En plein essor depuis plusieurs années en France, l’astrologie s’offre une seconde jeunesse auprès d’une génération de jeunes femmes connectées, qui associe cette pratique ésotérique à des notions de psychologie et de développement personnel. Dans un monde du travail toujours plus stressant, l’astro-coaching a de beaux jours devant lui.
Selon une enquête YouGov/Fémina datant d’août 2020, 28 % des Français croient à l’astrologie. Les femmes culminent à 35 %, (contre 20 % pour les hommes). Parmi les 18-24 ans, 46 % assurent avoir déjà pris une décision en fonction de leur horoscope. Cette tendance de fond s’observe depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux, où une nouvelle génération d’astrologues capable de créer du contenu sur Instagram, puis sur TikTok (où le hashtag #astrocoaching cumule plus de 9 millions de vues), a fleuri.
Parmi elles, Léna Nicole est tombée « dans la marmite de l’astrologie » il y a huit ans. Séduite par une formation proposée par une astrologue sur Instagram, cette ancienne consultante en référencement dans le digital quitte son CDI pour se lancer dans l’entrepreneuriat. Elle devient astro-coach, un mot-valise qui désigne les astrologues tournés vers le développement personnel et non l’astrologie de prédiction. En un mot, Léna n’est pas Madame Irma !
Spécialisée dans la conscience de soi, elle précise : « L’astro-coach accompagne sur un point de blocage qui vient sans doute d’une vulnérabilité vécue par le passé ou de quelque chose dont la personne a besoin. L’astro-coach est le messager du GPS – qui est le thème astral – pour aller concrétiser son rêve ou son objectif. » Léna confie avoir accompagné près de 400 personnes en un an et demi.
La rencontre entre bilan de compétences et astrologie
Appliqué à des problématiques professionnelles, l’astro-coaching se veut une aide complémentaire à un bilan de compétences traditionnel, qui va révéler les soft skills (il s’agit d’aptitudes psychosociales, comme l’intelligence relationnelle) de la personne. « Le thème astral parle beaucoup de s’accomplir en respectant son rythme. Il va éclairer les domaines où la personne pourra le plus nourrir son cœur. C’est un mode d’emploi pour créer son abondance financière, obtenir de la reconnaissance avec ses talents et, en même temps, il n’enferme pas dans une case en disant : “Tu dois être psy, tu dois être boulanger ou pharmacien“. »

Trouver sa voie professionnelle grâce aux astres ? Encore faut-il y croire ! En effet, l’astrologie ne relève pas d’une science, mais d’un ensemble de croyances et de pratiques fondées sur l’interprétation symbolique des correspondances supposées entre les configurations célestes (la position et le mouvement des planètes du système solaire).
Burn-out astral
Avant de se lancer dans le domaine de l’astrologie, Léna a connu deux burn-out, soit un épuisement professionnel généralisé. Le sujet lui tient à cœur. « Je n’étais pas du tout faite pour être salariée. Il fallait que je sois libre dans mon quotidien, parce que j’avais vraiment le syndrome de la bonne élève. Donc, je m’épuisais. Le thème astral parle beaucoup des mécanismes qu’on a dans le travail, par rapport à l’autorité, aux besoins de liberté et de créativité », explique-t-elle.
Depuis trois ans, Léna s’est tournée vers la formation d’astro-coachs, après avoir reçu plusieurs demandes en ce sens. Et elle a constaté que plusieurs d’entre elles avaient aussi vécu des burn-out. Elles souhaitaient se spécialiser dans l’accompagnement d’une reconversion ou axaient leur formation sur l’aspect professionnel. Par exemple, Audrey (Dare to Shiine sur Instagram) propose des conseils astro aux entrepreneurs quant à la meilleure façon de gérer leur business.
Si, effectivement, le monde du salariat peut se révéler oppressant et que les métiers de freelance (1,2 million de personnes sont freelances en France, dont 45% de femmes) et d’indépendants ne cessent de gagner du terrain, sans parler du rêve de créer son entreprise florissante, la question du burn-out ne peut être réduite à une gestion personnelle.

La multiplication des épuisements professionnels ces dernières années apparaît aussi systémique. On nous en demande toujours plus dans un monde ultracapitaliste dopé à la performance. Reste qu’en attendant de changer le monde, chacun cherche des solutions pour vivre sans y laisser sa santé mentale.
Les femmes et l’astro-coaching
Sur la question des dérives, inévitables quand on s’approche des pratiques alternatives, Léna n’en a pas constaté elle-même. Elle concède que cela doit exister, « comme dans tous les domaines ». En revanche, dans ses formations d’astro-coaching, elle conseille à ses apprenties de « ne pas se prendre pour Dieu » et de « poser ses limites », en conseillant par exemple à une personne un suivi thérapeutique quand le besoin s’en fait sentir. Les garde-fous restent tout de même minces. À l’image du monde du coaching en développement personnel, cette profession ne possède aucun cadre déontologique et n’a de comptes à rendre à personne.

On constate aussi que ce boom de l’astrologie en France ces dernières années est majoritairement féminin. Les raisons en sont multifactorielles. D’abord, la science a longtemps maltraité les femmes. Elle a longtemps été instrumentalisée dans le but de prouver leur infériorité (de même pour les minorités). De nos jours, les femmes subissent encore des violences obstétricales et le manque de recherches dans le domaine de la santé féminine reste flagrant.
Il n’est donc pas si étonnant qu’elles se soient tournées vers des pratiques ésotériques. « Il y a aussi le goût pour la pensée magique qui donne des réponses réconfortantes face à l’angoisse existentielle. […] C’est le cas des croyances New Age qui se développent en ce moment », explique Élisabeth Feytit, co-autrice du livre L’astrologie, ça marche !… Trop : itinéraire d’un astrologue déchu (La Route de la soie, 2020).

Enfin, dans un monde professionnel toujours hostile aux femmes (elles restent moins payées à poste et salaire égaux, subissent du harcèlement sexuel et moral), l’univers de l’astrologie, dominé par les femmes, fait figure de refuge. En formant plus de 800 astro-coachs, Léna a créé une communauté sororale. « Il y a vraiment une forme de soutien. Elles ne se lancent pas toutes seules. Elles ont leurs copines du mentoring avec qui elles s’entraident. Et, comme elles ne se spécialisent pas sur les mêmes thématiques, elles ne sont pas vraiment en concurrence. » Son carnet de formation ne désemplit pas.
Comme le rappelle Élisabeth Feytit, l’astrologie, comparable à une religion en moins dogmatique, peut pousser « à accepter d’autres discours ésotériques ou complotistes » et provoquer une « escalade de l’engagement ». Mais on comprend l’attrait des femmes pour l’astrologie, qui leur promet de trouver une confiance en soi, un travail plus épanouissant et tout simplement un peu de sens dans un monde qui en manque singulièrement.