Dans Val, documentaire présenté au dernier Festival de Cannes, l’acteur Val Kilmer s’essaye à une autobiographie quasi exhaustive, d’une enfance heureuse soudainement frappée par la tragédie à une carrière hollywoodienne en dents de scie.
Dans ce documentaire réalisé par Leo Scott et Ting Poo, l’acteur américain Val Kilmer se raconte à travers les images qu’il a lui-même enregistrées tout au long de sa vie, comme un miroir toujours tourné vers soi dont la forme est nécessairement vouée à évoluer au fil du temps, au gré de la résolution des caméscopes. Kilmer se confie alors sur sa carrière, son enfance, sa famille – notamment la perte irréparable de son jeune frère, Wesley – son rapport à la scène et ses frustrations en tant qu’acteur destiné à gravir les pentes d’Hollywood. Atteint en 2015 d’un cancer du larynx qui le prive de sa voix, Kilmer articule péniblement quelques mots à l’aide d’un bouton placé sur sa gorge. L’acteur laisse le soin à son fils, Jack Kilmer, de narrer l’essentiel du film à sa place. Le film plonge alors le spectateur dans une étrange dissonance cognitive, entre le souvenir d’un Val Kilmer stratosphérique – à l’affiche de Top Gun (1986), Willow (1988), Tombstone (1993), Batman Forever (1995), Heat (Michael Mann, 1995) ou encore dans la peau de Jim Morrison dans The Doors d’Oliver Stone (1991), certainement son plus grand rôle – et l’image d’un acteur à bout de souffle, passant son temps à vendre « une ancienne version de soi », injectant d’ailleurs au film une dose de pathos un peu trop excessive.
En exhumant et en agençant ces images, les réalisateurs font néanmoins émerger l’autoportrait étonnant d’un acteur hollywoodien destiné dès son plus jeune âge à monter sur les planches, prêt à se fondre corps et âme dans ses personnages. C’est paradoxalement cette obsession pour la composition et pour la création artistique qui lui vaudra, dans les années 1990, une réputation d’acteur difficile à gérer sur les plateaux – on se délecte du tournage chaotique de L’île du docteur Moreau, avec un Marlon Brando mégalo et hors de contrôle. Val recèle de scènes cocasses, comme ses débuts sur scène face aux jeunes Sean Penn et Kevin Bacon, un tout jeune et insouciant Tom Cruise célébrant la sortie de Top Gun ou encore les cours de Kilmer à la prestigieuse Juilliard School (New York), dont une lecture mémorable face au professeur de théâtre et metteur en scène Peter Kass, certainement un tournant dans sa vie d’acteur. « Il n’y aucune limite à la capacité de l’acteur d’avoir de l’expérience, même ce qui n’est pas une expérience consciente de votre vie (…) Il n’y a rien que vous n’ayez ni expérimenté ni connu ! ». Kilmer l’a sans doute pris au pied de la lettre, à ses risques et périls.
Au fond, peut-être aurait-il fait meilleur acteur de théâtre que de cinéma. Val Kilmer, dont le dernier grand rôle au cinéma remonte à Twixt (2012) de Francis Ford Coppola s’est notamment passionné pour la figure de l’écrivain et humoriste Mark Twain, souvent considéré comme le pionnier du stand up, qu’il a interprété dans un seul en scène à succès puis dans un long-métrage halluciné et auto-financé, dont les images hantent la fin de Val et ont le mérite d’échapper au storytelling très convenu et un brin larmoyant du reste du film.
Val de Ting Poo et Leo Scott – avec Val Kilmer, Jack Kilmer – 1h48 – disponible en VOD à partir du 20 janvier 2022