Décryptage

“Personal superintelligence” : le nouveau futur selon Mark Zuckerberg

04 septembre 2025
Par Florence Santrot
“Personal superintelligence” : le nouveau futur selon Mark Zuckerberg
©Meta

Le patron de Meta promet une révolution grâce à une intelligence artificielle « personnelle » qui saura tout de vous. Une vision qui rappelle étrangement l’épopée du métavers, avec les mêmes promesses… et les mêmes zones d’ombre.

Le 30 juillet 2025, Mark Zuckerberg publie une lettre publique pour présenter la personal superintelligence comme la prochaine grande révolution technologique. Fini le monde virtuel total du métavers : place à une intelligence artificielle hyper-personnalisée, censée vous accompagner partout, tout le temps. Une IA qui vous connaît mieux que vous-même, intégrée à des dispositifs comme les lunettes connectées de Meta.

« Aussi importante que puisse être un jour l’abondance produite par l’IA, un impact encore plus significatif sur nos vies viendra probablement du fait que chacun aura une superintelligence personnelle qui l’aidera à atteindre ses objectifs, à créer ce qu’il souhaite voir dans le monde, à vivre toutes sortes d’aventures, à être un meilleur ami pour ses proches et à devenir la personne qu’il aspire à être », écrit le fondateur de Meta. Comment ? « Des appareils personnels tels que les lunettes, qui comprennent notre contexte parce qu’ils voient ce que nous voyons, entendent ce que nous entendons et interagissent avec nous tout au long de la journée, deviendront nos principaux appareils informatiques », ajoute-t-il.

Une IA pensée pour vous (et vos données)

L’idée est de créer un super-assistant qui connaît vos goûts, vos habitudes, votre agenda, vos relations et anticipe vos besoins. Mark Zuckerberg parle d’un compagnon numérique « qui sait qui nous sommes, comprend nos objectifs et peut nous aider à les atteindre ». Derrière la formule, un projet stratégique : ancrer l’utilisateur encore plus profondément dans l’écosystème Meta.

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©3rdtimeluckystudio/Shutterstock

Derrière cette promesse d’un compagnon numérique « personnel » se cachent des enjeux éthiques majeurs : surveillance constante via des capteurs embarqués, concentration sans précédent de données sensibles entre les mains d’un acteur privé, et risque accru de dépendance technologique. Autant de questions qui dépassent le seul terrain de l’innovation pour toucher aux libertés individuelles. Meta promet une sécurité rigoureuse, mais l’histoire récente montre que les failles sont inévitables… et que l’entreprise n’hésite pas à exploiter les données à des fins commerciales.

Personal superintelligence ? Un parfum de déjà-vu

Depuis un an, Meta tente de rattraper son retard sur Google, OpenAI, Anthropic ou encore Microsoft en matière d’IA. En juin 2025, l’entreprise a créé les Meta Superintelligence Labs (MSL), dirigés par Alexandr Wang (ancien PDG de Scale AI, dont Meta a acquis 49 % en investissant pas moins de 14,3 milliards de dollars). Le groupe a aussi recruté, à prix d’or, des talents venus de la concurrence, notamment d’Apple. Un pari à long terme, d’autant que Meta affirme avoir franchi un cap : ses modèles montreraient désormais des signes d’auto-amélioration.

Pourtant, Mark Zuckerberg précise que les versions les plus puissantes de cette IA ne seront pas rendues publiques, pour des raisons de sécurité. « Nous devrons être rigoureux dans l’atténuation des risques et prudents dans ce que nous choisissons d’ouvrir en open source », affirme-t-il. Une décision qui alimente les critiques : la personal superintelligence risque de rester un outil propriétaire, enfermé dans l’environnement Meta, avec un accès et des règles décidés par l’entreprise.

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On retrouve un cycle narratif familier à celui du métavers : d’abord, la promesse d’un monde nouveau, puis l’instant radical présenté comme inévitable, et enfin une immersion – hier dans un univers virtuel, aujourd’hui dans votre quotidien. Un article de The Verge souligne ce glissement stratégique : « Meta ne cherche plus à battre ChatGPT sur le terrain de la productivité ; l’objectif est de remplir votre temps libre » avec des expériences IA engageantes, créatives, centrées sur l’utilisateur – et sur son attention.

Des promesses déjà entendues pour le coûteux métavers. Reality Labs, la division consacrée à ce projet, a déjà englouti plus de 50 milliards de dollars depuis 2019, sans jamais générer de profits significatifs. Avec sa superintelligence personnelle, Meta applique une nouvelle fois une stratégie faite de paris technologiques à haut risque, où la vision précède souvent la viabilité économique.

Le futur selon Meta

Pour certains, c’est une vision prometteuse : enfin une IA centrée sur l’utilisateur, réellement contextuelle et proactive. Pour d’autres, c’est surtout un coup de communication, un nouvel habillage conçu pour séduire les investisseurs tout en verrouillant davantage l’environnement de Meta. Ainsi, le média Vox voit dans cette démarche « une vision incroyablement terne de l’IA », nouvelle étape dans la course à l’attention.

La personal superintelligence arrivera peut-être, et changera peut-être notre rapport à la technologie. Mais une question demeure : avons-nous vraiment besoin d’une IA qui nous connaît mieux que nous-mêmes ? Ou s’agit-il d’une nouvelle étape dans l’enfermement numérique, sous couvert d’émancipation ? Avec Meta, la réponse risque d’être moins une affaire de philosophie… que de modèle économique.

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