dano), dont le mode d’action et les motivations résonnent étrangement avec l’assaut du Capitole en 2021.
Mais le trait « auteuriste » de The Batman est dans l’ensemble si appuyé qu’il en devient parfois presque grossier, comme la boursouflure d’un film théoriquement trop chargé – les références plus ou moins appuyées au film noir, au Nouvel Hollywood (à commencer par les films de Paul Schrader) ou encore aux Se7en (1996)et Zodiac (2007) de David Fincher vont bon train – dont l’esthétique, viscérale et crépusculaire, mais occupée à faire bonne impression, recouvre finalement d’un voile les lacunes d’un scénario bien trop encombré.
Malgré un dernier acte expédié, peu engageant et un manque global de fluidité jouant en sa défaveur, The Batman demeure une tentative audacieuse faisant le pari de la nuit, du contraste, du clair-obscur ; un fait d’armes notable à l’heure des blockbusters super-héroïques sans zones d’ombres.
The Batman de Matt Reeves – 2h55 – avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Jeffrey Wright, Paul Dano, Colin Farrell, John Turturro, Andy Serkis – en salles le 2 mars 2022