Diffusée à partir du 18 décembre, cette mini-série en quatre épisodes créée par Hélène Duchateau et réalisée par Nicolas Maury explore avec délicatesse les liens affectifs à l’épreuve du temps.
En 1724, Antonio Vivaldi prêtait à chaque saison une identité singulière : la chaleur écrasante de l’été, la douceur pastorale du printemps, les danses de l’automne ou la rigueur de l’hiver. La série imaginée par Hélène Duchateau n’entretient aucun lien direct avec le chef-d’œuvre musical, si ce n’est cette même intuition : découper le temps en mouvements distincts pour mieux saisir les métamorphoses de l’existence.
Quatre épisodes pour quatre saisons, et autant d’étapes de la vie. Le récit suit Camille, Alexandre et Martin, liés depuis l’adolescence par un triangle amoureux aussi incandescent que destructeur. Leur histoire se déploie sur 30 ans, avec pour point de gravité une maison familiale aux Sables-d’Olonne, refuge et théâtre des passions, tandis que l’amitié, l’amour et la trahison se recomposent au fil des décennies.
Diffusée sur Arte à partir du 18 décembre, cette oeuvre offre une approche réaliste et sensible des relations humaines, portée par une mise en scène de Nicolas Maury attentive au passage du temps. Les interprètes – Stéphane Caillard, Lucas Bravo et Abraham Wapler notamment – accompagnent cette chronique mélancolique avec justesse. Plus qu’une saga sentimentale, la série dessine un récit de fraternité et de désillusions.
L’été 1991
L’été pose les bases de l’histoire dans une lumière trompeusement douce : une saison de l’insouciance, des premiers désirs et des premiers déséquilibres. La réalisation s’attache à retranscrire ces sentiments encore mal définis dans une esthétique proche de la carte postale, où l’image se pare de couleurs vives, traversée d’un voile nostalgique qui parlera à celles et ceux ayant grandi au début des années 1990.

L’épisode s’ancre dans le contexte de l’époque : la guerre du Golfe ainsi qu’une année difficile pour le monde de la pêche, marquée par des tensions autour de la Politique commune européenne, donnent à cette jeunesse une épaisseur sociale et historique.
On notera enfin le soin apporté aux décors pour reconstituer cette période – comme dans les autres chapitres –, ici sur fond de Désir, désir par Laurent Voulzy, clin d’œil thématique. Marysole Fertard donne corps à cette adolescence traversée par le désir et les interdits, dans une maison familiale marquée par une figure maternelle malheureuse.
L’automne 2001
L’automne opère un glissement vers le déclin. L’épisode se construit autour du mariage de la protagoniste avec l’un des deux garçons, moment de célébration en apparence, rapidement traversé par des tensions. À mesure que la journée avance, jalousies, frustrations et paroles longtemps contenues viennent fissurer la fête. Duchateau privilégie une dramaturgie de l’usure plutôt que de la rupture, laissant l’alcool, les regards et les silences altérer progressivement l’illusion de légèreté.

Le changement d’interprètes accentue cette perte d’innocence. Lucas Bravo (loin de son rôle dans Emily in Paris) et Abraham Wapler (vu récemment dans Young Millionaires) donnent à Alexandre et Martin une gravité nouvelle. Face à eux, Ophélie Bau, dans le rôle de Jenny, l’amie fidèle, incarne une forme de stabilité affective, contrepoint lumineux. Coming out, maladie, dysfonctionnements familiaux, doutes… L’épisode poursuit la ligne de la série : observer comment les vies se déforment lentement, toujours dans un contexte historique – ici, les attentats du 11 septembre.
Hiver 2010
L’hiver correspond au moment des épreuves. Le récit traverse sa zone la plus sombre, abordant de front la mort, le deuil, la vieillesse et la rupture, sur fond des conséquences de la tempête Xynthia, miroir de vies fragilisées.

La mise en scène accompagne ce resserrement. Les couleurs se font ternes, l’image froide, humide, rompant définitivement avec l’esthétique solaire des débuts. Les plans fixes instaurent une forme d’immobilité tandis que certaines scènes nocturnes se distinguent par un travail de lumière. Géraldine Pailhas approfondit la figure de la mère détestable et artiste inaccomplie, source de blessures. Bravo et Caillard rendent tangible la dégradation d’un couple qui se délite et Martine Chevallier, enfin, incarne une grand-mère confrontée à la fin de vie, donnant à voir la sénilité.
Printemps 2022
Le printemps, ultime mouvement de la chronique, apporte une forme de résolution à un récit qui n’a pas idéalisé l’amour. Duchateau fait revenir Marysole Fertard pour incarner la fille de la protagoniste, Romane, marquée par l’absence à la fois physique et affective de sa mère. À travers ce personnage, la série dessine sa logique de transmission des blessures d’une génération à l’autre. Le contexte post-pandémique accentue ce portrait d’une jeunesse repliée sur elle-même, en manque de repères, cherchant des échappatoires.

Pourtant, quelque chose s’ouvre. Le pardon affleure, les regrets se formulent et les relations, timidement, se retissent. Avec ce point final, la série suggère que, plus qu’une histoire d’amour, elle raconte la persistance des liens – et que l’amitié, familiale ou choisie, résiste parfois mieux au temps que les passions.