Quand Netflix sort une nouvelle création d’Álex Pina et Esther Martínez Lobato, ça ne passe pas inaperçu. Billionaires’ Bunker (El refugio atómico en version originale) débarque ce 19 septembre sur la plateforme, promettant un huis clos nucléaire mêlé à une satire sociale.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’abri souterrain où Hitler se suicida, jusqu’aux dérives survivalistes contemporaines – les tutoriels YouTube empilent des millions de vues –, les bunkers fascinent par leur paradoxe : à la fois conçus comme des refuges et des prisons anxiogènes sans espace, ils sont la dernière option possible en cas de fin du monde. Reste à savoir si l’on préfère y entrer, ou en sortir.
Tel est le pitch de Billionaires’ Bunker, une série en huit épisodes construite autour du (ou plutôt dans le) Kimera Underground Park, un bunker ultraluxueux bâti pendant sept ans pour anticiper une Troisième Guerre mondiale (toute ressemblance avec des faits réels n’est hélas pas fortuite).
À 275 mètres de profondeur, une bande de milliardaires a la chance d’échapper au pire grâce à un abri gigantesque aux prestations dignes d’un séjour VIP sur un yacht : bar à cocktails, spa, jardin zen, salle de sport et autres psys privés à consommer sans modération pendant qu’à l’extérieur, le monde s’écroule. Apocalypse oblige, rien ne va se passer comme prévu.
De gros moyens pour la team Casa de papel
Imaginée par le duo Álex Pina et Esther Martínez Lobato à qui l’on doit les cinq (longues) saisons de La casa de papel et son spin-off Berlin, Billionaires’ Bunker est une série à double tranchant. D’un côté, elle surfe sur l’angoisse collective d’une humanité au bord du gouffre. De l’autre, elle en profite pour régler leur compte aux ultrariches, cet infime 0,1 % de la population mondiale qui se soucie peu du sort des déclassés.

Et pour rendre crédible cette histoire de bunker pour nababs névrosés, les créateurs ont sorti l’artillerie lourde, tout en profitant de l’effet d’aspiration de blockbusters non anglophones, comme Lupin avec Omar Sy. Sans surprise et au regard du succès de La casa de papel, le casting de cette nouvelle production est majoritairement hispanophone. On retrouve Miren Ibarguren, Joaquín Furriel, Natalia Verbeke, Álex Villazán ou encore Alícia Falcó (de loin les deux acteurs les plus intéressants de la série).
Quant aux moyens, ils sont énormes : 4 800 figurants, plus de 7 000 m² de superficie de tournage et sept mois de construction pour des décors pouvant accueillir 300 personnes et trois équipes capables de filmer simultanément avec des caméras à 360° pour recréer l’atmosphère du dôme.
Un cliffhanger atomique dès l’épisode 1
Derrière ce dispositif colossal se cache Álex Pina, adepte des plot twists. Si l’idée de Billionaires’ Bunker lui est venue au plus fort de la pandémie, quand l’avenir du monde semblait tenir dans un mouchoir de poche, il n’en a pas oublié l’essentiel : savoir surprendre un public de plus en plus blasé.

Un conseil pour celles et ceux qui seraient tentés de décrocher dès le poussif épisode 1 (problèmes de construction narrative trop sommaire, dialogues patauds) : il faudra s’accrocher jusqu’à la fin des 56 premières minutes pour découvrir le véritable enjeu de cette œuvre faussement postapocalyptique. « Dans la société du spectacle, le vrai devient un moment du faux », disait Guy Debord. C’est aussi vrai pour ce bunker pour milliardaires où le danger n’est pas forcément à l’extérieur. Et la série de sonner comme une allégorie des temps modernes : le luxe ne protège pas du chaos – et encore moins des autres humains.
Entre le Loft et Squid Game
Certains seront tentés de voir dans Billionaires’ Bunker le successeur de La casa de papel, mais comparaison n’est pas raison. À y regarder de plus près, le show pioche bien davantage dans le registre de Squid Game que dans celui du casse spectaculaire. Ici, pas la planification d’un braquage hyperchorégraphié, mais un huis clos où l’argent, le confinement, les relations de pouvoir et la peur – psychologique, matérielle, morale – constituent un moteur narratif semblable à celui de Hwang Dong-hyeok.

Comme dans Squid Game (ou Loft Story), la série utilise l’enfermement, la lutte pour la survie et un crescendo de violence ou de dévoilements personnels. Un bon point pour ce bunker dont l’histoire patine parfois, alourdie par une intrigue et des dialogues beaucoup trop bavards ou attendus. Mais le style visuel léché imaginé par Miguel Amoedo sauve la mise et rappelle encore une fois l’esthétique pop de Squid Game dans un combo osé, mêlant spectaculaire, dystopie sociale et thriller psychologique grand public.
Au final ? Pas certain que la nouvelle création d’Álex Pina et Esther Martínez Lobato connaisse le même succès que La casa de papel. La foudre frappe rarement deux fois au même endroit. Mais pas sûr non plus que cette fin du monde tant attendue empêche la production d’une saison 2.