Perplexity, l’alternative la plus crédible à ChatGPT, veut réinventer notre manière de naviguer sur le Web. Son nouveau navigateur, Comet, intègre l’intelligence artificielle à chaque clic. Promesse d’efficacité ou dérive vers une navigation sous assistance ? Je l’ai testé pendant quelques semaines.
Et si votre navigateur web pensait avec vous ? C’est la promesse de Comet, le nouveau navigateur lancé par Perplexity, l’entreprise américaine à l’origine de l’outil de recherche conversationnel du même nom. Pensé comme une fusion entre Google Chrome et ChatGPT, Comet veut réinventer notre rapport à Internet, avec une très grosse pincée d’intelligence artificielle, évidemment. D’abord accessible uniquement aux abonnés payants, l’outil est, depuis quelques jours, disponible pour toutes et tous, gratuitement.
Fini les dizaines d’onglets ouverts, place aux résumés intelligents, aux recherches contextuelles et aux assistants intégrés. Avec Comet, chaque onglet devient un assistant à part entière. Curieuse de ce que ça pouvait donner à l’usage et si ce navigateur pouvait remplacer Chrome, Edge ou Safari, j’ai testé l’outil pendant plusieurs semaines pour voir s’il tenait sa promesse d’un Web plus fluide… et plus intelligent.
Le “Netflix de la navigation” est arrivé
Dès l’ouverture, le ton est donné : la page d’accueil n’est pas une barre de recherche, mais une conversation. « Posez une question. Tapez @ pour mentions et / pour raccourcis », m’indique Comet. Je tape : « Compare l’iPhone 16 et le Samsung Galaxy S24 Ultra pour la photo. » En moins de dix secondes, le navigateur me sert une synthèse structurée, avec tableau comparatif, sources citées, les points forts de chaque modèle et une conclusion comparative dans laquelle Comet… ne prend pas parti. « Dans tous les cas, chaque modèle possède ses points forts, le choix dépendra surtout de vos préférences en matière de rendu photo, de workflow et de polyvalence en zoom », écrit-il.
Ce n’est pas une page Perplexity ouverte dans le navigateur, mais bien le navigateur lui-même qui fait le travail. Une nuance qui change tout : Comet ne se contente pas d’afficher le Web, il l’explore et en extrait l’essentiel pour vous. Et vous donne la réponse qui lui semble la plus adaptée à votre profil.

Quand la recherche devient action
Contrairement aux intégrations timides de Gemini (Chrome) ou Copilot (Edge), Comet ne se contente pas de répondre. Il agit. Pour tester ses capacités, je lui demande : « Trouve-moi un restaurant italien à Lyon, bien noté, ouvert ce soir. »
Plutôt que de me renvoyer une liste de liens, Comet a fouillé le Web, mixé de nombreuses infos de sources différentes (dont les notes Google, TheFork, TripAdvisor, etc.), puis affiche trois options précises, avec les horaires, le menu et des liens vers leurs sites officiels (pas toujours valides…). Parfait ? Le hic est que, si je réitère exactement la même question dans une autre fenêtre, Comet me propose trois autres adresses complètement différentes. De quoi remettre en cause sa réelle capacité de jugement. Peut-être que chacun des restaurants listés est tout à fait adapté – Lyon est suffisamment réputé pour sa gastronomie –, mais cela sème néanmoins le doute sur le fait que Comet a peut-être choisi un peu au hasard…
Dans l’idéal, on aurait aimé que le navigateur intelligent aille encore un cran plus loin en proposant dès sa première réponse des liens de réservations, voire en préremplissant la réservation avec mon nom et mon adresse mail, connectés à Perplexity depuis mon compte Google. Lorsqu’on compare avec Google, la différence saute aux yeux : la même requête y renvoie instantanément les bons liens, là où Comet met dix à quinze secondes pour des résultats parfois hors sujet. Une fois, il a fini par me renvoyer vers… des sites d’annuaires d’entreprises. Pour le coup, le navigateur dopé à l’IA avait tout faux. Et la simplicité a parfois du bon…
Un assistant qui suit (un peu) le fil
Là où Comet se distingue, c’est dans la continuité d’une tâche. Après une recherche, l’assistant garde le contexte et propose parfois des actions liées, comme enregistrer l’adresse dans un favori thématique, réserver un billet pour un spectacle, générer un itinéraire, créer un rappel dans le calendrier, ou ouvrir un « fil » pour comparer des options similaires sans repartir de zéro. Par exemple, j’avais comparé un iPhone avec un Samsung. Deux jours plus tard, il a suffi que j’ouvre une nouvelle fenêtre et que je demande d’ajouter le dernier Google Pixel au comparatif, sans repréciser les deux autres modèles, pour que Comet comprenne ma requête et compare les trois dans un tableau. Un bon point.
En outre, si on ouvre une page web avec un long texte, une étude ou un article, par exemple, une option du navigateur permet, d’un clic, de créer un résumé, d’en extraire les points clés pour survoler plus rapidement le contenu et vérifier s’il est opportun de creuser la question. C’est bien pratique. En revanche, la profusion de suggestions contextuelles peut encombrer visuellement. On finit par ne plus en tenir compte tant il y en a et de manière systématique. Assez contre-productif in fine.

Productivité : trois scénarios concrets
Rédaction-Rapport. Je colle le lien d’un PDF académique : Comet me sort un résumé et quelques chiffres clés. Utile pour cadrer une idée, à condition de repasser derrière pour vérifier les sources et éviter les simplifications.
Achats. Je cherche « un casque Bluetooth confortable pour télétravail + train ». Comet dresse une short list (Bose, Sony, Sennheiser), arguments à l’appui. Bien vu pour synthétiser tests et avis, moins bon pour les prix : les liens renvoient parfois vers des tarifs datés ou des erreurs 404.
Organisation. Je lui demande de regrouper mes invitations partagées dans Gmail et de me proposer un planning (pour cela, il a fallu avant donner accès à toute ma suite Google à Comet). Le navigateur identifie correctement les événements et suggère des créneaux de trajets, mais se montre parfois trop ambitieux : il « optimise » sans tenir compte des marges réelles et des temps de déplacement.
Les angles morts : cohérence, sources, confidentialité
La cohérence varie : sur des requêtes quasiment identiques, les réponses peuvent différer sensiblement (comme le montre le test des restaurants à Lyon). En cause : la pondération des sources et la fraîcheur des données. Pour un usage serein, il faut accepter une part d’aléa – et recouper les infos.
Côté sources, l’effort de transparence est réel (liens cités, aperçu des pages consultées), mais il arrive que l’assistant privilégie des agrégateurs ou des annuaires au détriment des sites officiels. Pour des achats ou des réservations, ça fait une vraie différence.
Peut-il remplacer Chrome, Edge ou Safari ?
Pour de la veille et des comparatifs rapides, oui : Comet fait gagner un temps précieux. Pour des actions transactionnelles (réserver, acheter), il reste moins fiable qu’un parcours manuel bien rodé – surtout si l’exactitude des prix, des horaires et des coordonnées est critique, ce qui est quasiment toujours le cas.
Je l’ai aussi testé pour préparer un week-end à Barcelone : recherche d’hôtel, d’activités, de restaurants, création d’un itinéraire sur deux jours. Comet a rassemblé les infos principales, généré une carte, proposé un itinéraire logique et même ajouté une estimation budgétaire. Pratique, mais parfois trop zélé : l’IA suggère sans prévenir de réserver certains lieux via des partenaires qu’elle « recommande ». Autrement dit, une aide efficace, mais qui a tendance à décider un peu à votre place.
En termes d’ergonomie, le navigateur a ses atouts, comme la page d’accueil en mode chat, les raccourcis « / » pour les actions (résumer, comparer, traduire, lister), « @ » pour mentionner une page déjà ouverte… Bien pensé pour passer de la lecture à l’action sans perdre le fil.
Selon nos observations, Comet consomme par ailleurs un peu plus qu’un navigateur comme Chrome. À avoir en tête, donc. En revanche, un bon point, c’est la possibilité de « débrayer » de l’IA : lorsqu’on commence à taper une recherche dans le champ URL du navigateur, on a le choix entre passer la requête à Perplexity ou à Google. Bien pratique, et un bon argument pour tester ce nouveau navigateur sur le long terme.

Verdict : on adopte Comet ou pas ?
Le navigateur donne un avant-goût très crédible d’une navigation « assistée » : moins d’onglets, plus d’actions, et une vraie capacité à transformer une recherche en tâche suivie. Il reste difficile de lui faire pleinement confiance : Comet peut se tromper sans que l’on s’en aperçoive. Et, dans certains cas, une bonne vieille recherche Google garde encore tout son intérêt. Comet n’est pas (encore) le navigateur parfait, mais c’est déjà celui qui interroge le mieux notre manière de surfer : entre confort et confiance, le vrai test ne fait que commencer.